LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

quackwatch

Est-ce que les enfants reçoivent trop de vaccins ?
La réponse est non.

Mark Crislip, M.D., Stephen Barrett, M.D.

Certains opposants à la vaccination essaient d'avoir l'air respectable en déclarant qu'ils ne sont pas contre les vaccins mais qu'ils pensent que le nombre de vaccins donnés en une fois devrait être réduit et que le programme de vaccination devrait s'échelonner sur une plus longue période. Lors d'une émission télédiffusée du programme "Good Morning America", par exemple, les acteurs Jenny McCarthy et Jim Carrey - avec l'aide de la présentatrice Diane Sawyer - ont défendu l'idée que les vaccins ont un "effet cumulatif" et qu'en donner trop à la fois pourrait provoquer des interactions indésirables [1]. Le pédiatre Jay Gordon, que McCarthy a consulté au sujet de son fils, préconise également de retarder certains vaccins [2]. Cet article explique pourquoi cette assertion de "trop de vaccins" n'a pas la moindre base factuelle.

Les vaccins délivrent soit de petites quantités d'antigènes (substances qui provoquent des réponses immunitaires), soit des germes génétiquement affaiblis qui se multiplient plus lentement et pendant une période plus courte que leurs homologues qui provoquent la maladie. Par conséquent, plutôt que d'être exposé à des infections à part entière au cours d'une maladie de 7 à 14 jours, l'organisme "voit" juste assez d'antigènes pour développer des anticorps protecteurs. Par exemple, alors qu'une infection à l'hépatite B expose le corps à 1 100 microgrammes d'antigènes par heure pendant une semaine, la série de vaccins contre l'hépatite en fournit un total de 30 microgrammes [3]. Ainsi, si les effets néfastes allégués d'un vaccin étaient dus à un trop grand nombre d'antigènes ou à des antigènes trop fréquents, les maladies causeraient toujours beaucoup plus de problèmes que les vaccins.

La capacité du système immunitaire est immense.

Le calendrier vaccinal recommandé - affiché sur le site Web des U.S. Centers for Disease Control and Prevention - propose 5 organismes vivants ou affaiblis et 21 antigènes différents jusqu'à l'âge de 6 ans. Quelques autres sont ajoutés entre 7 et 18 ans. Le but est de protéger les enfants aussi tôt que possible de maladies très dangereuses pour eux.

La capacité du système immunitaire à réagir à des antigènes est vaste et beaucoup plus grande que ne l'imaginent en général la plupart des gens. Les experts estiment que l'être humain peut générer près de 10 milliards d'anticorps différents [4] et que, à cause de l'exposition à des microbes et autre matériel étranger, les humains peuvent développer de 1 à 100 millions d'anticorps différents durant leur vie [5]. Le programme de vaccination produit un total de près de 30 anticorps. Il est estimé aussi que (a) chaque enfant a le potentiel théorique de réagir à près de 10 000 vaccins à la fois et (b) si les 11 vaccins recommandés de routine étaient administrés en même temps, le système immunitaire n'aurait besoin que d'environ 0,1 % de sa capacité dans le processus [6].

La vie expose beaucoup plus aux micro-organismes que les vaccins

Nous avons, sur nous et en nous, près de 100 milliards de bactéries, ce qui est 10 à 100 fois plus de bactéries que de cellules. Et ce n'est que notre flore normale, qui représente près de 1 000 espèces différentes de bactéries. Les humains naissent sans bactéries et acquièrent en quelques mois une flore normale de bactéries, complexe et énorme. Dans la première année de vie, les bébés sont exposés, pour la première fois, à toutes les bactéries de leurs parents et de leur fratrie et à quelques-unes de leurs animaux domestiques et de leur environnement. L'exposition aux antigènes résultante est des milliers de fois plus grande que l’exposition aux vaccins recommandés.

Le nombre de bactéries dans notre propre écosystème, évidemment, est minime comparé aux bactéries du sol, près d'un million d'espèces par gramme de sol, en plus de celles dans l'eau, sur nos animaux domestiques, dans l'air, etc. Les estimations vont jusqu'à un milliard d'espèces différentes de bactéries dans le monde. Les virus, les levures, les champignons, les parasites, et les acariens peuvent par ailleurs être des millions. Ces micro-organismes sont tenus en échec par le système immunitaire. Chaque espèce de bactérie contient des sites multiples qui peuvent provoquer la production d'anticorps. Ce n'est pas simplement un anticorps par organisme. Combien vont être créés pour chaque micro-organisme, cela dépend de la complexité de l'organisme. Il n'est pas inhabituel de développer des douzaines d'anticorps contre une seule souche bactérienne. Si notre réaction n'était que de produire 3 anticorps pour chaque espèce de bactérie de notre flore normale, et 3 anticorps pour chacun de seulement 100 000 des plus de 10 milliards d'organismes environnementaux, cela nous donnerait 300 000 anticorps. En produisant autant d'anticorps jusqu'à l'âge de 18 ans, cela équivaudrait à 46 par jour. Le programme de vaccination normal d'un enfant provoque un total de près de 150 [7]. Le principal manuel sur les maladies infectieuses identifie environ 1 300 bactéries qui peuvent causer des maladies. Cela se traduit par plus de 13 000 antigènes potentiels, soit près de 100 fois plus que ceux recommandés par le calendrier vaccinal.

Malgré le nombre croissant de vaccins ces dernières années, la charge sur le système immunitaire a diminué. Cela est dû au fait que les vaccins d'aujourd'hui sont "plus intelligents" et mieux structurés que les vaccins d'il y a des décennies.  Par exemple, avant 1991, le vaccin contre la coqueluche contenait 3 000 antigènes différents. Le vaccin contre la coqueluche d'aujourd'hui n'a pas plus de 5 particules - aussi efficace, mais mieux conçu pour être plus facile pour votre système immunitaire [8].

En mai 2010, la revue Pediatrics a publié une étude comparant plus de 40 variables liées aux fonctions mentales et neurologiques chez un groupe important d'enfants afin de déterminer si le fait de retarder la vaccination présentait un avantage. Après avoir constaté qu'aucune différence statistiquement significative ne favorisait les enfants moins vaccinés, les chercheurs ont conclu : "La vaccination pendant la petite enfance n'a aucun effet négatif sur les résultats neuropsychologiques, 7 à 10 ans plus tard. Ces données peuvent rassurer les parents qui craignent que les enfants reçoivent trop de vaccins trop tôt." [9]

Le retard peut nuire

Retarder les vaccins augmente le temps durant lequel les enfants sont vulnérables à certaines maladies, dont quelques-unes sont encore fréquentes. La varicelle, la coqueluche, la grippe, et le pneumocoque causent encore des hospitalisations et des décès chez des enfants qui avaient été en bonne santé. Retarder leur administration ou les séparer va aussi demander plus de visites chez le médecin, ce qui va augmenter le coût des soins et le nombre de fois que les enfants vont avoir à endurer l'inconfort et l'anxiété.

Conclusion

Quoi qu'on en dise le calendrier vaccinal représente une minuscule exposition aux antigènes et aux organismes par rapport à ce que l'on rencontre dans la vie de tous les jours. S'inquiéter d'un trop grand nombre de vaccins, c'est comme s'inquiéter qu'un dé à coudre d'eau vous mouille lorsque vous nagez dans l'océan. 

 

Pour plus d'informations

 

Références

  1. Brady J., Dahle S. Celeb couple to lead 'Green Vaccine' rally: Experts say no link between vaccinations and autism. ABC News, June 4, 2008.
  2. Dr Jay Gordon. Le Dictionnaire Sceptique, 30 Janvier 2014.
  3. Mandal G and others. Principles and Practice of Infectious Diseases. New York: Churchill, Livingstone, 2004.
  4. Fanning J and others. Development of the immunoglobulin repertoire. Clinical Immunology and Immunopathology 79:1-14, 1996.
  5. Harris DT. Genetic basis of antibody diversity. Medical microbiology and immunology class noted, University of Arizona Web site, accessed Dec 13, 2008.
  6. Offit P and others. Addressing parents’ concerns: Do multiple vaccines overwhelm or weaken the infant’s immune system? Pediatrics 109:124-129, 2003.
  7. Offit PA. Bell LM. Too many vaccines? What you should know. Vaccine Education Center, Children's Hospital of Philadelphia, Fall 2008.
  8. Composition of nine DTaP vaccines evaluated in efficacy trials. Clinical Microbiology Reviews, April 2005, p 356.
  9. Smith MJ, Woods CR. On-time vaccine receipt in the first year does not adversely affect neuropsychological outcomes. Pediatrics DOI: 10.1542/peds.2009-2489, May 24, 2010.

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Le docteur Crislip est un spécialiste en maladies infectieuses pratiquant à Portland, Oregon et contribue à Science Based Medicine Blog et Rubor Dolor Calor Tumor, un blog s'adressant aux maladies infectieuses. Il est aussi responsabe du Quackcast podcast (une revue sporadique des suppléments diététiques, et de la médecine complémentaire et alternative) et du Persiflagers Infectious Diseases Podcast (une revue bimensuelle des maladies infectieuses).

 

Idées fausses sur la vaccination: n°1; n°2; n°3; n°4; n°5; n°6; n°7; n°8; n°9; n°10; n°11; n°12; Idées fausses sur la vaccination

 

Dernière mise à jour le 21 mars 2019.

Source: Quackwatch