LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

DielectroKinetic Laboratories LifeGuard (DKL)

Courriel d'un lecteur du Skeptic's Dictionary :

DKL LifeGuard
On dirait bien que le Quadro Tracker figurant dans votre dictionnaire s'est réincarné (ou alors, les grands esprits se rencontrent). Une compagnie nommée DielectroKinetic Laboratories a fabriqué trois versions d'un détecteur de battements cardiaques à distance, le DKL LifeGuard, et tente de le vendre à divers organismes gouvernementaux en disant qu'il permet de déceler la présence d'êtres humains jusqu'à plus de 150 mètres de distance. Le modèle le moins cher, 6 000 $ US, n'a même pas besoin de piles pour fonctionner [Le modèle le plus cher, lui, coûte 14 000 $ US].
 
J'ai vu et testé les produits de cette entreprise moi-même au cours d'une foire commerciale parrainée par le gouvernement en septembre dernier. Des centaines de fournisseurs étaient venus montrer toutes sortes de dispositifs susceptibles de protéger nos forces armées. J'ai immédiatement constaté que le DKL était la version «haute technologie» de la bonne vieille baguette de sourcier. Chacun est constitué d'un boîtier pivotant rattaché à une poignée-pistolet, et muni d'une antenne qui pointe vers l'avant. L'utilisateur fait aller l'antenne de gauche à droite devant lui, et le bidule est censé imprimer une secousse à sa main chaque fois que l'antenne pointe vers quelqu'un. Les réponses que les représentants de la compagnie nous donnaient sentaient l'arnaque, et tout cela aurait été fort divertissant, n'eut été le fait que bien des gens semblaient véritablement marcher.
 
Mon superviseur, un expert réputé en matière d'outils de détection, a fait remarquer aux représentants que l'antenne de l'appareil était omnidirectionnelle, et qu'ils en pointaient la direction la plus faible vers la cible. Leur réponse: «Ben... oui: l'antenne est omnidirectionnelle, c'est vrai, mais les composantes électroniques, elles, sont directionnelles». Pour un ingénieur en électronique, c'est n'importe quoi.

Le jargon pseudo-scientifique employé par la DKL a de quoi faire tourner la tête au malheureux profane, bombardé d'électrostatique, d'électrodynamique, de diélectrokinétique et de diélectrophorèse. Mais concentrons-nous plutôt sur ce que le produit est censé faire. Selon la DKL,

La nouvelle gamme d'instruments LifeGuard de DKL peut déceler une présence humaine et la suivre à plus de 150 mètres de distance en terrain dégagé, et à de plus courtes distances derrière des murs de béton, des parois d'acier, des feuillages denses, des remblais, ou jusqu'à trois mètres d'eau. Les trois modèles de LifeGuard peuvent détecter une cible et la verrouiller en trois à cinq secondes, tout comme ils peuvent distinguer un être humain d'un autre animal, même un gorille ou un orang-outan.

On se demande bien, toutefois, comme cette merveille de technologie arrive à faire la différence entre l'utilisateur et d'autres personnes. Si ce bidule marche véritablement comme on le raconte, il ne servirait à rien, puisque la présence de l'opérateur le déclencherait immédiatement. Après tout, DKL affirme que

Les détecteurs DKL perçoivent le petit champ électrique irrégulier que produit le cœur humain. Les signaux électriques de cet organe se situant à des fréquences ultra faibles, moins de 30 cycles par seconde, ils franchissent les obstacles qui absorbent ou réfléchissent les énergies de fréquences plus élevées.

Mais à quel usage est destiné un tel brimborion? À retrouver un enfant perdu dans la forêt, ou caché parmi les gorilles et les orangs-outans, au zoo. À capturer le criminel qui tente de vous échapper (en supposant qu'il n'y a personne d'autre aux alentours, et que vous pouvez empêcher votre propre cœur de battre pendant que l'appareil fonctionne). L'article sera sans doute très populaire auprès de ceux qui ont couru se procurer le Quadro Tracker: diverses agences de police, qui peuvent compter sur l'argent inépuisable du contribuable sans avoir trop de comptes à lui rendre.

 

Nota: En avril 1998, Sandia Labs a testé le LifeGuard de DKL. Les résultats de l'appareil ont été inférieurs à ceux qu'on aurait obtenus au hasard. En octobre de la même année, Sandia a démonté l'une des unités et a constaté que ses composantes électroniques ne pouvaient absolument pas faire ce qu'on leur attribuait.

En réaction aux tests de Sandia Labs, ou face à un scepticisme croissant, on ne sait trop, DKL a modifié les affirmations que contenait son site Web. Pendant quelque temps, l'entreprise a cessé de montrer les ruines d'un édifice en disant que son produit pouvait sauver les vies de personnes emprisonnées sous les décombres. On a plutôt mis l'accent sur la détection des passagers clandestins à l'intérieur de camions. DKL affirme maintenant (en août 2009) que son bidule peut sauver des vies en détectant la présence de personnes emprisonnées sous des ruines ET déceler les passagers clandestins à bord de camions, de navires ou dans des conteneurs. La publicité ne raconte plus que l'appareil peut détecter un battement de cœur humain à 500 pas, etc. On nous dit maintenant qu'il peut détecter des personnes, et non plus des battements de cœur.

Le fait que la DKL demeure encore active et prospère, sans qu'aucun organisme gouvernemental ne soit intervenu pour la fermer, doit encourager tous ceux qui cherchent à exploiter le marché de la tragédie humanitaire. C'est ainsi que le Sniffex Explosive Detector, de la Homeland Safety International, a pu se vendre fort bien avant qu'on révèle le pot aux roses.

 

Video [en anglais] : BBC Newsnight: UK Bans Exports of "Bomb Detecting" Dowsing Rods.
 

Dernière mise à jour le 24 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary