LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

Le protocole Gonzalez

Nicholas James Gonzalez

Le protocole1 Gonzalez est un traitement anticancéreux inventé par Nicholas James Gonzalez, docteur en médecine, et proposé uniquement à ses patients. Le traitement associe la prise d'environ 150 compléments à base de vitamines, de sels minéraux et d'enzymes pancréatiques de porc, ainsi que des lavements au café et un régime alimentaire spécifique prétendument adapté au système métabolique du patient.

Selon l'Institut national du cancer, « les données cliniques se rapportant à l'efficacité du régime Gonzalez comme traitement anticancéreux sont limitées et donnent des résultats contradictoires ». Cette affirmation induit quelque peu en erreur, puisque les résultats positifs proviennent de Gonzalez lui-même. Une étude indépendante, bien que non parfaitement conçue, constate que parmi 55 patients atteints d'un cancer du pancréas inopérable, 23 ayant opté pour la chimiothérapie ont survécu plus de trois fois plus longtemps (14,0 contre 4,3 mois) et ont eu une meilleure qualité de vie que ceux qui avaient choisi le protocole Gonzalez.

Il est évident qu'il serait immoral de réaliser une étude randomisée avec groupe témoin sur une thérapie anticancéreuse qui n'a pratiquement aucune vraisemblance, compte tenu de nos connaissances sur le cancer et ses traitements. Il faut donc s'appuyer sur des études observationnelles qui comparent des patients souffrant d'un certain type de cancer recevant soit un traitement éprouvé soit le traitement Gonzalez. Ce qui est certain à ce stade, c'est que la méthode Gonzalez n'a pas montré d'efficacité dans le traitement du cancer. En outre, il n'y aucune raison de penser qu'elle pourrait fonctionner.

William Donald Kelley

Gonzalez a puisé l'idée de son traitement dans le travail d'un orthodontiste qui avait imaginé qu'une mauvaise alimentation provoque le cancer et qu'une alimentation saine le prévient et le guérit. Comment un dentiste a-t-il trouvé l'idée d'un traitement contre le cancer ? Dans ce cas, l'histoire est connue et est plutôt ordinaire. En 1962, on avait diagnostiqué chez William Donald Kelley (1925-2005) un cancer du pancréas et on lui avait dit que dans son cas, il n'y avait pas de traitement. Il avait consulté son médecin pour des douleurs, une perte de poids et un état dépressif. Le médecin lui avait dit qu'il lui restait trois mois à vivre. Kelley est mort à 79 ans d'une crise cardiaque, pendant une hospitalisation pour infection des voies aériennes supérieures. Il est évident que le médecin s'était trompé sur l'espérance de vie de Kelley. Ce n'est ni la première ni la dernière fois qu'un médecin commet une erreur de diagnostic et de pronostic. On peut supposer que le diagnostic était erroné, mais Kelley était convaincu d'avoir un cancer, et il a essayé la thérapie de Gerson avec quelques changements diététiques empiriques de son cru. Puisqu'il allait mieux et n'était pas mort au bout de trois mois, il en était arrivé à croire qu'il avait découvert le traitement du cancer. Naturellement, il écrivit un ou deux livres sur sa guérison. D'autres, y compris Gonzalez, pensant que le diagnostic de Kelley avait été correctement posé, en sont venus à croire également dans son idée que l'alimentation était la clé pour prévenir et traiter le cancer.

Quelques-uns des conseils de Kelley sont judicieux, par exemple d'arrêter la malbouffe et consommer beaucoup de fruits frais, de légumes, de fruits à coques, des graines et des céréales entières. D'autres recommandations avancent sans preuve que certains produits sont efficaces pour ralentir la croissance des tumeurs cancéreuses, par exemple les enzymes de porc. Ceux qui croient que des poisons non spécifiés provoquent le cancer et qu'une détoxification est nécessaire recommandent des lavements au café. Étant donné que ces poisons ne sont jamais nommés ou identifiés, il est impossible de prouver que ces affirmations sont fausses. Cependant, elles semblent dénuées de sens. Comme le notent deux chercheurs à propos de ces procédés douteux :

Un autre principe fondamental de nombre de ces [prétendus traitements alternatifs du cancer] méthodes est la « détoxification ». Elle est fondée sur l'idée que des quantités accrues de substances toxiques sont issues des tumeurs et que cela provoque la maladie ; par conséquent, si l'on débarrasse l'organisme de ce genre de « poisons », le patient ira mieux. La « détoxification » est censée stimuler le foie par l'ingestion d'extraits de foie et d'herbes, d'enzymes pancréatiques, et de régimes spéciaux pauvres en protéines animales, associés à des périodes de jeûne. La nature particulière des toxines et les modifications biochimiques ne sont pas mentionnées. Personne n'a pu démontrer l'existence de « toxines » spécifiques en tant que facteur clinique du cancer chez l'homme. Cette obsession de détoxifier et de purifier a entraîné la promotion des lavements au café et à d'autres substances2 pour nettoyer l'intestin de ses toxines. Un article récent rapporte deux décès après administration de lavements au café, en relation avec une hyponatrémie et une hypokaliémie.*

Kelley fut convaincu d'être débarrassé de son cancer par des lavements au café après qu'il eut présenté les premiers signes d'un syndrome pseudogrippal lors de la prise d'enzymes de porc.

Le Dr Kelley commença les lavements au café en 1963 quand il fut atteint

d'un syndrome pseudogrippal - après sept mois de sa thérapie originale consistant à se nourrir principalement de fruits et légumes crus, des fruits secs trempés, des haricots et du riz entier (alimentation appropriée à son type métabolique3) et de quantité d'enzymes lyophilisées de pancréas de porc, pendant et entre les repas. Au troisième jour de sa maladie, il se mit à vomir - chaque fois qu'il prenait les enzymes, il les rejetait régulièrement. Quand il se rendit compte qu'il était possible que les enzymes le fissent vomir et lui fissent ressentir les symptômes de la grippe, il décida de les arrêter pendant quelques jours pour voir si c'était vrai. En quelques jours, il se sentit mieux et recommença à prendre des enzymes. Pendant deux ou trois jours, il alla bien, puis les symptômes de la grippe récidivèrent. Il avait aussi remarqué qu'en dehors de la prise d'enzymes, il sentait (avec ses mains) que la tumeur de son pancréas avait grossi, et qu'à leur reprise, il sentait qu'elle avait diminué. Cela le rendit vraiment perplexe, car il pensait qu'il aurait dû se sentir malade quand la tumeur se développait et se sentir mieux quand elle régressait.
 
Voulant désespérément continuer à réduire sa tumeur, il chercha la solution en veillant jour et nuit. Il y parvint en faisant le parallèle avec les vomissements d'un cancéreux pendant la chimiothérapie. On croyait (et on croit encore) que les personnes sous chimiothérapie vomissent parce que 1) celle-ci est toxique, et 2) les tumeurs détruites par ce traitement sont toxiques. Le principe d'une chimiothérapie efficace est de détruire le cancer avant que la chimiothérapie et les produits de la lyse tumorale4 ne tuent le patient. Étant donné qu'il n'avait pas reçu de chimio, le Dr Kelley en conclut qu'il vomissait parce que les enzymes résorbaient sa tumeur et que les produits de la dégradation tumorale étaient toxiques.
 
Après avoir compris cela, il se tourna vers les journaux médicaux à la recherche d'un moyen de se détoxifier pendant la résorption de sa tumeur par les enzymes. (Bonnie O'Sullivan)

Il y a plusieurs choses qui clochent dans ce récit. Ni Kelley ni personne d'autre ne savait avec certitude la raison de ses vomissements. Peut-être était-ce une intoxication alimentaire ou une gastro-entérite. La chimio détruit des cellules cancéreuses ainsi que des cellules saines, mais les produits de dégradation tissulaire ne sont pas « toxiques » dans la même mesure que la propagation du cancer. Kelley a-t-il réellement perçu une tumeur pancréatique avec ses mains et l'a-t-il senti diminuer ? Il a peut-être perçu ou cru percevoir quelque chose qu'il a pris pour sa tumeur, mais il n'a fait que deviner, et probablement par erreur. Le pancréas est un organe profond intra-abdominal entre l'estomac et la colonne vertébrale. Il est entouré par le foie, les intestins et d'autres organes. À cause de sa situation anatomique, le cancer pancréatique n'est souvent diagnostiqué qu'à un stade avancé. Étant donné la localisation du pancréas et sa taille (une quinzaine de centimètres de long chez un homme adulte), la possibilité de sentir une tumeur par autopalpation, ou même de percevoir son augmentation ou sa réduction à l'intérieur de son propre corps est très peu vraisemblable. Enfin, il n'y a pas de raison de croire que les enzymes de porc résorbaient la tumeur de Kelley. Mais c'est ce qu'il croyait, et on connaît la suite.

L'institution médicale déclara que le traitement de Kelley était du charlatanisme, et le mythe du génie solitaire persécuté par les autorités constituées était né. Après un diagnostic de cancer du pancréas, un médecin lui avait donné quelques mois à vivre. Il avait pris des enzymes de porc, beaucoup de vitamines et de sels minéraux, fait des lavements au café, et consommé une alimentation qu'il avait conçue pour lui-même. Il avait vécu encore quarante-trois ans avant de mourir d'une crise cardiaque. Que faut-il de plus pour prouver que sa méthode guérit le cancer ? Eh bien, l'erreur diagnostique est beaucoup plus probable que la guérison d'un cancer par sa méthode sans fondement scientifique. Mais nombre de gens veulent croire qu'ils peuvent se rendre maîtres de leur cancer, quoi qu'en dise la science. De telles personnes sont susceptibles de s'aveugler et de surestimer l'interprétation qu'ils ont de leur expérience personnelle par rapport à ce qui est établi par les scientifiques au-delà de tout doute raisonnable. Ils sont aussi exposés à des pseudo-thérapies proposées par les congénères de Kelley et Gonzalez5.

 

Voir également: Cartilage de requin; Champs électromagnetiques; Électrosensibilité; Ernst Hartmann; Guérison par la foi; Hulda Clark; Jean de Dieu; Jon Barron et l'effet Barron; L'étude chinoise; Matthias Rath; Médecine vibrationnelle; Phillip Day; Radionique; Rashid Buttar; Régime alcalin; Robert O. Young; Russell Blaylock; Thérapie de Gerson; et William C. Rader.

 

 

Notes du traducteur:
 
  1. Protocole : ensemble des modalités d'un traitement qui comporte l'emploi de médicaments différents, prescrits de façon successive, dans un ordre déterminé par la physiopathologie des maladies cancéreuses ou immunologiques.*
  2. Aux plantes, à l'eau oxygénée, à l'argile (bentonite), au sulfate de magnésium...
  3. Classification fantaisiste décrite par William Donald Kelley, basée sur le système nerveux autonome, établissant des distinctions entre dominants sympathiques, parasympathiques et métaboliquement équilibrés.*
  4. Le syndrome de lyse tumorale est une complication observée lors de destruction d'une importante masse tumorale, entraînant de graves conséquences métaboliques.*
  5. « Il n'y a aucune preuve scientifique probante que la thérapie métabolique soit efficace dans le traitement du cancer. Il existe cependant beaucoup de pratiques différentes sous la dénomination de thérapie métabolique. Certaines de ces pratiques peuvent être nocives ». Avis de l'Association américaine contre le Cancer.

Dans l'exercice de ses fonctions, le Dr Nicholas James Gonzalez a été condamné deux fois par la justice américaine.

Dernière mise à jour le 23 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary