LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

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Phillip Day

Phillip Day

Auteur de Cancer: Why We're Still Dying to Know The Truth et d'autres bouquins et vidéos à la YouTube dans lesquels il évoque une médecine scientifique nuisible et corrompue, motivée qu'elle est par l'appât du gain. Day colporte également l'histoire voulant qu'«ils» cherchent à nous cacher la vérité. Son message ressemble à celui de Kevin Trudeau, dans Natural Cures «They» Don't Want You to Know About. Il prétend que les causes fondamentales du cancer sont une forme d'empoisonnement et une déficience nutritionnelle, et préconise le Laetrile, la désintoxication et des changements dans l'alimentation comme traitement. Il appelle le Laetrile «vitamine B17». Selon lui, tout comme elle a prouvé qu'on prévient le scorbut par la prise de quantités suffisantes de vitamine C, la recherche montre qu'on évite le cancer grâce au Laetrile, ce qui est totalement faux.

Le Laetrile n'est pas une vitamine, et aucune donnée scientifique ne permet de croire que le cancer est causé par une déficience en vitamines ou en nutriments. Les premiers à proposer le Laetrile comme anticancéreux affirmaient que le cancer était un «trouble du métabolisme» qu'on pouvait prévenir et traiter en consommant des aliments bénéfiques, en évitant les aliments nocifs, et en prenant des substances comme le Laetrile. (Le métabolisme est le processus par lequel le corps transforme ce que l'on mange en énergie.*) Le lecteur qui s'intéresse à ce que la science dit sur les causes du cancer ferait bien de lire The Emperor of All Maladies: A Biography of Cancer, de Siddhartha Mukherjee (2010). Dans ma critique de cet ouvrage, j'ai écrit:

Nous savons maintenant que le cancer est une maladie d'origine clonale. Presque toutes ses formes commencent par une cellule originelle qui acquiert la capacité de se diviser et de survivre indéfiniment, et qui produit ainsi un nombre illimité de descendants [...] Le cancer est lié à l'âge, parfois de façon exponentielle. Par exemple, le risque de contracter un cancer du sein est d'environ 1 sur 400 pour une femme de 30 ans, mais de 1 sur 9 pour une femme de 70 ans. Chacun de gènes de chacune des cellules du corps humain peut muter. Certaines de ces mutations touchent les gènes qui régulent la division cellulaire d'une façon telle qu'elles entraînent le cancer. L'étude de ces mutations et de thérapies qui permettront d'atténuer ou d'éliminer leurs effets incontrôlés se trouve au cœur de la recherche contemporaine sur le cancer.*

Cela dit, il ne faut pas perdre de vue qu'il y a toute une marge entre affirmer que le cancer est un trouble d'origine métabolique et reconnaître (comme le font les scientifiques) que les cellules cancéreuses ont besoin d'énergie, et que trouver des façons d'empêcher ces cellules d'obtenir cette énergie est une partie importante des traitements. De toute manière, on a montré que le Laetrile ne traite rien du tout, et qu'il peut même se révéler nuisible dans certains cas.

Selon la Cochrane Collaboration:

Laetrile est le nom de commerce de l'amygdaline purifiée, une substance chimique que l'on retrouve dans les noyaux de nombreux fruits comme la pêche, l'amande amère et l'abricot. On y a beaucoup eu recours pour traiter les cancéreux depuis les années 1970, dans l'espoir qu'il pourrait enrayer la maladie ou en ralentir le processus. En raison de l'incertitude quant à son efficacité et du risque d'empoisonnement au cyanure que son utilisation comporte, la Food and Drugs Agency [sic] (la FDA) des É.-U. et la Commission européenne en ont interdit l'usage. Il est cependant encore possible d'en acheter de façon illégale par Internet. Comme aucune surveillance gouvernementale ne s'exerce sur ces préparations, elles peuvent venir de sources douteuses et être contaminées.
 
La meilleure façon de savoir si le Laetrile sert à quoi que ce soit dans le traitement du cancer demeure encore la consultation des résultats d'essais cliniques et des publications scientifiques. Malheureusement, nous n'avons trouvé aucune étude répondant aux critères d'inclusion dans notre examen.* (Voir la note ci-dessous.)

Il y a bien eu un essai clinique, mais sans groupe de contrôle randomisé.

En juillet 1980, le National Cancer Institute (NCI) a entrepris des essais cliniques sur 178 cancéreux à qui on administrait du Laetrile, des vitamines et des enzymes à la Clinique Mayo, ainsi qu'à trois autres établissements de traitement du cancer réputés. L'étude faisait appel à des patients pour lesquels aucun autre traitement n'avait été efficace, ou aucun traitement éprouvé n'était connu. Tous présentaient des masses tumorales qu'on pouvait facilement mesurer, mais la plupart étaient en bonne condition physique. Comme les promoteurs du Laetrile n'arrivaient pas à s'entendre sur une formule ou un protocole précis pour leur produit, le NCI a décidé d'employer une préparation qui correspondait à la substance vendue par un des principaux fournisseurs mexicains, American Biologics. La Direction des Ressources pharmaceutiques du NCI a contrôlé la qualité de la préparation fournie à l'aide d'une batterie de tests. Le dosage du Laetrile était basé sur les recommandations publiées par [Ernst T.] Krebs, Jr., et la Bradford Foundation.
 
Les résultats de l'essai étaient sans équivoque. On n'a obtenu aucune guérison, ni même de stabilisation dans l'état des patients. Le taux de survie médian s'est établi à 4,8 mois à partir du début de la thérapie, et chez ceux qui étaient encore vivants après sept mois, la tumeur avait crû. C'était à peu près ce qu'on aurait obtenu chez des patients ne recevant aucun traitement. En outre, plusieurs d'entre eux montraient des symptômes d'empoisonnement au cyanure, ou présentaient des taux sanguins de cyanure approchant les niveaux létaux. Un éditorial accompagnant la publication des résultats concluait:
 
Le Laetrile a eu sa chance. Les preuves, au-delà de tout doute raisonnable, montrent qu'il n'apporte aucun avantage aux patients souffrant d'un cancer à un stade avancé, et il n'y a aucune raison de croire qu'il serait plus efficace aux premiers stades de la maladie [...] Il est temps de conclure.
 
Bradford et American Biologics ont réagi en entamant trois poursuites en justice contre le NCI, sous le prétexte qu'à la suite de l'étude, les deux entreprises avaient subi des pertes financières importantes, causées par un déclin prononcé de la demande en Laetrile. Les trois poursuites ont été rejetées par les tribunaux. À l'heure actuelle, on trouve peu fournisseurs du produit aux É.-U. même, mais on continue de l'employer dans des cliniques mexicaines, et on le vend par Internet sous les vocables d'amygdaline ou «vitamine B17».*

On ne s'étonnera pas d'apprendre que Phillip Day n'a étudié ni en médecine ni en sciences, mais en affaires, surtout en vente et marketing. Ses connaissances scientifiques semblent d'ailleurs limitées, même s'il se donne le titre de «journaliste scientifique». Il fait preuve, en tous cas, d'une grande efficacité lorsqu'il s'agit de mettre en marché ses propres œuvres. Une recherche Google comportant les mots «Phillip Day cancer» donne comme premier résultat un site qui s'appelle Credence Online, propriété de Sheryl McMillan, collaboratrice de Day dans plusieurs vidéos, y compris celle qu'on a tournée pour la John Birch Society1 à propos des dangers qu'il y aurait à constituer un syndicat nord-américain sur le modèle européen. Il ne s'agit pas, ici, de condamner Day par association, mais le fait prendra toute sa signification quand nous aborderons les accusations de complot que formule Day contre «l'ordre médical établi». À l'instar des membres de la John Birch Society, qui voient des complots communistes ou «libéraux» derrière toute tendance sociale contre laquelle ils s'érigent, Day fait des grandes entreprises pharmaceutiques, de la médecine scientifique et des organismes gouvernementaux comme la FDA des conjurés cherchant à empêcher les Américains de vivre en santé.

Credence semble avoir une conception très élevée de sa mission:

Credence Publications est un organisme de recherche indépendant qui prend position sur des questions difficiles pouvant avoir un impact négatif sur le public. Notre but est de communiquer des renseignements vérifiés, commentés de façon adéquate, pour vous permettre de prendre des décisions éclairées en matière de santé.
 
Nous offrons également notre propre marque de produits de soins de santé soigneusement sélectionnés, de même que des produits de qualité supérieure venant d'autres compagnies qui partagent notre concept de mieux-être.

Bien en vedette dans le site Credence, on retrouve de la publicité pour la tournée de conférences «Grandes découvertes dans le domaine de la santé» de Day, ainsi que pour sa campagne «Médecine et vérité». La section «Pleins feux sur» donne une liste de vidéos et de livres de choix, dont cinq viennent de Day lui-même. Ils ont des titres accrocheurs comme L'ABC de la maladie; Le cancer - une mise en garde; et Le guide essentiel de la vitamine C. L'expérience de l'auteur en matière de marketing est évidente. Qui refuserait sa confiance à un site Web qui promet de dire la vérité à propos de la santé et de la médecine?

Parmi ceux qui, justement, font confiance à Day, on retrouve une massothérapeute, Michelle Woodworth, qui se décrit comme praticienne en formation dans le domaine de la santé holistique. Dans Credence, sa page s'intitule «Entretenir le mensonge - Traiter la maladie». Apparemment, l'une des histoires de Day veut que la médecine scientifique mente constamment par l'intermédiaire de son vaste réseau de propagande. Elle affirme posséder des traitements sans avoir d'intention véritable de guérir qui que ce soit. La médecine scientifique et l'industrie pharmaceutique veulent nous garder malades, afin de profiter de notre dépendance aux médicaments et aux opérations chirurgicales, sources de maladies et de problèmes de santé plutôt que traitements. Au lieu de démontrer la véracité de cette affirmation, Day consacre toute son énergie à expliquer comment les menteurs réussissent à maintenir leur crédibilité dans ce qu'il appelle une cause perdue. C'est ce qu'il explique dans un livre intitulé Health Wars. Woodworth écrit:

Dès le départ, Phillip Day nous dit comment il y a, de nos jours, davantage de crises cardiaques, d'infarctus, de problèmes d'obésité, etc., que jamais auparavant, sans que la médecine ne semble pouvoir y faire quoi que ce soit.

Il est plutôt injuste de jeter le blâme sur la médecine pour nos problèmes d'obésité. Je crois que la consommation excessive d'aliments, la dépendance à la malbouffe et autres mauvaises habitudes alimentaires, de même que le manque d'exercice sont sans doute davantage en rapport avec cette situation que la profession médicale. La médecine scientifique encourage les régimes alimentaires équilibrés et un mode de vie actif.

Est-ce bien vrai qu'il y a davantage de crises cardiaques et d'infarctus qu'avant? Selon un rapport du Center for Disease Control, les taux de cardiopathies aux É.-U. sont en décroissance.

Le pourcentage d'Américains victimes du tueur numéro un au pays, la cardiopathie, continue de décroître, selon une nouvelle recherche des Centers for Disease Control and Prevention. En tout, 6 pour cent des adultes au pays ont souffert de cardiopathies en 2010, soit une baisse de 6,7 pour cent par rapport à 2006. La tendance pourrait s'expliquer, d'après les experts, par la découverte de meilleurs traitements contre l'hypertension et l'hypercholestérolémie, de même que par un recul du tabagisme. Malheureusement, ce n'est pas tout le monde qui en profite: les Américains les moins instruits et les habitants de certains États, comme le Kentucky et la Virginie Occidentale présentent encore des taux de cardiopathie bien au-dessus de la moyenne nationale.*

Le tabagisme, les mauvaises habitudes alimentaires, la génétique et le manque d'activité physique expliquent en grande partie les taux de cardiopathies et de crises cardiaques. Quiconque blâme la médecine ne cherche en fait qu'à tromper le public.

La médecine ment d'une autre façon, selon Day, en incitant les gens à faire des dons à des organismes de recherche. Eh oui, la recherche sur le cancer, les maladies cardiaques, le diabète... tout ça fait partie d'un vaste effort de propagande visant à faire croire que les scientifiques désirent trouver de nouveaux traitements contre ces fléaux. Ils encouragent tout le monde à envoyer de l'argent pour les aider dans leur combat, mais ce n'est qu'une ruse! D'après Day, mieux vaut garder ses sous pour s'acheter des fruits et des légumes bio.

Toujours selon Day, la médecine scientifique fait souffrir des millions de personnes en les traitant avec des médicaments ou des radiations, ou en les faisant passer sur le billard au lieu de recommander une saine alimentation et un changement de mode de vie. Je fais partie d'une organisation de soins de santé intégrés, et mon médecin ressemble en tous points aux praticiens de médecine scientifique que j'ai déjà connus. Quand ma glycémie est devenue trop élevée, il a recommandé que je change mes habitudes alimentaires et mon style de vie. J'ai assisté aux cours sur ces deux sujets offerts aux diabétiques par mon organisation. Grâce aux bons conseils et aux encouragements de mon médecin, et à ce que j'ai appris par la recherche scientifique, j'ai perdu une bonne vingtaine de kilos, j'ai fait baisser d'environ 45 pour cent ma glycémie, et je n'ai pas encore eu à prendre de médicaments pour le diabète, contrairement à mon père et ma mère. Je suis également redevable à la médecine scientifique pour le tuteur intravasculaire qu'on a déployé dans une de mes artères, il y a plus d'une décennie. Sans cette opération, je serais sûrement mort.

Ce ne sont pas tous les diabétiques qui peuvent maîtriser leur maladie par un régime et de l'exercice. Certains souffrent de handicaps physiques ou mentaux qui leur rendent l'exercice impossible ou dangereux. Beaucoup ne peuvent se payer des fruits frais et des légumes tous les jours. Il y a également bien des malades qui font de l'exercice quotidiennement, qui mangent sainement et ne fument pas, mais qui n'arrivent pas à régulariser leur glycémie sans médication. Day et tous ceux qui racontent qu'on doit choisir entre une saine alimentation et les médicaments font fi de ce genre de détails.

Il a beau se dire préoccupé par la vérité, mais Day passe son temps à lancer des affirmations inexactes au sujet de la médecine scientifique et des entreprises pharmaceutiques. À propos de celles-ci, par exemple, il écrit que «la plupart des substances toxiques empoisonnant le public sont fabriquées par les mêmes compagnies qui manufacturent nos médicaments». Évidemment, comme il considère que tous les médicaments sont des poisons, on peut pense qu'il y a là une espèce de logique perverse. La médecine scientifique sait pertinemment que les produits employés en chimiothérapie sont toxiques: c'est justement pour cela qu'on y a recours! Personnellement, je suis reconnaissant envers les pharmaceutiques qui ont créé l'insuline et qui ont permis à ma mère de vivre plus longtemps que ne lui aurait permis la nature sans médicaments. Je suis heureux qu'existent les médicaments qui me permettent de vivre avec les quelques problèmes de santé qui sont les miens. Si Phillip Day ne veut pas consommer de médicaments ni se soumettre à la chirurgie, d'accord. S'il veut conseiller à autrui de manger des fruits et des légumes bio, d'accord. Mais il ne dit pas toute la vérité à propos de la médecine.

Notre homme crie sur tous les tons que ce qu'on lit dans les journaux sur les progrès de la médecine dans le traitement de la maladie est mensonger. Les progrès dans la lutte contre les maladies infectieuses ne sont pas vrais. En réalité, il semble bien que ce soit Day qui fabule. Il a recours à l'un des plus vieux trucs des apologistes de la médecine dite parallèle: tenter de s'attirer la sympathie du public en disant que ses adversaires le traitent de «fou», de «charlatan», d'«incompétent» ou de «déséquilibré». Il faut reconnaître que bien des critiques des traitements douteux qu'on offre contre le cancer emploient de telles épithètes, et qu'un tel comportement ne saurait remplacer les critiques quant au fond. D'autre part, certains affirment que Day est un charlatan et présentent des preuves tout à fait claires qu'il ne sait pas de quoi il parle, ou qu'il trompe intentionnellement ceux qui l'écoutent.

Dans l'arsenal rhétorique de Day, on retrouve également la fausse dichotomie. Il laisse souvent croire qu'on doit choisir entre «bien manger ou gober des comprimés». Michelle Woodworth, dans la promotion qu'elle fait de Day, conclut par la phrase suivante: «Faire la promotion des légumes plutôt que des médicaments». Pourtant, bien des gens possèdent d'excellentes habitudes alimentaires et doivent néanmoins prendre des médicaments.

Selon Day, les savants entretiennent le mythe du progrès scientifique en médecine en passant sous silence tout ce qui ne concorde pas avec l'idée, et en inventant des nouvelles maladies afin de les traiter avec des médicaments onéreux, qui rapportent gros. Il donne comme exemple le trouble déficitaire de l'attention et l' hyperactivité avec déficit de l'attention. Aucun médicament ne peut guérir ces troubles, dit-il avec raison. Les médicaments ne font que traiter les symptômes, et encore là, c'est vrai, comme on le sait très bien en médecine scientifique. «Vous pouvez dépenser sans compter pour gaver vos enfants de médicaments, non pas pour les guérir, mais pour atténuer leurs symptômes, ou vous pouvez leur servir des repas nutritifs et équilibrés pour obtenir de meilleurs résultats, sans effets indésirables.» Encore une fois, c'est faire jouer une fausse dichotomie, à l'encontre de la vérité. Il est possible que le trouble déficitaire de l'attention soit surdiagnostiqué, mais il est tout simplement faux de dire qu'on ne peut traiter les personnes qui en sont atteintes, même des enfants, par des médicaments, et conseiller du même souffle que ces personnes mangent plutôt des repas nutritifs. On ne peut remplacer un traitement médical par des aliments. D'ailleurs, cette idée mérite qu'on y accorde un peu d'attention.

D'où vient cette idée, que ce que nous mangeons cause les maladies dont nous souffrons, y compris le cancer? D'abord, reconnaissons la part de vérité que contient une telle affirmation. L'obésité résulte habituellement des habitudes alimentaires, et constitue un facteur de risque bien connu dans les cas de cardiopathies et d'infarctus. Ensuite, le fait qu'une bonne alimentation joue un rôle clé en santé est bien connu de la médecine scientifique. Enfin, plusieurs maladies sont le résultat d'une carence, de l'absence de certains aliments. Le scorbut, par exemple, atteint ceux qui ne consomment pas assez de produits contenant de la vitamine C. Mais il y a toute une marge entre ces données fondamentales et l'idée que l'alimentation seule peut prévenir ou traiter toutes les maladies, ou que le manque d'un aliment quelconque soit la cause de toutes les maladies. Tout médecin digne de ce nom sait qu'une saine alimentation compte, et qu'elle devrait comprendre plusieurs portions de fruits et de légumes frais chaque jour. Tout médecin digne de ce nom sait qu'il faut s'abstenir de fumer et faire de l'exercice. Tout médecin digne de ce nom sait que le cancer n'est pas un trouble de l'alimentation, et que les médicaments, même s'ils présentent des risques, prolongent et améliorent la vie de bien des gens. L'idée que le cancer ne frappe que ceux dont c'est la faute, parce qu'ils ne mangeaient pas les bonnes choses, est peut-être liée à cette autre idée que «rien n'arrive pour rien», et qu'en fin de compte, tout cela permet de croire qu'il y ait une justice en ce bas monde. Que le cancer puisse frapper au hasard, parce qu'une particule d'amiante se retrouve au fond d'une cavité pulmonaire et cause une mutation cellulaire létale à long terme ne semble pas juste du tout. Fumer pendant vingt-cinq ans et se retrouver avec un cancer du poumon correspond davantage au concept d'une justice immanente. Mais Day et tous ceux qui ne voient qu'une cause et un traitement pour le cancer - l'alimentation - veulent plus qu'un univers juste; il leur faut aussi un univers simple. Que le cancer soit aléatoire, imprévisible et incroyablement complexe ne leur convient pas du tout. Cependant, les connaissances scientifiques de la maladie sont pratiquement antithétiques à celle de Day. Voici un peu de la vérité, telle que la voit la science:

Le cancer, comme on l'a découvert, fait partie intégrante de notre génome. Les oncogènes surgissent à la suite de mutations que subissent certains de nos gènes essentiels pour la régulation de la croissance cellulaire. Ces gènes cumulent les mutations quand leur ADN est endommagé par des substances cancérigènes, mais également par des erreurs apparemment aléatoires dans la copie des gènes lorsqu'ils se reproduisent. On peut éviter une bonne partie des produits cancérigènes, mais la seconde cause est endogène. Le cancer est un problème de croissance qui se trouve au plus profond de nous-mêmes. Il est possible de se débarrasser du cancer, par conséquent, uniquement dans la mesure où l'on peut se débarrasser des processus physiologiques qui dépendent de notre croissance: le vieillissement, la régénération, la guérison, la reproduction. (Mukherjee, Siddhartha (2010-11-16). The Emperor of All Maladies (p. 462). Scribner. Édition Kindle)

La vision que se fait Day du cancer plaira à ceux qui se méfient déjà de la médecine scientifique, qui se sont pris d'enthousiasme pour la consommation d'«aliments naturels» ou «biologiques» afin de se garder en santé. Mais cette illusion d'immunisation contre le cancer couplée à l'ignorance de la science peut s'avérer nuisible. Aucun régime spécial, pas plus qu'aucune forme de médecine scientifique, ne permettra à un cancéreux de vivre éternellement. Nous allons tous mourir, certains plus tôt que tard parce qu'ils auront suivi les conseils de types comme Phillip Day.

 

Nota: La Cochrane Collaboration (CC) conclut son examen des données sur le Laetrile et le cancer de la façon suivante: «Cet examen systématique fait clairement ressortir le besoin d'essais cliniques randomisés ou contrôlés pour l'évaluation de l'efficacité du Laetrile ou de l'amygdaline dans le traitement du cancer». Voilà qui permet de souligner l'un des principaux défauts de la CC. Rien, dans ce que nous savons du cancer et du Laetrile, ne permet de penser que de telles études pourraient constituer autre chose qu'une perte de temps et d'argent. Non seulement n'y a-t-il aucune bonne raison de penser que le Laetrile serait efficace, mais il comporte un effet indésirable grave, l'empoisonnement au cyanure. C'est là toute la différence entre la médecine fondée sur des résultats cliniques, qui met l'accent sur les essais randomisés contrôlés, et la médecine scientifique, qui voit de tels essais comme une simple pièce du casse-tête.

 

Voir également: Jon Barron; Hulda Clark, Effet placebo; Guérison par la foi; Radionique; Régime alcalin; Matthias Rath; Thérapie Gerson; Robert O. Young.

 

  1. Groupe de la droite radicale étasunienne, opposé au communisme et à l'interventionnisme gouvernemental. [NdT]

Dernière mise à jour le 24 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary