LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

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Quadro

«Détecteur» Quadro QRS 250G

«Si ça marche, je pense que ça pourrait constituer un excellent outil de dissuasion au sein de notre système scolaire», a déclaré le directeur d’une école secondaire.
Gastonia Gazette, 6 avril 1995

 

Boîte de plastique munie d’une antenne que vendait la Quadro Corp. de Harleyville, en Caroline du Sud, en la faisant passer pour un détecteur d’à peu près n’importe quoi, des drogues et des armes aux balles de golf et aux chiens perdus. L’«invention» de Wade Quattlebaum se vendait environ 1 000 $ US la pièce. Quelques écoles et institutions gouvernementales ont déboursé jusqu’à 8 000 $ US pour cet appareil, tout juste bon à détecter les bonnes poires, promptes à dilapider l’argent d’autrui (dans ce cas-ci, celui des contribuables). Aux Laboratoires Sandia d’Albuquerque, au Nouveau-Mexique, on a démonté un de ces bidules pour découvrir qu’il ne contenait rien du tout, et que sa fabrication avait probablement coûté deux dollars, ce qui a valu aux Laboratoires des menaces de poursuite de la part de la Quadro. Étrangement, on n’a pas formulé de telles menaces contre le FBI quand il a déclaré que le Quadro Tracker ne servait à strictement rien. Selon le FBI, en effet, l’appareil n’était rien d’autre qu’un boîtier de plastique vide. En matière de marketing, la Quadro ne manquait pas de toupet: le FBI faisait justement partie des organismes qu’elle ciblait.

Le 19 janvier 1996, l’unité des crimes économiques du FBI a saisi les produits et la comptabilité de la Quadro Corporation, et a mis ses dirigeants sous les verrous. En avril de la même année, le juge d’une cour fédérale lançait une injonction permanente contre Quadro Corp., reconnue coupable de fraude en vertu des paragraphes 1341 et 1343 du titre 18 du United States Code. En cour, on a montré qu’un examen attentif de l’appareil n’avait permis de trouver «aucun inducteur, conducteur ni oscillateur», même si la Quadro prétendait dans sa publicité que de telles pièces faisaient partie de la «technologie secrète» qu’elle employait. L’entreprise s’est défendue en disant qu’il ne s’agissait pas d’inducteurs, de conducteurs ou d’oscillateurs «ordinaires», et qu’elle employait des composantes ultra perfectionnées, encore inconnues «de la science conventionnelle».

Le FBI a envoyé à toutes ses sections un bulletin les informant du fait que «Le Quadro Tracker, qu’on cherche à vendre aux agences d’application de la loi partout au pays, est un produit frauduleux. Les organismes doivent immédiatement cesser de l’employer...» Malgré tout, plusieurs agents de police et directeurs d’institutions d’enseignement continuent de ne jurer que par les détecteurs QRS 250G.

Comment des gens pourtant intelligents ont-ils pu se faire tromper aussi facilement? Peut-être par la documentation au ton «haute technologie» que leur a envoyée Quadro Corp. On pouvait y lire que l’appareil utilisait «des puces à fréquences accordées» pour retrouver sa cible.

La puce à fréquence est mise en oscillation par l’électricité statique produite par le corps [de l’utilisateur] pendant qu’il inspire et expire les gaz passant par ses poumons. Cette électricité statique se propage sur la surface du détecteur, qui se sert de la charge pour faire osciller la puce... [T]oute matière renferme des fréquences moléculaires exactes. Lorsqu’un champ magnétique est créé par un corps délimité possédant une charge électrique qui se déplace dans l’espace à un angle perpendiculaire à sa direction, et que le champ s’aligne avec un autre champ de fréquence exacte, résonant selon une modulation de fréquence identique, les deux objets s’attirent, tout comme deux objets au sein d’un champ gravitationnel.

On peut supposer que la plupart des agents d’approvisionnement ne sont pas très calés en génie électrique, et n’auraient pas les moyens de savoir que ce qui précède constitue en fait de la bouillie pour les chats. Par contre, ils ont sans doute été impressionnés par la longue liste de clients satisfaits de l’entreprise:

William Koopman, Val-Comm Inc., Albuquerque, Nouveau-Mexique
 
Steve Lassiter, Équipe spéciale de lutte contre la drogue, Albuquerque, Nouveau-Mexique
 
Larry DeWees, directeur, École secondaire de Farmington, Nouveau-Mexique
 
Clifford Weber, directeur d’école, Bloomfield, Nouveau-Mexique
 
Nancy Radford, directrice adjointe, École secondaire de Bloomfield, Nouveau-Mexique
 
Troy Daniels, agent de planification des ressources, École secondaire de Bloomfield, Nouveau-Mexique

Ralph Navarre, directeur, École secondaire de Mesa Alta, Bloomfield, Nouveau-Mexique
 
Capitaine Ben Boozer, Service correctionnel, Crozier, Virginie

Raymond Gomes, Inspecteur général, Richmond, Virginie

Sergent Marilyn Chambers, Garde nationale, Richmond, Virginie

Jim Morrison, Garde nationale, Richmond, Virginie

Brian Clements, Directeur de la sécurité, Galena Park, Houston, Texas

Lieutenant Bill Munk, Service de police, Austin, Texas

Don Plybon, Service des douanes, Charleston, Caroline du Sud

Caporal Billie Johnson, Service de police de North Charleston, Caroline du Sud

Bruce Parent, Département des transports de la Floride, West Palm Beach, Floride

Pip Reaver, Adlerhorst Training School, Riverside, Californie

Pete Blauvelt, Alliance nationale pour la sécurité dans les écoles, Lanham, Maryland

Michael Ferdinand, Interquest Group, Inc., Houston, Texas

Tout enquêteur un tant soit peu futé sait qu’un témoignage ne peut se mettre sur le même pied qu’une preuve scientifique. On ne devrait jamais se fier sur des témoignages lorsqu'il est question d'acheter des produits commerciaux prétendus de haute technologie.

James Randi, dans l'un de ses rapports Hotline, explique comment il a appris l'histoire de Michael Ferdinand, vice-président d'Interquest Group Inc., « une entreprise réputée qui dresse des chiens employés dans la détection de drogues ». On retrouvait le témoignage de Ferdinand parmi ceux qu’employaient la Quadro:

«L'utilisation du Quadro de façon indépendante permet sans aucun doute de déceler la présence de drogues...»

et

«Depuis que j'ai découvert le Quadro, je l'ai utilisé avec beaucoup de succès au sein de mes équipes. J'aide même des écoles à acquérir leurs propres appareils...»

Randi poursuit:

Mais après que le personnel d'Interquest a assisté à la séance de formation obligatoire offerte par la compagnie à Harleyville, en Caroline du Sud, et qu'on a fait examiner l'appareil par le Southwest Research Institute (SRI) de San Antonio, au Texas, le sentiment de Ferdinand a changé du tout au tout. Comme il le dit maintenant:

Nous aussi, nous nous sommes fait escroquer... Nous reconnaissons maintenant que la formation offerte était truquée... À partir des conclusions du rapport [du SRI] et de notre incapacité à obtenir le moindre résultat probant avec son produit, nous nous sommes dissociés de Quadro Corporation. Faire confiance à la Quadro Corporation nous a endettés de quelque 10 000 $, sans compter l'atteinte à notre réputation, par ailleurs sans tache...

Dans la conclusion du rapport du SRI, on peut lire que:

Le détecteur n'est pas fonctionnel, et le principe opérationnel décrit par son fabricant est, pour dire le moins, très douteux d'un point de vue scientifique. Les deux analyses corroborent le soupçon que l’appareil n’est pas un véritable détecteur.

Le SRI a testé les deux « échantillons de formation » vendus à Interquest en même temps que l’appareil, et n'a rien trouvé à l'intérieur, sinon «quelques fourmis en bouillie, collées dans l'époxy».

Un autre des clients dont la Quadro utilise le témoignage nie tout en bloc. Le caporal Billy Johnson, maître-chien du service de police de North Charleston – qui est censé avoir déclaré: «Sans aucun doute, le Quadro Tracker peut faire tout ce qu'accomplit un chien, et ce, d'une distance beaucoup plus grande» – a affirmé à Randi qu'il n'a jamais rien dit de tel, et que son employeur n'a jamais fait l'achat du détecteur.

Randi a également eu des nouvelles du patron de Don Plybon, l'agent des douanes que cite la Quadro.

Quadro a publié une citation de Plybon dans laquelle il narre une «alerte positive à la poudre explosive » lancée par son détecteur lorsqu'il l'a pointé en direction d'un avion russe à l'aéroport de Charleston, en Caroline du Sud. D'après la publicité, l'agent s'est dit que «l'avion était rempli d'armes à feu qui avaient servi». Pourtant, lorsqu'on a déchargé l'appareil et qu'on l'a fouillé, rien n'a été découvert. Alors, toujours selon la publicité, on a «vérifié la graisse de la rampe de déchargement», et conclu que le détecteur ne pouvait se tromper, qu'il devait y avoir «quelque chose dans la graisse» qui faisait sonner le détecteur. Mais qu'est-il vraiment arrivé? Est-il possible que l'agent a commis une erreur parce qu'il a eu la naïveté de penser que son bidule fonctionnait réellement? Pour quelle autre raison son patron m'aurait-il téléphoné pour m'interdire de communiquer de nouveau avec l'agent Plybon? Et où puise-t-il le toupet colossal de m'interdire de faire quoi que ce soit? Je lui ai fait part de mon opinion à ce sujet sans ambages, je vous l'assure. Quand le patron m'appelle pour m'interdire de poser des questions à son employé, c'est là que je commence vraiment à me questionner... Quoi qu'il en soit, on a averti la Quadro de cesser d'utiliser le nom de l'agent Plybon dans sa publicité, qu'elle ne peut plus faire de toute manière.

La Quadro est peut-être fermée, maintenant, mais il y a bien d'autres entreprises du genre, qui affirment aller au-delà de ses prétentions les plus folles. La DielectroKinetic Laboratories (DKL) produit le LifeGuard, dont les modèles vont de 6 000 $ à 14 000 $ US. Selon la DKL, son bidule peut identifier les battements d'un cœur humain à plus de 150 mètres de distance, à travers le béton, la terre ou l'eau. Sandia Labs a mis le LifeGuard à l'épreuve en avril 1998, et les résultats obtenus correspondaient exactement à ceux auxquels on pouvait s'attendre du hasard. En octobre 1998, la Sandia a démonté un de ces appareils et a découvert qu'il était impossible que ses composantes électroniques fonctionnent comme l'entreprise le disait.

Enfin, il y a l'appareil de rhabdomancie Super-Sensor, que l'on peut commander de Psi-Tronics Visions. Voici ce que dit Psi-Tronics de son appareil:

Il est possible de faire une lecture du passé, du présent ou de l'avenir. Les événements à venir sont soumis aux lois des probabilités et du libre arbitre, si bien que l'appareil ne fonctionne pas toujours pour les jeux de hasard, mais en ce qui a trait aux autres usages possibles, vous ne serez limités que par votre propre imagination. Vous pourrez détecter des eaux souterraines, des tuyaux enfouis, des dépôts de minerai, de pétrole, et ainsi de suite. Trouvez du poisson, du gibier ou des personnes disparues. Je connais des gens qui l'emploient pour prédire le comportement de la bourse, les tendances en matière de consommation et les occasions d'affaires, ou pour isoler des problèmes de production. Je connais des mécaniciens qui s'en servent pour déterminer quels sont les problèmes des véhicules sur lesquels ils travaillent, ainsi que des travailleurs d'entretien ou des machinistes qui s'en servent pour trouver des tuyaux souterrains d'arrivée d’eau, des fuites ou des problèmes électriques. Des travailleurs de la santé, des chiropraticiens, des diététiciens et tous ceux qui diagnostiquent des maladies vérifient la justesse de leurs conclusions grâce à lui. Les guérisseurs holistiques et les phytothérapeutes comptent sur lui pour prescrire des vitamines. À la maison, employez-le pour trouver des objets perdus et prendre des décisions. Consulter l'annuaire ou les Pages jaunes avec lui pour savoir sur qui vous pouvez vraiment compter. Vérifiez quel temps il fera et sachez quels vêtements vous devrez porter.

Combien d’organismes publics vont gaspiller les deniers publics sur de tels gadgets avant qu’on apprenne?

ADE-651 Bomb Detection Device

Extrait de l'article "Le sceptique qui connaît les trucs" (Agence Science-Presse, 28.10.2010)

On connaît aussi le combat que Randi a mené contre l’ADE-651 Bomb Detection Device, commercialisée par Jim McCormick et sa société, ATSC. L’appareil, vendu 60 000 $, permettrait de détecter les explosifs enfouis. Il a principalement été utilisé en Iraq par les forces armées. En 2008, Randi publie un communiqué révélant que l'ADE 651 est le jumeau du Quadro Tracker, que le FBI avait déconseillé d’utiliser. On en avait prouvé l’inefficacité dès 1996. Son inventeur, qui a refusé de relever le Défi de Randi, prétend qu’elle fonctionnerait plutôt comme… une baguette de sourcier. Grâce à une campagne menée par la JREF, l’Angleterre a finalement cessé la vente de l’ADE 651 et McCormick a été arrêté pour fraude.
 

À lire également: Faux détecteurs de vraies bombes, sur le blogue de Laura Marchegiani.

Dernière mise à jour le 24 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary