LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

quackwatch

Investigations clandestines des chiropracticiens

DR Stephen Barrett

Cet article rapporte les expériences de trois enfants et cinq adultes qui ont visité plus de 100 chiros dans un programme d'investigations variées. Trente et un de ces chiros étaient choisis parce qu'ils offraient des consultations gratuites. Dix-sept autres ont été choisis parce qu'ils indiquaient qu'ils traitaient des enfants. Les autres ont été choisis sans considération de leur comportement de marketing ou étendue de leur pratique. Certaines des visites étaient audio et vidéo enregistrées avec un appareil caché. Le reste des visites ont été documentées avec des notes écrites plus tard. Dans mon opinion, seulement deux des chiros ont donné des conseils appropriés.

"Check-ups"

Durant les années 1970, j'ai supervisé une étude dans laquelle une jeune femme a amené sa fille âgée de 4 ans à cinq chiros pour un "check-up." La mère, qui était aide-infirmière, m'a contacté parce qu'elle avait peur sa soeur plus jeune, qui venait de commencer à travailler pour un chiro, et qui s'est fait convaincre de subir des "ajustements de la colonne vertébrale" non nécessaires à toutes les semaines. Quand elle s'est rendu compte de mon intérêt de voir ce que les chiros font avec les gens en bonne santé, elle a donné son accord de contribuer à cette recherche.

A ce moment-là, près de 25% des chiros dans notre communauté avait commencé à faire des annonces qui étaient fantaisistes et trompeuses. Nous avions décidé de choisir parmi eux en premier. Le premier qui a vu l'enfant a dit que ses omoplates étaient "déplacées" et qu'il a trouvé des "nerfs allant à son estomac et vésicule biliaire qui étaient pincés." Le deuxième chiro lui a fait une présentation d'un film qui soulignait que la "chiropratique pouvait aussi être efficace pour combattre les maladies des enfants." Il a dit que le bassin de l'enfant était "tordu" et a conseillé qu'elle subisse des "ajustements et prenne des vitamines et une visite de contrôle à tous les quatre mois." Le troisième a dit qu'une hanche était "élevée" et que des désenlignements de la colonne vertébrale pouvaient causer des "maux de tête, de la nervosité, des troubles d'équilibre ou digestifs" plus tard. Le quatrième a prédit "des mauvaises menstruations et accouchements difficiles" si sa jambe gauche plus courte n'était pas traitée. Il lui a dit qu'il ajustait sa propre famille une fois par semaine et recommandait des "check-ups" hebdomadaires à tout le monde. Le cinquième n'a non seulement trouvé des problèmes aux hanches et cou, mais aussi les a "ajusté" sans prendre le temps de demander la permission. Malheureusement, les ajustements étaient tellement douloureux que j'ai décidé de ne pas poursuivre l'investigation avec l'enfant. On s'est dirigé vers des volontaires adultes.

Le prochain volontaire, une psychologue en bonne santé âgée de 29 ans, a visité quatre autres chiros pour des check-ups. Les chiros ont été choisis du bottin téléphonique sans se préoccuper de leurs façons de s'annoncer. Le premier a diagnostiqué une "luxation de l'atlas" et a prédit "la paralysie dans 15 ans" si ce problème n'était pas traité. Le deuxième a trouvé plusieurs vertèbres "désenlignées" et une hanche "plus haute" que l'autre. Le troisième a dit que le cou de la femme était "serré." Le quatrième a dit que les vertèbres désenlignées indiquaient la présence de "troubles d'estomac." Les quatres ont recommandé des ajustements de la colonne sur une base régulière, commençant à deux fois par semaine. Trois ont fait des ajustements sans avertissement -- un desquels était tellement fort qu'il a produit de l'étourdissement et céphalée qui ont durée plusieurs heures.

Une autre volontaire, une femme mariée de 36 ans, a visité sept autres chiros, choisis sans tenir compte de leurs façons de s'annoncer. Le premier a trouvé des "problèmes structurels mineurs" au cou, au milieu et bas du dos et recommanda 4 à 6 traitements. Le second n'a rien trouvé. Le troisième a dit que sa hance gauche était plus basse que sa droite, ajusta quelques zones de sa colonne (avec douleur) et a suggéré qu'elle revienne si elle se sentait "moche." Le quatrième lui dit que sa hanche droite et plusieurs vertèbres étaient "tordues." Après avoir mis de la pression manuellement sur les endroits affectés, il a suggéré une visite de contrôle dans une semaine pour voir si les ajustements ont tenu. Le cinquième chiro a pensé qu'il pourrait y avoir un sérieux problème avec un "nerf pincé" au cou qui pourrait causer des "troubles de sinus" -- mais il ne pouvait être sûr sans radiographie. Le sixième, qui s'appelait un "herboriste," utilisa des tests musculaires pour diagnostiquer une "déficience en vitamine C" et a indiqué qu'il pouvait faire plusieurs épreuves nutritionnelles si demandé. Le septième pensait qu'elle avait un problème des hanches, a fait un ajustement, et a recommandé une radiographie pour diagnostic additionnel.

En 1979, j'ai supervisé une étude dans laquelle 35 chiros étaient questionnés par des investigateurs qui se présentaient comme des étudiants de collège. Les investigateurs ont communiqué avec tous les chiros (environ 50) énumérés dans les bottins téléphoniques locaux et ont rencontré le plus grand nombre possible. Quand les chiros ont été demandés à quelle fréquence les gens qui se sentent bien devraient subir un examen de leur colonne vertébrale et des ajustements, presque tous ont recommandé au moins un check-up par année. La majorité ont répondu entre 4 à 12 fois par année!

En 1981, Mark Brown, un journaliste du Quad-City Times, de Davenport, Iowa, a mené une investigation des chiros pendant 5 mois durant laquelle il visita envrion deux douzaines comme "patient." Il rapporta que chacun d'eux le diagnostiquait comme un "cas de chiropratique," et tous sauf un auraient insisté sur des radiographies avant traitement. Un chiro a placé une pomme de terre et un oeuf sur la poitrine du journaliste pour évaluer la force de ses bras, a tenu un aimant au dessus de son thymus, et conclut que des déficiences nutritionnelles étaient présentes, et lui a vendu quatre bouteilles de substances "glandulaires" pour $47.50. Un autre chiro reconnu comme diagnostiquant des patients en passant un instrument cylindrique sur le dos du patient et marquant les zones au dessus desquelles l'appareil émettait un son grinçant. Un autre maintenait diagnostiquer des subluxations en utilisant un instrument qui enregistre les différences de température d'un côté de la colonne vertébrale à l'autre. Un autre examinait les yeux des patients en recherchant des marques qu'il déclarait lui indiqueraient quelles maladies étaient présentes dans le corps -- une pratique appelée l'iridologie. Un autre aurait dit au journaliste que ses oreilles agissaient comme des "antennes pour l'énergie nerveuse" qui était devenue congestionnée dans son diaphragme. Brown rapporta aussi qu'un jour durant son investigation, un chiro lui aurait dit que sa jambe gauche était plus courte que la droite et un autre chiro lui aurait dit le contraire. D'autres chiros lui dirent aussi qu'il souffrait d'hernie hiatale, de "syndrôme de la valve iléocécale," et d' "immobilisation oculaire." (Des copies de son rapport fascinant de 36 pages sont disponibles et peuvent être commandées de Quackwatch, P.O. Box 1747, Allentown, PA 18105 pour 6 dollars l'unité.)

Pendant l'année 1989, William M. London, Ed.D., assistant professeur d'éducation de la santé à l'université Kent State, aurait visité 23 chiros de l'Ohio et la Floride qui avaient placé des annonces offrant des consultations ou examens gratuits. Chacun d'eux croyait à la théorie des subluxations soit durant les consultations ou dans les pamphlets disponibles dans la salle d'attente, et tous sauf deux, recommandaient de l'entretien préventif périodiquement. Dix-sept faisaient des examens. De ceux-ci, trois identifiait des subluxations (à différents endroits), trois ont dit que sa jambe gauche était plus courte que la droite, et deux ont dit que la jambe droite était plus courte que sa jambe gauche. Sept recommandaient des traitements, et un l'a traité avec un appareil roulant motorisé avant l'examen.

En 1993, un producteur de 25 ans du poste de télévision WJW-TV de Cleveland, Ohio aurait visité trois chiros qui avaient offert des examens gratuits dans des annonces. Le premier n'a rien trouvé d'anormal (comme un orthopédiste et un chiro utilisés comme consultants pour l'investigation.) Le deuxième chiro, utilisant un "scanner biomagnétique," a diagnostiqué "une glande pituitaire, les surrénales, la vésicule biliaire, et un rein, toutes d'activité réduite," et des problèmes avec le foie. Le troisième chiro, dont les commentaires étaient selon les lignes décrites par une organisation pour rehausser la pratique, aurait dit au producteur qu'il avait des "vertèbres tordues" et qu'il devrait recevoir au moins dix traitements. Sinon, selon le chiro, le problème deviendrait pire lentement, "un peu comme le cancer. . . .vous vous en rendez pas compte que quand c'est la fin."

Otites

En 1994, le programme "20/20" du réseau ABC rapportait sur des visites faites à 17 chiros qui avaient annoncé qu'il traitaient des enfants. Dans une séquence du programme, un enfant qui s'appelait Blake a été amené par sa mère à 9 chiros de la ville de New York, accompagné d'un ami qui avait une caméra cachée. Blake avait des otites à répétition, un problème qu'un pédiatre aurait dit qui pourrait être contrôlé avec antibiotiques et qui disparaîtra éventuellement en vieillissant. Chaque chiro vu a trouvé un problème, et tous auraient dit qu'ils pouvaient aider l'enfant, recommandant des traitement allant de quelques semaines à possiblement la vie. Le premier a trouvé un "désenlignement entre le deuxième et troisième os de son cou." Le deuxième aurait dit que c'était au "côté droit de son cou entre le premier et deuxième os." Le troisième, utilisant des tests musculaires, aurait trouvé de la "faiblesse dans ses glandes surrénales." Le quatrième lui a conclu à une subluxation parce qu'une de ses jambes était plus courte que l'autre. Le cinquième maintenait qu'il pouvait diagnostiquer le problème de l'enfant en tirant sur le bras de sa mère pendant qu'elle le touchait à l'épaule. Le sixième chiro a fait un test semblable en tirant les jambes de la mère pendant que Blake était allongé sur le dos de sa mère. Après avoir fait le diagnostic de "renfoncement de l'occiput (l'os du derrière de la tête)," le chiro aurait dit qu'il a corrigé le problème en "remontant" l'occiput de Blake avec ses pouces. Il a aussi dit: (a) que Blake avait besoin de traitement sur son système immunitaire, (b) qu'il aurait des difficultés d'apprentissage qui deviendraient un problème, (c) que la mère et son fils avaient des "yeux qui n'étaient pas bien enlignés," et (d) que le cameraman, que le chiro croyait était son père, avait le même problème oculaire.

Le même programme télévisé rapporta en plus sur des visites à huit chiros du Wisconsin par un garçon de 5 ans avec un problème chronique des oreilles tellement sévère que les médecins voulaient insérer des tubes dans ses tympans pour drainage (un traitment courant fait par des oto-rhino-laryngologistes pour des otites à répétition.) Les huit chiros ont trouvé des problèmes, mais pas les mêmes. Un a diagnostiqué un nerf pincé au cou de l'enfant. Un autre a dit que sa jambe gauche était plus courte que la droite. Un autre a dit que la jambe droite était plus courte que la gauche. Un autre a fait le diagnostic de déficience en zinc. Un autre attribuait les problèmes d'otites sur des "allergies alimentaires" et a suggéré d'éviter le maïs, le lait de vache, et la farine blanche. Un autre donna des conseils alimentaires semblables mais aurait dit que le diagnostic principal était une "subluxation" dans les vertèbres supérieures. Un autre a dit que le garçon n'avait pas de problème d'otites mais une scoliose -- un diagnositic disputé par le pédiatre et un radiologiste qui ont revus les constatations du chiro.

Mauvais diagnostic sérieux

En 2002 et 2003, John W. Kinsinger, M.D., un anesthésiste, a visité trois chiropracticiens pour voir s'ils pouvaient reconnaître la signification  des symptômes qui nécessitaient une référence médicale urgente. Un n'a pas reconnu les symptômes classiques de l'angine de poitrine et attribua les symptômes à une côte mal placée. Les deux autres n'ont pas reconnu que sa douleur abdominale aurait pu être causée par une appendicite. Les trois ont recommandé des soins chiropratiques.

Signification

Parce que quelques-unes de ces études ont été faites il y a longtemps, et parce que certains des chiros n'étaient pas choisis au hazard, leurs diagnostiques ne peuvent pas être utilisés à calculer les chances que consulter un chiro donnerait les conseils appropriés aujourd'hui. Elles suggèrent que les chiros qui s'annoncent de façon flamboyante ou qui prétendent traiter des enfants vont probablement donner des mauvais soins. Les études aussi suggèrent que les gens qui considèrent des soins chiropratiques devraient les investiguer soigneusement avant de prendre un rendez-vous. Un premier bon pas serait de lire le livre: Inside Chiropractic: A Patient's Guide, qui décrit les débuts de l'histoire de la chiropraxie et offre la meilleure analyse détaillée du marché de la chiropraxie publiée à date.
 

Pour plus de renseignements

Barrett S. Ma visite à un chiro "régulier"
Kinsinger JW. Neuf expériences avec des chiropraticiens
Youngman K. What Happened When a Chiropractor Telemarketed Me
 

Cet article a été revisé le 12 déc. 2003. Traduction mise à jour le 2 fév. 2010

Dernière mise à jour le 15 novembre 2019.

Source: Quackwatch