LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

Charles Tart (1937-)

«Quiconque pense que le cerveau constitue toute la réponse est un ignorant.»
Charles Tart
 
Charles Tart

Parapsychologue, docteur en psychologie (Université de Caroline du Nord, 1963), connu pour son travail sur les rêves lucides, la projection astrale, le LSD, la marihuana et la perception extra-sensorielle. Après avoir pris sa retraite de la faculté Davis de psychologie de l'Université de Californie, il a rejoint l'Institute of Transpersonal Psychology de Palo Alto et a passé un an à créer un programme pour la chaire Robert Bigelow * d'études sur la conscience à l'Université du Nevada à Las Vegas. Bigelow, riche homme d'affaires de Las Vegas intéressé à financer la recherche sur le paranormal, a remis près de 4 millions de dollars à l'Université du Nevada à Las Vegas en 1997, afin qu'on y donne des cours sur des sujets comme le rêve, la méditation, l'hypnose, les voyages astraux, la télépathie et, point d'intérêt dont la popularité auprès des étudiants universitaires ne se dément jamais, les états de conscience produits par la drogue. Bigelow a repris ses billes en 2002 sans explication, mais le fait qu'en cinq ans, pas la moindre découverte intéressante n'a été effectuée dans le cadre du programme y était sans doute pour quelque chose. (En 1971, Tart a signé On Being Stoned: A Psychological Study of Marijuana Intoxication. [Planer: Une étude psychologique sur les effets de la marihuana].)

Tôt au cours de sa carrière, Tart a préparé la publication d'Altered States of Consciousness (1969), anthologie dont il a signé plusieurs articles. Il y définissait les états de conscience altérés comme des périodes où le sujet «ressent clairement un changement qualitatif  dans son schéma de fonctionnement mental». Pour ceux qui préfèrent une définition comportementaliste, il s'agit d'une «construction hypothétique que l'on invoque lorsque le comportement d'un sujet (y compris son comportement verbal) présente une différence radicale par rapport à son comportement ordinaire». Tart croit que le yoga et la méditation zen exploitent de tels états depuis longtemps, et que les états altérés de conscience recèlent quelque chose de mystique ou de spirituel, quelque chose de supérieur ou de plus élevé. À son avis, il s'agit d'un portail vers une conscience supérieure, vers le domaine du paranormal et du spirituel.

Tart considère qu'une personne sous hypnose est plongée dans un état altéré de conscience. Dans un article intitulé «Psychedelic Experiences Associated with a Novel Hypnotic Procedure, Mutual Hypnosis», il décrit l'une de ses utilisations inhabituelles de l'hypnose. Dans le cadre de l'expérience, Tart faisait intervenir deux sujets, A et B. Il demandait à A d'hypnotiser B, qui devait à son tour hypnotiser A. A devait ensuite rendre plus profonde la transe hypnotique de B, qui rendait la pareille à A, «et ainsi de suite». Il cherchait à voir s'il était possible d'accroître la qualité de la transe hypnotique d'un sujet s'il était en rapport, c'est-à-dire au sein d'une «relation spéciale censée exister entre l'hypnotiseur et son sujet». Tart raconte: «Je me suis dit que si un tel rapport se trouve accru dans les états hypnotiques profonds, toute technique pouvant le consolider rendrait la transe hypnotique encore plus intense» (292). Il conclut: «En l'occurrence, le rapport n'était établi qu'entre deux sujets, mais les résultats ont été assez spectaculaires pour susciter davantage de recherche sur l'hypnose mutuelle» (307). Il affirme que l'hypnose mutuelle «pourrait constituer une façon plus commode et plus facile à contrôler, d'obtenir des expériences psychédéliques en laboratoire sans recourir à la drogue» (308).

Au cours d'une conférence donnée à Casper, au Wyoming, Tart a expliqué comment il en est arrivé à s'intéresser au paranormal.

À une certaine époque, il y a longtemps, j'étais très sceptique à propos de tout ce qu'on disait paranormal. Parmi les choses qui ont fini par me convaincre, il y a eu cette expérience étrange, que j'ai faite personnellement. C'était durant la guerre. J'étais à Berkeley, en Californie, et tout le monde effectuait des heures supplémentaires, à l'époque (...) Ce soir-là, mon assistante et moi étions restés très tard au boulot, avant de rentrer à la maison, chacun chez soi. Le lendemain, elle était arrivée au travail complètement bouleversée (...) Elle raconta que durant la nuit, elle s'était éveillée en sursaut et s'était redressée tout d'un coup dans le lit, convaincue que quelque chose d'horrible venait d'avoir lieu. «J'ai eu un terrible pressentiment», raconta-t-elle, mais elle n'avait aucune idée de ce qui s'était passé. «J'ai tout de suite sauté du lit et j'ai couru à la fenêtre pour voir s'il n'y avait pas eu un accident ou quelque chose du genre. Je venais à peine de tourner le dos à la fenêtre pour regagner le lit que la vitre s'est mise à trembler violemment, sans que je puisse comprendre pourquoi. Je me suis recouchée, et en me réveillant le lendemain matin, j'ai allumé mon poste de radio.» Un navire transportant des munitions avait explosé à Port Chicago. La ville avait littéralement rayée de la carte, et plus de 300 personnes étaient mortes (...) La jeune fille affirma qu'elle avait senti le moment où toutes ces personnes avaient été victimes de cette épouvantable déflagration. Comment avait-elle pu se réveiller en sursaut et se rendre à la fenêtre juste avant que le choc de l'explosion atteigne Berkeley, quelque 70 kilomètres plus loin, et fasse trembler sa fenêtre? (Randi, 1992)*

Selon James Randi, qui a enregistré ce récit, il n'est nul besoin de faire appel au paranormal pour expliquer cet événement. Les ondes de choc voyagent à des vitesses différentes dans le sol et dans les airs. Sur une distance de quelque 70 kilomètres, la différence serait de l'ordre de huit secondes. Il est fort probable que la jeune fille s'est d'abord fait réveiller par la secousse provoquée par l'explosion, et qu'elle a vu sa fenêtre vibrer sous l'effet de l'onde de choc, huit secondes plus tard. Aussi bien la jeune fille que Tart ont cru que la fenêtre a vibré au moment même où l'explosion a eu lieu, ce qui rendrait l'expérience inexplicable par les lois de la physique. La chose n'a de sens, toutefois, que si l'on ne tient pas compte de ces lois.

Tart a déjà écrit: «Ce qui sous-tend la perception extra-sensorielle me paraît essentiel à la compréhension de la nature humaine, et rend impératif une recherche complète et de grande qualité» (lettre au New York Review, 19 février 1981). Malgré tous leurs efforts, Tart et ses collègues parapsychologues demeurent incapables de prouver la première affirmation, et de se montrer à la hauteur de la seconde (Randi 1982, 153; Gardner 1981, 211).

 


 

* Nota: Le compte rendu de Randi fait croire qu'à l'époque concernée, Tart travaillait à Berkeley avec une laborantine. Or, Tart est né en 1937, et l'explosion de Port Chicago a eu lieu en 1944. Tart était peut-être un prodige, mais on peut douter qu'il ait eu son propre laboratoire à l'âge de sept ans. Ce qui compte, ici, c'est que Tart, comme beaucoup d'autres croyants, a préféré l'explication paranormale à l'explication toute prosaïque.

Le compte rendu de Randi a été fait sans note ni texte, mais il a été repris par le magazine Skeptic. L'auteur des présentes lignes a parlé à l'éditeur du magazine, qui a eu la gentillesse de lui envoyer une transcription des propos de Tart. Il en est ressorti que l'histoire rapportée par Randi ressemblait tout à fait au récit original, à ceci près que la laborantine qu'il met en vedette travaillait pour Tart à l'époque où il racontait l'histoire; à l'époque où a eu lieu la tragédie, elle travaillait plutôt dans une usine d'équipement électronique. Voici un extrait de la transcription:

Une nuit, après qu'elle soit allée se coucher, épuisée, comme d'habitude, elle se réveilla en sursaut et bondit hors du lit, envahie par un sentiment d'horreur absolue. Elle savait que quelque chose d'absolument horrible était en train d'arriver, quelque chose qu'elle aurait souhaité empêcher, sans avoir la moindre idée de ce dont il s'agissait. Elle n'avait pas l'habitude de bondir hors du lit, dans un tel état, au milieu de la nuit, et son étonnement était très grand, devant la force de son sentiment. Elle était là, debout, et environ une minute plus tard, la vitre se mit à vibrer, et la maison trembla un peu. En fin de compte, ce n'était pas une de ces choses si fréquentes en Californie - un tremblement de terre. Elle apprit, le jour suivant, que dans une petite ville située à environ 70 kilomètres de là, Port Chicago, un navire transportant des munitions avait explosé, tuant plusieurs centaines de personnes simultanément. Il faut environ une minute pour qu'une onde de choc se rende de Port Chicago à Berkeley. Elle sentit, en rétrospective, qu'une partie de son esprit avait réagi, d'une certaine façon, au sentiment d'horreur qu'avaient éprouvé toutes ces personnes en mourant simultanément.

Tart conclut en disant que «les lois de la physique ne peuvent expliquer cette histoire», que bien des gens rapportent des faits similaires et que «la façon dont on les considère dépend beaucoup, je pense, des convictions antérieures de chacun».

Pour Tart, il s'agit d'un exemple du genre de choses qui justifient l'existence de la parapsychologie.

 

Voir également: Hypnose, Paranormal, Parapsychologie, Perception extra-sensorielle, Projection astrale et Raymond Moody.

Dernière mise à jour le 23 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary