LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

Rashid Buttar

L'un des signes distinctifs du charlatan, c'est sa tendance irrésistible à déterminer chez chaque
patient le même diagnostic, tout en offrant le même «traitement» douteux qui y correspond.
Orac

 

Ostéopathe pour qui la cause de toutes les maladies chroniques est la «toxicité», ce qui n'a rien à voir les empoisonnements ou les infections, parce que d'après lui, il existe des «toxicités énergétiques», des «toxicités psychologiques/émotionnelles» et des «toxicités spirituelles».* Buttar sévit au Center for Advanced Medicine and Clinical Research de Huntersville, en Caroline du Nord.*

Rashid Buttar

Le 20 novembre 2007, la Commission médicale de Caroline du Nord l'a accusé de traiter des cancéreux à l'aide de thérapies «dont l'efficacité n'est pas prouvée, et qui sont entièrement inefficaces. Il s'agit avant tout de l'administration par intraveineuse de toutes sortes de substances, dont aucune n'a de valeur réelle dans la lutte contre le cancer, entre autres, de l'EDTA (acide éthylènediamine-tétracétique ou édétique), du chrome, certaines vitamines et du peroxyde d'hydrogène». (On peut jeter un coup d'œil à ce que Buttar a prescrit à l'un de ses patients atteint du cancer.) Selon la Commission, Buttar a traité ses patients d'une façon non professionnelle, contraire à l'éthique, inefficace et spoliatrice. Voulant «suspendre, révoquer ou limiter son droit de pratiquer la médecine», elle a pris des dispositions pour qu'il ne puisse plus traiter des enfants ni des cancéreux, tout en lui permettant de poursuivre ses traitements contre la «toxicité».

Avant de faire dans le traitement frauduleux du cancer, Buttar vendait du TD-DPMS (ou DPMS transdermique), une crème de chélation qu'il appelait Buttar's Butter [le beurre de Buttar], et qui était censée guérir l'autisme. Il affirme d'ailleurs avoir guéri son propre fils grâce au TD-DPMS, produit qu'il n'a jamais testé parce qu'au fond de lui-même, il sait que ça marche.

Non content de guérir du cancer et de l'autisme, Buttar raconte qu'il peut renverser le processus de vieillissement.

Avec plusieurs autres «thérapeutes», il a fondé la North Carolina Integrative Medical Society pour faire la promotion de ce nouveau type de médecine. Il a aussi établi l'Advanced Medical Education & Services Physician Association (AMESPA), par laquelle il offre un cours de cinq ans pour 20 000 $ US. On y apprend qu'«En assistant au programme de formation des médecins de l'AMESPA, vous obtiendrez la possibilité exclusive de devenir médecin affilié des Centers for Advanced Medicine Physician Association (CAMPA)». Autrement dit, on peut s'instruire sur le traitement farfelu dont Buttar fait actuellement la promotion et s'offrir une apparence de certification officielle.

Son curriculum vitae est franchement impressionnant:

Rashid Buttar, D.O.
 
Chercheur invité, North Carolina State University [dans le domaine de la «science alimentaire», d'après ce qu'on peut lire], le Dr Buttar a reçu son diplôme de premier cycle de la Washington University à St. Louis, avec double mention en biologie et en théologie. Il a ensuite suivi des cours de médecine à la University of Osteopathic Medicine and Health Sciences, College of Osteopathic Medicine and Surgery, à Des Moines, Iowa. Il a reçu une formation en chirurgie générale et en médecine d'urgence, pour ensuite servir à titre de chirurgien de brigade pour la Deuxième Division d'infanterie, République de Corée, et plus tard, au poste de chef, Département de médecine d'urgence, au Moncrief Army Community Hospital de Fort Jackson à Columbia, Caroline du Sud, au sein de l'armée américaine.
 
Le Dr Buttar est détenteur d'un certificat de spécialiste en médecine préventive et en thérapie par chélation [spécialité non reconnue par l'American Board of Medical Specialities], reconnu admissible en médecine d'urgence [il est «admissible», et non détenteur d'un certificat], et il a obtenu le titre de Fellow dans trois organismes médicaux distincts (Fellow de l'American College for Advancement in Medicine, Fellow de l'American Academy of Preventive Medicine, et Fellow de l'American Academy of Integrative Medicine) [Aucun de ces organismes n'est reconnu par l'American Board of Medical Specialities].
 
Le Dr Buttar exerce la médecine à Charlotte, en Caroline du Nord, où il est directeur médical d'Advanced Concepts in Medicine, clinique [qu'il a créée] spécialisée dans le traitement du cancer, des maladies cardiaques et d'autres affections chroniques chez les patients réfractaires aux traitements conventionnels. Il est également directeur de la recherche clinique et du développement pour V-SAB Medical Laboratories [apparemment, le labo qui fabrique sa crème de chélation], il travaille à la recherche à long terme sur les technologies de séquençage et de développement des polypeptides, de même que sur des méthodes novatrices d'administration de médicaments. Il a donné des conférences partout dans le monde sur ces sujets lors de congrès et symposiums médicaux, de même que devant le grand public. Il continue d'enseigner activement au sein du corps professoral universitaire dans des cours de médecine conventionnelle comme des cours sur les techniques spécialisées de maintien des fonctions vitales des grands blessés destinés aux médecins, par l'intermédiaire de l'American College of Surgeons, de même que des cours sur les techniques spécialisées de maintien des fonctions vitales pédiatriques destinés aux médecins, au personnel infirmier et au personnel des urgences [C'est bien beau, tout ça, mais où est le rapport avec le traitement de l'autisme et du cancer, ou avec le renversement du processus de vieillissement?]

Bref, son c.v. est quelque peu gonflé.

Son exploit le plus récent semble avoir été la guérison de Desiree Jennings.

Desiree Jennings, meneuse de claque de 28 ans, est devenue la grande figure du martyrologe antivaccination quand elle a raconté que son vaccin antigrippal lui avait donné la dystonie. Les symptômes de ce trouble neurologique sont apparus chez elle dix jours après son injection. La plupart des médias ont clairement établi un lien entre les problèmes de santé de la jeune femme et le vaccin. Aucun journaliste n'a eu à le dire comme tel; la simple juxtaposition des deux événements dans un reportage suffisait. Inutile, donc, de s'attendre à ce que les journalistes cherchent d'autres causes possibles aux problèmes de la jeune femme. D'ailleurs, on ne paie pas les journalistes pour qu'ils encouragent le public à réfléchir. Supposons, par exemple, que neuf jours avant que sa maladie survienne, Desiree avait bu vingt verres de téquila de suite; que huit jours avant, quelqu'un ait versé du MDMA (de l'ecstasy, en d'autres termes) dans son café; que sept jours avant, elle ait mangé chez McDonalds... Les journalistes auraient-ils aussi signalé ces faits? Pourquoi ne sont-ils pas remontés onze jours plus tôt ou davantage pour voir s'il n'y avait pas une autre cause possible à sa maladie? Parce que le vaccin antigrippal est l'équivalent moderne du Bonhomme Sept-Heures. L'année prochaine, qui sait, ce sera le bœuf haché. Quoi qu'il en soit, il est à peu près impossible que les symptômes que présente Desiree Jennings correspondent à de la dystonie, selon la Dystonia Medical Research Foundation, ni que le vaccin antigrippal ait un rapport avec son trouble (très probablement) psychogénique. Pour plus de détails sur cette histoire, qui pourrait bien constituer le pire exemple de l'histoire du travail journalistique, voir Orac et Steven Novella.

Jennings affirme qu'elle était en bonne santé jusqu'à dix jours environ après son vaccin antigrippal saisonnier. À ce moment-là, elle a contracté une maladie respiratoire grave qui a nécessité son hospitalisation. Peu après, elle s'est mise à éprouver des difficultés à parler et à marcher, et à souffrir de contractions musculaires et de contorsions. Seules la course ou la marche à reculons parviennent à la soulager.

On ne voit absolument pas comment la grippe (sans doute la vraie raison de son hospitalisation) ni le vaccin antigrippal pourrait entraîner la dystonie, et aucune publication médicale ne signale de réactions de ce genre. Il faut bien une première à tout... Mais ce genre de discussions n'est qu'un faux-fuyant, car il est fort peu probable que Jennings souffre véritablement de dystonie. Plusieurs médecins, y compris des neurologues, ainsi que la Dystonia Medical Research Foundation, ont regardé la bande vidéo ci-dessus et croient que ses symptômes n'ont rien à voir avec cette maladie («ni avec aucun autre trouble moteur d'origine organique»),* mais qu'ils se rapprochent beaucoup d'un trouble psychogénique. La Dystonia Medical Research Foundation a même lancé l'avertissement suivant:

Comme certaines personnes souffrant de dystonie se demandent si elles doivent ou non recevoir le vaccin antigrippal après avoir entendu parler de ce cas, nous avons demandé l'opinion d'experts en matière de dystonie à ce sujet. Après avoir vu la bande vidéo qu'on a montrée au public, ils sont tous d'avis que cette maladie n'avait rien à voir avec la dystonie.*

Jennings est certaine que le vaccin a causé ses symptômes, mais elle n'est pas la meilleure autorité sur le sujet. Le Dr Buttar dit que des médecins des hôpitaux Johns Hopkins et Fairfax ont lié ses symptômes au vaccin.

Buttar est grandement respecté par les braves gens de Generation Rescue, l'organisme antivaccination mené par Jenny McCarthy. Ce sont eux qui ont mis en rapport Desiree et le Dr Buttar, qui non seulement a renforcé sa croyance sur l'origine de sa maladie, mais en a également fourni la thérapie. Comme l'écrit Stephen Novella:

De façon particulièrement méprisable, Generation Rescue (GR) et le mouvement antivaccination se sont empressés d'exploiter ce cas à des fins de propagande. Ils se sont immédiatement posés en «experts», apparemment capables de diagnostiquer des maladies neurologiques et de les traiter. Cependant, face à la vive réaction des véritables experts en dystonie, GR a retiré la page web qu'il avait créée pour soutenir Jennings, ce qui ne l'a pas empêché, quelques jours plus tard, de comprendre que même si toute cette histoire était suspecte, sa valeur médiatique était trop grande pour qu'on l'abandonne: GR a recommencé à s'en prendre aux médecins qui avaient analysé adéquatement le cas.*

Entre temps, Buttar a déclaré qu'on avait posé un diagnostic erronée dans le cas de Jennings. Elle souffrait en fait d'«encéphalopathie virale aiguë post immunisation et d'empoisonnement au mercure, ainsi que de déficits secondaires respiratoires et neurologiques». D'accord, mais tous ceux qui se présentent à la clinique de Buttar reçoivent un diagnostic d'empoisonnement semblable, et il se spécialise justement dans le traitement de ce genre de problèmes. (Au cours des audiences de la commission médicale qu'on a déjà mentionnées, le Dr Art McCulloch a demandé à l'infirmière clinicienne de Buttar, Jane Garcia: «Ça ne vous semble pas étrange que chacun des patients qui franchit votre seuil souffre d'empoisonnement aux métaux lourds?»)

Depuis longtemps, Buttar accuse le mercure (ou d'autres «toxines») présent dans les vaccins d'être responsable de maladies comme l'autisme, malgré les très nombreuses preuves du contraire. Autrement dit, Buttar n'est pas l'expert impartial vers qui se tourner en cas de besoin. Par contre, il est très fort quand il s'agit de faire sa propre promotion et celle de ses idées.

 

Voir également: Andrew Wakefield; Apologie de mensonges; Autisme et thimérosal; Barbara Loe Fisher; Chélation; Hulda Clark; Jay Gordon; Leonard Horowitz; Mouvement antivaccination; Rauni Kilde; Russell Blaylock; Suppléments alimentaires; et Thérapies de détoxification.

Dernière mise à jour le 23 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary