LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

Mouvement de la Pensée nouvelle

(alias Guérison mentale ou Science de l'esprit)

C'est pourquoi je vous dis: Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et vous le verrez s'accomplir. - Évangile selon Marc, 10:24
 
Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille - Actes des apôtres, 16:31
 
Le phénomène de 'suggestion' réflète le pouvoir des idées, tant qu'elles se montrent plus puissantes que la croyance et la conduite. - William James
 
Les pensées sont des choses. - Norman Vincent Peale, répeté par Rhonda Byrne dans Le Secret
 

La Pensée nouvelle est un mouvement qui a débuté au XIXe siècle, mais dont l'idée principale est plus ancienne et pourrait s'exprimer par la devise suivante : Il suffit d'y croire.

Phineas Parkhurst Quimby (1802-1866) est reconnu comme étant le fondateur de la Pensée nouvelle. Cet horloger de la Nouvelle Angleterre et disciple des méthodes d'Anton Mesmer (1734-1815) avait lui-même un certain nombre de disciples qui croyaient en ses pouvoirs de guérisseur. Phineas Quimby en est venu à croire que les pouvoirs de guérison n'étaient pas l'oeuvre du magnétisme animal, contrairement à ce qu'affirmait Mesmer, mais de Dieu, et que les guérisseurs ne faisaient que redécouvrir les techniques que connaissaient Jésus et autres guérisseurs par la foi. Il avait peut-être raison. Tous ces guérisseurs possédaient probablement un certain pouvoir de suggestion, un optimisme digne d'un guérisseur, et s'occupaient de patients qui voulaient résolument être guéris (dont beaucoup étaient probablement affublés de troubles psychologiques). Tout le théâtre de cette guérison (rituels, etc) pouvait produire l'équivalent de ce qu'on appelle l'effet placebo. Phineas Quimby nommait sa technique par divers termes, dont un d'entre eux était Science chrétienne. Ce terme a ensuite été approprié par Mary Baker Eddy qui en a fait un mouvement (1879).*

Emma Curtis Hopkins

Après la mort de Phineas Quimby, une des étudiantes de Mary Baker Eddy, nommée Emma Curtis Hopkins, a réorganisé la Pensée nouvelle en un mouvement national. La religion, la guérison et le contact imaginé avec des forces occultes a toujours permis aux gens qui perçoivent le monde comme cruel et indifférent de trouver un sentiment de contrôle et de finalité. Au XIXe siècle notamment, la religion, la guérison et l'occulte étaient trois des allées vers le pouvoir et le contrôle dont disposaient les femmes. Ce n'est donc pas un hasard que tant de pionniers de la Pensée nouvelle furent des femmes. En plus de Emmy Hopkins, les idées de la Pensée nouvelle ont été propagées par des mouvements tels que l'Église d'unité (1889), l'Home of Truth (Maison de la vérité, 1905) et l'Église de la science divine (1888), fondés ou co-fondés par Myrtle Page Fillmore (1845-1931), Annie Rix Militz (1856-1924), Malinda Elliott Cramer (1844-1906) et Nona L. Brooks (1861-1945).

Myrtle Page Fillmore

Un autre pionnier de la Pensée nouvelle fut William Walker Atkinson (1862-1932), qui attribuait son propre rétablissement suite à différents malaises (physiques, physiologiques et même financiers) au pouvoir de la croyance. Il a écrit un certain nombre de livres populaires sur le sujet, tels que Vibration de la pensée - la loi d'attraction dans le monde de la pensée (titre traduit, ouvrage publié en 1906)1. Le pouvoir du message principal de la Pensée nouvelle semble peut-être imposant, mais il est très souvent surestimé. Bien sûr, nous ne pouvons ignorer le fait que la croyance en le pouvoir de la croyance motive encore des millions de personnes, même si les preuves de succès sont de nature anecdotique. Les preuves de nature scientifique soutiennent qu'il y a une certaine influence qui provient de l'effet placebo, mais les vrais tests scientifiques portant sur le pouvoir de la croyance dans la guérison de maladies s'avèrent négatifs. Ceux qui prétendent que certains tests ont démontré que la prière, la visualisation ou la pensée positive ont un effet positif sur la guérison sont souvent davantage motivés par un désir d'y croire que par la vérité. La même chose s'applique aux tests scientifiques sur l'abilité qu'ont certaines personnes à influencer des choses physiques par leur pensée seule.

On retrouve deux versions parmi les formes de Pensée nouvelle : une religieuse (dénominationnelle ou non) et l'autre séculière. L'idée dominante dans toutes les formes de Pensée nouvelle est la croyance dans le fait que nos pensées ou croyances ont un effet sur les choses et les gens qui nous entourent, indépendamment de nos actions. En d'autres mots, la croyance que la pensée crée la réalité, donc que le bonheur et la santé sont des résultats directs de nos croyances et pensées. Nous aurions ainsi le pouvoir de changer nos croyances, donc notre état, dans cette vie, selon notre vouloir. Si nous sommes malades ou que la malchance s'abat sur nous, c'est parce que nous ne pensons pas correctement. La santé est le résultat de la pensée correcte, la vérité nous affranchira et la vérité est que nous n'avons besoin que de la foi pour être en santé, riche, sauvé, ou peu importe. Au centre de beaucoup de formes de la Pensée nouvelle il y a l'idée que Dieu, l'esprit, l'énergie ou la force universelle - quelque chose de mystérieux et puissant - remplit tout, ou est tout, ou contient tout. Penser correctement implique ne faire qu'un avec quelque chose, être en harmonie avec quelque chose, être aligné avec quelque chose, ou être en phase avec quelque chose qui est un truc universel.

La Pensée nouvelle est, selon William James (docteur, physiologiste et philosophe intrigué par le surnaturel) «un plan de vie délibérément optimiste». James était un un des premiers à essayer de charactériser les sources du mouvement de la Pensée nouvelle, aussi connu sous le nom de mouvement de la Guérison mentale (de l'anglais Mind Cure) et Science mentale (de l'anglais Mind science).

Une des sources doctrinales de la Guérison mentale est les quatre évangiles, une autre est la philosophie de Ralph Waldo Emerson ou le transcendentalisme néo-anglais, une autre est l'idéalisme berkleyien, une autre est le spiritisme, avec ses messages de "loi", "progrès" et "développement", une autre est la science populaire et optimiste de l'évolutionisme dont je viens de parler, et finalement, l'hindouisme y a contribué un petit peu. Mais la caractéristique principale du mouvement de Guérison mentale est une inspiration encore plus directe. Les dirigeants de cette foi ont eu une croyance intuitive en un pouvoir tout-puissant d'attitudes de santé mentale comme telle, dans l'efficacité conquérante du courage, l'espoir et la confiance, et un mépris correspondant envers le doute, la peur, le souci et tous les états d'esprit précautionnaires...
 
La guérison de l'esprit pourrait être catégorisée comme une réaction contre tout le mouvement religieux d'anxieté chronique qui a marqué le début du [XIXe] siècle dans les milieux évangéliques d'Angleterre et d'Amérique.
William James

James a identifé un dualisme fondamental dans l'histoire de motivations, un dualisme qui n'offre aucune prise au scepticisme. D'un côté, il y a ceux qui tentent de nous motiver par la peur, comme l'a fait Jésus avec la menace de tourments sans fin à ceux qui n'acceptaient pas son message2. De l'autre côté, il y a ceux qui tentent de nous motiver par l'espoir, comme Jésus l'a fait avec la promesse de la vie éternelle (pour ceux qui acceptent son message). Nous retrouvons ce dualisme chaque fois qu'il y a une élection nationale et que nous regardons les publicités à la télévision. Discours après discours, que ce soit pour une idée ou un produit, un candidat ou une proposition, le mécanisme de persuasion est soit la peur ou l'espoir. Nous savons que les deux sont d'importants motivateurs parce que nous avons vu comment les deux réussissent à influencer les gens. Ce que nous ne pouvons prouver, toutefois, est que le fait d'espérer quelque chose fera en sorte que cette chose arrivera (pas plus qu'avoir peur que quelque chose de mal arrive précipite l'arrivée de cette chose).

En plus de se faire des illusions sur la capacité qu'auraient les gens à se guérir et guérir les autres par le pouvoir de la pensée, le mouvement de Pensée nouvelle encourage d'autres illusions dans d'autres secteurs de la vie. En dehors de la guérison, les croyances de la Pensée nouvelle contribuent à ce qu'on pourrait appeller l'illusion d'autonomisation : la croyance au fait que se sentir plus puissant rend plus autonome. Cette illusion porte les gens à croire qu'ils peuvent créer la santé, la richesse ou n'importe quel objet matériel en le désirant, ou en demandant à Dieu de l'actualiser. Une conjoncture découlant de cette illusion est que la pauvreté et la maladie sont créées par de mauvaises habitudes de pensée, des idées négatives, le manque de foi, etc. L'illusion d'autonomie est maintenue par des recours à des absurdités comme la loi d'attraction, par des références absurdes à la physique quantique (Pierre Morency, Deepak Chopra, Rhonda Byrne, et bien d'autres), ou à la foi dans la foi (comme tous les guérisseurs par la foi et autres gourous de la prospérité comme le révérend Ike ou Joel Osteen). L'industrie milliardaire de la croissance personnelle est poussée en grande partie par l'illusion d'autonomie.

William James avait peut-être raison d'attribuer la montée du mouvement de Pensée nouvelle du XIXe siècle à une réaction contre le pessimisme des religions qui n'engendrent que de l'anxieté. Cette montée était probablement aidée par le fait que la médecine de l'époque n'avait pas grand chose à offrir aux gens qui souffraient d'anxieté et de désespoir. Une promesse selon laquelle il suffit de croire afin que les choses s'améliorent pour tout le monde constitue une réponse typique aux incertitudes, à l'indifférence, à la distribution aléatoire des plaisirs et des douleurs et à l'injustice de la vie. La Pensée nouvelle peut donner une impression de contrôle sur des choses qui ne peuvent pourtant pas être contrôlées, mais qui sont inexorablement liées à notre bien-être et à notre bonheur. La Pensée nouvelle absout le soi-disant bienfaisant créateur de toute responsabilité face au mal qui se trouve dans la vie de bonnes personnes et le fait sans recourir à l'affirmation absurde selon laquelle les voies du seigneur sont impénétrables, ou que le mal est bon à long terme, ou la plus absurde de toutes: que le mal n'est pas réel. La Pensée nouvelle prétend ne pas voir le mal et essaie de nous faire regarder ailleurs.

La Pensée nouvelle, si elle était vraie, n'aurait probablement pas la même influence partout dans le monde. Plus d'un tiers de la population terrestre n'a même pas accès à une cuve de toilette à chasse d'eau. Est-ce qu'Oprah Winfrey, une promotrice très influente de la Pensée nouvelle de notre époque, conseillera à 2,5 milliard de personnes de croire en l'hygiène et l'hygiène se fera ? Quelqu'un ayant eu la malchance d'être né dans un pauvre village indien gouverné par un système de castes pourrait-il en venir à penser qu'il suffit de croire comme il faut pour s'en sortir ? Une personne ignorante pourrait mettre cela sur le dos du karma ou de la volonté de Dieu, mais personne de sain d'esprit pourrait en venir à croire que quiconque ayant été né dans de telles conditions y vive et y meure qu'à cause de ses pensées ou croyances, lesquelles pourraient être changées avec un peu de bonne volonté.

On ne peut quand même pas renier le fait que beaucoup de gens attribuent leur santé ou leur succès à la Pensée nouvelle. Il y a donc, tout de même, quelques vérités qui vont de soi et qui se retrouvent mélangées au jargon métaphysique de la Pensée nouvelle : personne n'a jamais accompli quoi que ce soit sans une attitude positive et la croyance en ses propres capacités à réussir et atteindre un but. Les pensées mènent aux actions et les actions apportent des résultats. Sans pensée, pas d'action - à moins d'être un robot. Mais d'un autre côté, personne n'a jamais guéri le cancer en ne faisant qu'y penser, ni en se contentant d'avoir des pensées heureuses. Personne n'est jamais devenu PDG juste en croyant que ça allait arriver. Il n'y a pas d'enfant qui ait vu une bicyclette apparaître sous ses yeux juste parce qu'il rêvassait et en souhaitait une.

La suggestion, l'autohypnose, le pouvoir de la pensée positive - peu importe comment on appelle ça - rapportent beaucoup à certaines personnes. Tout comme la suggestion, l'autohypnose et la pensée négative peuvent faire du mal à des gens. C'est évident en soi. Le reste de la Pensée nouvelle, toutefois, n'est rien d'autre que du verbiage métaphysique. Au lieu de nous aider à nous affranchir des superstitions et de la pensée magique de nos ancêtres, la Pensée nouvelle nous maintient dans nos illusions.

La Pensée nouvelle s'est développée en une multitude de petits mouvements au cours des 150 dernières années3. Le livre Le Secret ainsi que les films et livres de la série Que sait-on vraiment de la réalité!? sont des manifestations récentes de cette hydre monstrueuse qui garde la porte de la Pensée magique. Il y en a eu beacoup d'autres.. qui se souviendra de la méthode d'autosuggestion consciente d'Émile Coué, la Psycho-cybernétique de Maxwell Waltz (1960) ou du prédicateur protestant Norman Vincent Peale, dont le succès de librairie Pouvoir de la pensée positive (1952) était un sous-produit de la Pensée nouvelle. Les seules idées originales qu'on y retrouve sont en fait des erreurs, ce qui ne l'a pas empêché de se vendre à plus de 7 millions de copies (indice : la pensée positive n'a jamais guéri qui que ce soit d'un trouble mental ou de la poliomyélite). Il est probable que nous n'assistions jamais à la chute de la Pensée nouvelle.. car ça «marche» !

Il y a beaucoup d'anecdotes racontant que des gens qui ont arrêté de se comporter en gens malades ayant besoin de traitements pour ensuite se mettre à agir comme s'ils étaient en santé et guéris après avoir adopté la pensée positive et acquis un peu de confiance. Souvent, tout ce qu'il a fallu pour que la guérison prenne place fut quelques mots d'enouragements de la part d'un évangéliste, d'un ami ou d'un charlatan. Parfois la guérison n'est qu'une simple coïncidence, mais le plus souvent, la guérison est le résultat d'un nombre de facteurs dont nous comprenons bien l'importance dans le traitement des gens qui se croient malades. Nous savons que la plupart de nos problèmes s'en iront tout seul et que d'autres problèmes sont des effets de notre situation sociale. Nous savons qu'avoir une confiance inébranlable envers le guérisseur est important, tout comme les rituels et tout le théâtre entourant la rencontre entre le guérisseur et le patient le sont. Nous savons aussi que l'optimisme et l'espoir du guérisseur jouent un rôle important dans la confiance qu'un patient peut avoir envers le traitement. En d'autres mots, cette croyance est un très bon placebo.

Nous savons également qu'il est impossible de guérir le cancer, les maladies du coeur, la rougeole, le diabète, l'hypertension artérielle, et toute une suite d'autres maladies en prescrivant des placebos. De même, nous savons qu'enseigner aux gens à se sentir en toute puissance et à poursuivre leurs rêves n'est pas assez pour assurer le succès. Il faut plus que croire en soi-même; il faut aussi du talent et de la chance4. Chaque histoire de réussite (Oprah Winfrey, etc) que nous entendons peut cacher un million d'échecs dont on n'entendra jamais parler. Les preuves dont nous disposons du succès de la penése positive sont incomplètes en ce sens. Nous n'entendons jamais parler des barmans ou serveuses qui croyaient à tort que leurs souhaits seraient suffisants pour faire d'eux ou elles-mêmes des vedettes du cinéma. En fait, nous n'entendons jamais parler de ceux qui ont compris de façon pénible que le travail seul n'est pas garant de succès5. Nous entendons rarement parler de ceux qui ont essayé la guérison mentale mais qui, étant morts, ne sont pas là pour raconter leur témoignage. Plutôt devons-nous nous contenter du témoignage de soi-disant voyant(e)s, à des émissions comme celles d'Oprah Winfrey ou de Larry King.. Peut-être faudrait-il que les vrais morts se montrent et donnent leur témoignage, afin qu'un doute soit délibérément jeté sur le pouvoir de la croyance !!

 

Voir aussi: Prophétie des Andes, Cours de miracles, Werner Erhard, Marche sur le feu, Jean Houston et l'école des mystères, Hypnose, Forum Landmark, Manifestation, Prière, Programmation neuro-linguistique, Psychoanalyse et Toucher thérapeutique.

 


 
Liens:
 

 


 
Notes du traducteur:
 

William Walker Atkinson a également publié des ouvrages sous le pseudonyme de Yogi Ramacharaka, où il tente de propager des concepts de la Pensée nouvelle sous des termes empruntés à des philosophies orientales.

On chercherait en vain des passages attribués à Jésus qui correspondent à la description faite par l'auteur, mais on en retrouverait facilement dans d'autres écrits bibliques et chrétiens.

Il convient ici de faire remarquer que le mouvement de la Pensée nouvelle, par les écrits de William Walker Atkinson / Yogi Ramacharaka, Mary Baker Eddy et Ella Wheeler Wilcox, a fortement influencé la philosophie du mouvement d'initiation par correspondance à saveur rosicrucienne A.M.O.R.C. (Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix), fondé en 1915. Voir à ce sujet Robert Vanloo, Les Rose-Croix du Nouveau Monde, Claire Vigne Éditrice, 1998.

et de l'effort...

Bien que cela soit une évidence, il est difficile de voir ce que ça vient faire dans le sujet actuel.

Dernière mise à jour le 24 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary