LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

Jon Barron (et l’effet Barron)

Jon Barron est le fondateur de la Baseline Health Foundation et de Baseline Nutritionals1. Barron vend des produits « nutritionnels » qu'il conçoit, comprenant des boissons diététiques, des préparations à base de plantes, et un programme de désintoxification2. Il prétend qu'il a découvert « un procédé révolutionnaire dans la fabrication de produits à partir de plantes qui rend ces préparations de 100 à 200 % plus concentrées que par les précédentes techniques d'extraction ». Il ne veut pas révéler la méthode secrète qu'il emploie pour produire ses préparations, mais il nous signale que cela met en jeu un changement de paradigme, l'énergie scalaire, la médecine vibrationnelle, et l'effet Kirlian, afin de montrer qu'il n'invente pas cette histoire. Il a modestement donné son nom à sa découverte : l'effet Barron®3.

Il peut bien produire et vendre des préparations concentrées, mais jusqu'à présent la communauté scientifique n'a pas été éblouie par le génie de Jon Barron, bien qu'il soit l'auteur de Lessons from the Miracle Doctors et qu'il appartienne au conseil médical consultatif de l'Institut des Sciences de la Santé, une organisation consacrée à « l'urgence des progrès en médecine d'avant-garde ». Médecine d'avant-garde est une expression codée pour non reconnu comme médecine par la communauté médicale à vocation scientifique.

Barron multiplie les affirmations concernant la santé. En voici quelques-unes. « Les cellules cancéreuses sont, pratiquement sans exception, des cellules à basse différence de potentiel... La différence de potentiel optimale pour la plupart des cellules de l'organisme se situe dans une plage de 70 à 90 millivolts. Les cellules cancéreuses sont presque exclusivement dans un intervalle de 15 à 20 millivolts. » Je ne sais pas si les cellules cancéreuses sont dans la plage de 15 et 20 millivolts, mais le site NanoMedicine rapporte que le potentiel électrochimique entre les milieux intra et extra cellulaires se situe habituellement dans une amplitude de 10 à 100 millivolts4. Si l'on ignore qu'il existe aussi des cellules saines se trouvant normalement dans la fourchette de 15 à 20 millivolts, on ne peut savoir ce que signifient ces valeurs pour les cellules cancéreuses, si bien sûr elles se situent dans cette plage.

Barron conjecture qu'« au moment où la chute de différence de potentiel cellulaire atteint des valeurs qui menacent la survie même de la cellule, celle-ci commence à proliférer de façon incontrôlée pour assurer sa "survie" ». Barron prétend aussi que sa découverte magique de machins énergisants peut être utilisée pour augmenter la différence de potentiel des cellules cancéreuses et arrêter leur prolifération. Si Barron avait raison sur la cause de la prolifération des cellules cancéreuses et sur l'effet de son agent énergisant pour arrêter leur multiplication, il aurait le prix Nobel et la communauté médicale se bousculerait à sa porte. Les spécialistes du cancer ne croient pas que la différence de potentiel des cellules ait beaucoup d'importance pour établir la cause de leur transformation cancéreuse ni pour définir comment il est possible de les traiter.

Nous avons découvert que le cancer est inscrit dans notre génome. Les oncogènes proviennent de mutations dans les gènes indispensables à la régulation de la croissance cellulaire. Des mutations s'accumulent dans ces gènes quand l'ADN est altéré par des carcinogènes, mais aussi apparemment par des erreurs aléatoires dans la copie des gènes quand les cellules se divisent. Il est possible de prévenir les premières, mais les secondes sont endogènes. Le cancer est un défaut dans le développement de notre organisme, mais ce défaut est profondément enraciné en nous-mêmes. Nous pouvons nous débarrasser du cancer, seulement dans la mesure où nous pouvons nous débarrasser des processus dont dépend le développement de notre organisme - le vieillissement, la régénération, la guérison, la reproduction. (Mukherjee, Siddhartha. The Emperor of All Maladies, p. 462, Scribner, édition électronique Kindle.)5

Barron se prétend également expert en stase stercorale6. À la page 42 de son livre Lessons from the Miracle Doctors, Barron écrit :

Il faut tenir compte qu'un intestin paresseux peut garder des kilos de vieilles matières fécales toxiques et délétères (des chiffres de 5 à 10 kilos ne sont pas rares, et on a rapporté en fait jusqu'à une trentaine de kilos).

Pas d'inquiétude. Barron vend le remède pour évacuer toute cette merde.

Barron fait également des recommandations sur les vaccins. Il pense que les vaccins sont dangereux, à cause du mercure qui empoisonne nos enfants. Il a publiquement critiqué une étude scientifique sur les vaccins et le thiomersal7, ce qui lui a valu d'être sévèrement condamné par le Dr Steven Novella.

Jon Barron n'est pas vraiment une source crédible - il tente seulement de vendre ses propres programmes détoxifiants de charlatan. Il tire ainsi directement profit de la pseudoscience dont il fait la promotion.
 
Apparemment Jon Barron - qui cherche à éliminer le mercure de votre organisme par chélation - ou n'a pas réellement lu l'étude, ou bien simplement ne se soucie pas des faits tant qu'il peut vendre ses produits. Le mercure urinaire a été dosé, bien que les taux n'aient pas augmenté de façon significative. Mais Barron ne mentionne pas que le mercure excrété dans les selles a été évalué, et que son niveau y a augmenté et diminué tout comme dans les dosages sanguins. Cela suggère fortement qu'au moins une partie du mercure est excrété dans les selles. De plus, les auteurs discutent honnêtement les limites de leur étude, du fait que seuls des dosages ponctuels ont été effectués, et non sur 24 heures ; une étude ultérieure examinant l'excrétion du mercure dans les selles des 24 heures devrait répondre avec plus de précision sur la quantité de mercure éliminé. Ils discutent explicitement l'hypothèse de deux compartiments - que la diminution du mercure sanguin ne signifie pas forcément qu'il soit éliminé de l'organisme. Cela montre que Jon Barron est un zozo malhonnête. Il soupçonne les journalistes de connivence avec Big Pharma8, cependant que lui-même joue les compères pour vendre ses propres remèdes miracles de charlatan.

Je suis d'accord avec le Dr Novella pour dire que Barron n'est pas une source crédible. Je ne peux pas affirmer que tout ce que déclare Barron sur la santé et la médecine soit faux, mais il sert des intérêts personnels qui font obstacle à sa capacité d'évaluation objective de l'information médicale.

Barron soutient l'idée que, pour la plupart des gens, la nourriture seule ne peut fournir à un individu suffisamment d'éléments nutritifs nécessaires pour rester en bonne santé. Barron recommande une gamme de compléments quotidiens. Il soutient également que l'alimentation biologique est plus saine que l'alimentation traditionnelle. La science ne confirme pas de façon probante la supériorité de l'alimentation biologique sur l'alimentation traditionnelle. De même que la science ne confirme pas la notion que des compléments alimentaires, vitamines, sels minéraux et autres sont nécessaires pour rester en bonne santé. À moins de présenter un déficit précis, la supplémentation n'apporte aucun bénéfice et peut même être nuisible.

Tous les médecins à vocation scientifique savent qu'une alimentation saine est importante et devrait comporter plusieurs portions quotidiennes de fruits et légumes frais. Tous les médecins à vocation scientifique savent que l'on ne devrait pas fumer et faire si possible de l'exercice. Tous les médecins à vocation scientifique savent que le cancer n'est pas une maladie nutritionnelle et que les médicaments ne sont pas sans risque, mais qu'ils prolongent et améliorent la vie de nombreuses personnes.

Que l'on doive porter la responsabilité de son cancer parce que l'on n'a pas une bonne alimentation ou que l'on ne prend pas assez de compléments est une idée liée à celle que rien ne survient sans cause, et qu'en fin de compte la cause se rattache à la certitude qu'il existe une justice en ce monde. L'idée que l'on puisse prévenir le cancer en prenant des compléments ou en consommant de copieuses portions de fruits et légumes biologiques est une illusion. Il est rassurant de croire que l'on puisse maîtriser les événements futurs affectant notre santé, mais il faut être honnête quand on affirme qu'il y a des preuves scientifiques de la prévention des cancers par des composants alimentaires. Même la Société Américaine du Cancer surestime leur importance sur sa page concernant les éléments phytochimiques (antioxydants, flavonoïdes, flavones, isoflavones, anthocyanidines, isothiocyanates, caroténoïdes, sulfures de diallyle, polyphénols) :

Il existe des éléments de preuves indiquant qu'une alimentation riche en fruits, en légumes et en céréales complètes réduit le risque de certains types de cancers et d'autres maladies, et les chercheurs étudient les composants précis de ces aliments qui pourraient expliquer les effets bénéfiques chez l'homme. L'affirmation que prendre des compléments phytochimiques est aussi utile que de consommer des fruits, des légumes, des légumineuses et des céréales d'où ils sont extraits n'est pas confirmée par les preuves scientifiques existantes (italiques ajoutés).

Les données indiquant qu'une alimentation riche en un quelconque élément réduit le risque de certains types de cancers proviennent d'études par observation.

La plupart des éléments de preuves proviennent à ce jour d'observations de sociétés dans lesquelles la source de l'alimentation est principalement d'origine végétale, et qui semblent présenter des taux plus faibles de certains types de cancers et de maladies cardio-vasculaires. Par exemple, les taux relativement plus faibles de cancers du sein et de l'endomètre dans certains pays d'Asie sont attribués au moins en partie aux habitudes alimentaires. Ces cancers sont très fréquents aux États-Unis, peut-être parce que l'alimentation américaine habituelle est plus riche en graisses et plus pauvre en fruits, en légumes, en légumineuses et en céréales (italiques ajoutés).

La Société Américaine du Cancer ne mentionne pas que certains pays d'Asie présentent de plus forts taux de cancers de l'œsophage, de l'estomac, de la thyroïde, du pancréas et du foie. Faut-il attribuer ces taux élevés aux habitudes alimentaires ? L'augmentation en Chine des taux de mortalité par cancer du poumon et du sein résulte-t-elle de l'alimentation ? Peut-être, mais si j'étais à la recherche d'une cause principale, je crois que je regarderais le tabagisme et le taux de natalité avant de considérer la consommation de brocolis ou les apports en vitamine C.

Les données qui vont dans l'autre sens - que certains aliments augmentent de risque cancer - sont également fournies par l'observation. Des études sur la relation entre consommation de soja et taux de cancer ont donné lieu à des recommandations contradictoires. Certains affirment que le soja est dangereux ; d'autres, comme Jon Barron, déclarent qu'il est bénéfique pris avec modération, tant que vous prenez le complément qu'il préconise. Quelques-uns, comme Andrew Weil, recommandent aux hommes de consommer du soja parce que les hommes en Asie ont un plus faible risque d'adénome prostatique9 (hypertrophie bénigne de la prostate) et que quelques chercheurs supposent que cela est lié à leur consommation de soja.

Ainsi, oui, il existe des éléments de preuves que l'ingestion de substances phytochimiques peut contribuer à prévenir le cancer et que l'ingestion de certains aliments peut augmenter les taux de cancer, mais le niveau des preuves n'est pas très élevé. Il est nécessaire d'effectuer beaucoup plus de recherches avant d'affirmer que l'on peut prévenir le cancer par une alimentation riche en antioxydants ou en évitant de consommer des aliments comme le soja. Croire que régime alimentaire et supplémentation peuvent prévenir le cancer procure l'illusion d'une maîtrise. C'est une rassurante et puissante illusion, mais qui ne préserve pas plus du cancer que la méthode Coué.

L'idée qu'un cancer puisse survenir de façon complètement aléatoire, par le hasard d'une fibre d'amiante retenue dans une cellule pulmonaire qui va muter et se développer en cancer du poumon, ne semble ni juste, ni équitable. Fumer pendant trente-cinq ans et avoir un cancer du poumon semble mieux s'accorder et être en conformité avec un univers juste. Mais ceux qui ne voient qu'une cause et qu'un traitement pour le cancer - par l'énergie ou l'alimentation - désirent non seulement un monde juste, mais aussi un monde simple. L'idée d'un cancer de survenue aléatoire, imprévisible, et incroyablement complexe ne convient pas à de telles gens.

 

Voir également: Hulda Clark, Phillip Day, thérapie de Gerson, Matthias Rath, Robert O. Youngthérapies de détoxification, guérison par la foi, radionique.

 

Notes du traducteur.

  1. Que l'on pourrait traduire par Fondation Repères pour la Santé et Repères nutritionnels.
  2. On a, dans la présente traduction, employé le néologisme de détoxification, calque de l'anglais, pour les méthodes pseudoscientifiques censées éliminer les « toxines » de l'organisme afin de réserver le terme de détoxication à « l'ensemble des biotransformations que subissent certains composés exogènes (médicaments par exemple) ou endogènes (hormones stéroïdes, bilirubine) en vue de leur élimination de l'organisme. »*
  3. La page donnée en référence est traduite en français sur ce site ; curieusement, les produits « chargés d'énergie scalaire » qui y sont vendus ne sont pas ceux de Jon Barron... bien que se rapportant à l'effet qui porte son nom.
  4. De part et d'autre de la membrane de toute cellule vivante, il existe un potentiel électrochimique résultant de la différence de concentration en composés ioniques des milieux intra et extra cellulaires. Sa valeur varie de -10 et -100 millivolts (par exemple, chez l'homme, -70 millivolts pour un neurone, -35 à -52 millivolts pour un lymphocyte, et -7 à -10 millivolts pour un globule rouge*).
  5. Titre complet de l'ouvrage : L'empereur de toutes les maladies : biographie du cancer, qui a valu un prix Pulitzer en 2011 à son auteur.*
  6. Terme médical désignant l'accumulation de matières fécales dans le côlon.*
  7. Jon Barron affirme : « Étant donné que l'étude n'a pas suivi le taux urinaire de mercure, il n'y a aucun moyen de savoir s'il a été éliminé de l'organisme ».
  8. Pour avoir publié les résultats de l'étude sans les remettre en question.
  9. Mais l'adénome de la prostate n'augmente pas le risque de cancer de la prostate.*

Dernière mise à jour le 23 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary