Le Nervo-Scope
La détection de chaleur a joué un rôle significatif dans la recherche des prétendues « subluxations » évoquées en chiropratique. Une monographie de chiropratique, sortie en 1990 et dédiée à la thermographie, nous dit que D.D. Palmer utilisait le dos de sa main pour localiser des « zones chaudes » (‘hot-boxes’) de part et d’autre de la colonne vertébrale et mettre en évidence une différence de température de surface entre les côtés. Les auteurs soulignent que « cette technique, bien que subjective et peu fiable à cause de la variabilité de la sensibilité du médecin qui pose le diagnostic, est enseignée aux étudiants en chiropratique depuis les débuts de cette profession. » [1]
Le premier promoteur de la chiropratique, B.J. Palmer, a été séduit par le « neuro-calomètre », un appareil conçu par l’un de ses étudiants. Au cours des années 1920, il s’est persuadé qu’il pouvait ainsi montrer l’existence, la localisation et l’étendue des subluxations vertébrales. L’appareil, portable, est constitué de deux sondes connectées à un compteur relevant les différences de température de part et d’autre de la colonne vertébrale. B.J. Palmer était si convaincu de l’efficacité de cet appareil (il avait d’ailleurs fortement insisté pour le louer) que beaucoup de ses partisans l’ont suivi dans cet engouement. [2]
Le Nervo-Scope, dérivé du neuro-calomètre, a été commercialisé dans les années 1970 par une grande entreprise de matériel destiné à la chiropratique. Il est composé de deux thermocouples, d’une pile et d’un compteur. Ses mesures peuvent être enregistrées en le connectant à un enregistreur à bandes. Sur le catalogue du fabricant, on pouvait lire que cet appareil « avait sa place à côté des rayons X » (de même importance dans la démarche diagnostique, NdT.) [3] Cependant, le « manque de fiabilité et de preuves scientifiques documentées » a empêché une utilisation à grande échelle de ces détecteurs de chaleur dans la pratique chiropratique. [1]
Une conférence de synthèse en chiropratique, tenue au Canada en 1993, a conclu que la pertinence d’effectuer une mesure paravertébrale avec des appareils à thermocouple n’était pas démontrée, d’autant que la validité et la fiabilité de ces dispositifs sont très douteuses. [4] C’est la façon politiquement correcte de dire qu’ils ne présentent aucun intérêt clinique. Néanmoins, divers modèles de ce gadget sont toujours en vente, et on peut donc supposer qu’ils sont encore utilisés par certains chiropraticiens. [5]
En 1973, dans le cadre d’une enquête que j’ai eue à diriger, une dame avait fait voir sa fille de 4 ans, en bonne santé, à 5 chiropraticiens pour un bilan global. Elle a rapporté que l’un des praticiens avait utilisé un Nervo-Scope, parcourant la colonne vertébrale de la fillette de haut en bas. En s’appuyant sur les variations de l’aiguille du compteur, il avait conclu que l’enfant avait des problèmes dans les régions du rachis où passent les nerfs qui commandent l’estomac et la vésicule biliaire. Ces soucis, bien entendu, n’étaient que le fruit de son imagination. Un chiropraticien, qui a répondu à cet article, nous informe que ses expériences avec un Nervo-Scope montrent que les informations obtenues dépendent de la pression avec laquelle on applique l’une ou l’autre des sondes sur la peau.
Malgré leur inutilité, ces appareils à thermocouple restent populaires chez les chiropraticiens fidèles à la théorie de la subluxation. Un manuel publié à la fin des années 1990 et destiné à la chiropratique pédiatrique indique même que ces dispositifs sont utiles pour l’examen des nouveau-nés. Le livre précise :
Le but de l’analyse de la température cutanée (ex : Temp-o-scope, Nervo-scope…) est d’obtenir une preuve neurologique objective qu’il existe un syndrome de subluxation vertébrale [VSC] (‘vertebral subluxation complex’)…
La méthode pour réaliser l’examen est de pratiquer un balayage dynamique. Une différence de température cutanée entre les deux côtés est représentée par le déplacement de l’aiguille du compteur, d’un côté ou de l’autre. La ‘‘lecture’’… est considérée comme significative si un rapide mouvement « d’aller et retour » de l’aiguille est observé sur l’un des segments de la colonne vertébrale. L’importance de la différence de température est considérée comme directement proportionnelle à la gravité de l’atteinte neurophysiologique due à la présence de VSC. La subluxation vertébrale, à son stade aigu, présente souvent une grande variation de température… La mesure de la différence de température entre les segments est l’un des nombreux paramètres permettant d’évaluer et de quantifier les progrès du patient en réponse à un ajustement vertébral spécifique. [6]
Références
- Christiansen J, Gerow G. Thermography. Baltimore: Williams & Wilkins, 1990. ↑
- Wardwell WI. Chiropractic: History and Evolution of a New Profession. St. Louis: Mosby Year Book, 1992. ↑
- The Complete Catalog of Chiropractic Literature and Supplies. Austell, GA: Si-Nel Publishing & Sales Co., 1971. ↑
- Henderson D and others. Clinical Guidelines for Chiropractic Practice in Canada. Toronto: Canadian Chiropractic Association, 2002. ↑
- Chiropractic Equipment and Supply Catalog. Mt. Horeb, WI: Gonstead Seminar of Chiropractic, 1997. ↑
- Anrig CA. Spinal examination and specific spinal and pelvic adjustments. In Anrig CA, Plaugher G editors. Pediatric Chiropractic. Baltimore: Williams & Wilkins, 1998, pp 323-423. ↑
À voir également
Article original paru le 20 juin 1999.
Dernière mise à jour le 20 mai 2020.
Source: Quackwatch