LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

Médecine scientifique

«La rectitude politique pousse maintenant à effectuer des recherches sur des sornettes»
R. Barker Bause

 

Manière d'envisager la médecine selon laquelle il faut évaluer les médicaments et traitements à la lumière des meilleures preuves scientifiques.* Au cœur du concept, on retrouve ce qui distingue avant tout la médecine scientifique de la médecine fondée sur l'expérience clinique, à savoir l'existence de la science en tant qu'ensemble de théories, de connaissances et de lois interdépendantes. La médecine fondée sur l'expérience clinique considère comme preuve scientifique tout résultat obtenu au cours d'un essai clinique (et par conséquent, par des méta-analyses ou des examens méthodiques d'essais cliniques), que ces essais reposent ou non sur le concept de plausibilité scientifique. Les auteurs d'un blogue sur la médecine scientifique expriment la chose ainsi:

Le concept de médecine fondée sur l'expérience clinique exerce une influence vitale et positive sur la pratique de la médecine, mais il comporte des limites. Dans le cadre du présent blogue, nous nous intéresserons particulièrement au fait qu'il se centre sur les résultats d'essais cliniques à l'exclusion de la plausibilité scientifique. Les résultats (les fameuses «preuves» obtenues par la médecine fondée sur l'expérience clinique) sont utiles, mais ne peuvent renvoyer qu'à eux seuls, en négligeant les modalités médicales qui se situent hors du paradigme scientifique, et pour lesquelles la plausibilité scientifique va de très faible à inexistante.

Il faut jauger les affirmations dépourvues de plausibilité, comme celles que l'eau possède une mémoire (homéopathie) ou qu'il faut débloquer le chi pour restaurer la santé (acuponcture) en relation avec l'ensemble de nos connaissances scientifiques. En soi, ces idées n'ont aucune plausibilité, ce dont il faut tenir compte lorsqu'on évalue les essais cliniques reposant sur elles. Certains partisans de la médecine fondée sur l'expérience clinique s'élèvent contre le fait que certaines procédures médicales ne sont pas fondées sur des essais cliniques. Dans certains cas, pourtant, on peut déterminer la plausibilité scientifique sans recourir à des expériences sur des échantillons aléatoires et contrôlés. Inutile de demander à deux personnes, l'une munie d'un parachute et l'autre pas, de sauter d'un avion en vol afin de savoir quelle façon de faire est la plus sûre. De même, on peut très bien recommander certaines pratiques médicales à partir de nos connaissances scientifiques et du facteur de plausibilité sans exiger d'essais cliniques. Exigeriez-vous des essais cliniques avant de laisser un secouriste appliquer un tourniquet à votre bras en cas d'hémorragie?

Pour la médecine scientifique, les essais sur des échantillons aléatoires et contrôlés sont la meilleure façon de réduire au maximum l'effet de biais éventuels, sans toutefois constituer la seule norme applicable. Kimball Atwood, du blogue sur la médecine scientifique insiste sur ce fait:

...nous sommes tous d'accord sur le fait que les grands essais randomisés avec groupe de contrôle constituent le meilleur moyen de réduire le plus possible les biais dans l'évaluation de traitements prometteurs. Ces essais ont montré maintes et maintes fois comment ils permettent de réfuter des affirmations qui ne reposent que sur la physiologie, des études de modèles animaux, de petits essais sur des humains, le jugement clinique, ou d'autres facteurs semblables.

Selon la médecine à caractère scientifique, il est nécessaire, avant de mettre à l'essai un traitement médical, qu'il y ait une «probabilité raisonnablement élevée» que le traitement en question fonctionne. Il y a quelque chose d'illogique et de contraire à l'éthique de mener des essais cliniques pour savoir si, par exemple, le pollen d'abeilles guérit du cancer ou si le cartilage de requin est utile contre l'arthrite. Pourquoi? Parce qu'il n'y a aucune indication scientifique solide montrant que la chose servirait à qui que ce soit. Agir ainsi, au gré de la fantaisie d'un politicien, par exemple, qui attribue la guérison de son chien au pollen d'abeilles est illogique. Exposer des gens ou des animaux à des substances quelconques pour tester des effets dépourvus de plausibilité scientifique n'est pas conforme à l'éthique. En outre, comme le fait remarquer Kimball Atwood:

Certaines affirmations sont tellement peu plausibles que les essais cliniques tendent à embrouiller les choses au lieu de les rendre plus claires. Les essais effectués sur des humains sont chose délicate. Il est impossible de les rendre rigoureux de la même façon que des expériences en laboratoire. Comparés à elles, les essais cliniques sont nécessairement moins robustes, et peuvent tomber sous le coup de nombreux types d'erreurs: des biais, conscients ou non, menant à la création de groupes de contrôle et de groupes expérimentaux non comparables, ou provenant de ces mêmes circonstances; l'expression de signaux aux sujets; des analyses après le fait; des artefacts produits par des analyses multiples; la confusion non reconnue de données en raison de motivations propres aux sujets; la rétention de résultats; des analyses statistiques inappropriées; des conclusions qui ne découlent pas des données; le regroupement inapproprié de données non significatives venant de plusieurs études de petite taille pour produire un résultat en apparence statistiquement significatif; la fraude, et bien d'avantage... *
 
Lorsque des essais randomisés contrôlés sont menés pour des traitements inefficaces aux probabilités antérieures faibles, ils tendent à produire non pas des résultats «négatifs», comme la plupart des médecins formés à la médecine fondée sur l'expérience clinique pourraient le croire, mais plutôt, dans l'ensemble, des conclusions équivoques, que brandissent alors des personnes intéressées en guise de preuves en faveur desdits traitements, ou à tout le moins, comme raison d'exiger des essais supplémentaires, position que même les plus sceptiques de ceux qui se conforment à la médecine fondée sur l'expérience clinique doivent accepter. On peut en arriver ainsi à la naissance d'une véritable industrie de l'essai scientifique. *

Il est illogique d'accorder plus de poids à un ensemble d'essais cliniques de valeur douteuse conférant un soutien minimal au traitement concerné qu'à un corpus de connaissances scientifiques montrant que le traitement ne jouit d'aucune plausibilité. La médecine fondée sur l'expérience clinique ne tient pas compte de la plausibilité scientifique comme facteur important dans l'évaluation d'un traitement comme le fait la médecine scientifique. Pour cette dernière, la plausibilité scientifique est une condition nécessaire, quoique non suffisante, au passage à l'essai clinique et à l'application du traitement.

Enfin, la médecine scientifique soutient que la probabilité bayésienne constitue une mesure supérieure des données obtenues durant un essai clinique par rapport à la valeur p des «statistiques fréquentielles».

Dernière mise à jour le 24 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary