LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

La Prophétie des Andes

Titre d’un roman de James Redfield que beaucoup considèrent comme une espèce de guide spirituel du Nouvel Âge. Un enthousiaste le décrit ainsi :

Le livre explique tout simplement comment on peut obtenir et utiliser de l’énergie. Quand on en obtient assez d’une façon appropriée, on peut «élever son niveau vibratoire». De la sorte, on devient plus en mesure de puiser dans ses capacités psychiques et intuitives, et par conséquent de découvrir et d’atteindre son véritable but dans la vie.

Même Redfield traite son roman comme un guide spirituel, sur lequel il fonde, d’autre part, toute une industrie bien matérialiste. Ainsi, il a créé un bulletin pour ses lecteurs : The Celestine Journal : Exploring Spiritual Transformation. Il a écrit une suite à son premier succès, La Dixième Prophétie, «une quête qui vous entraînera vers les portes d’autres dimensions», de même qu’une suite à la suite : La Vision des Andes. Il vend aussi des cassettes audios et des disques compacts.

Redfield part d’une idée commune à de nombreux gourous du Nouvel Âge, à savoir que le monde est en voie d’émerger dans une nouvelle ère de conscience. Il explique la chose ainsi :

 Depuis un demi-siècle, maintenant, une nouvelle conscience a fait son apparition au sein de l’humanité, une conscience qu’on ne peut qualifier que de transcendante, spirituelle. Si le présent livre s’est retrouvé entre vos mains, peut-être avez-vous déjà senti ce qui est en train de se passer, peut-être même est-ce à l’intérieur de vous.

 Quelles preuves apporte-t-on pour tout ce boniment nouvelâgeux? De vagues références aux vibrations et à l’énergie. Pour les non-initiés, on donne de vagues conseils sur la façon d’éviter les êtres négatifs (on reconnaît les gens positifs à leurs yeux) et le doute; on incite chacun à faire confiance à son intuition, aux prémonitions et aux coïncidences, à croire que tout sert à quelque chose, et à se joindre aux milliers d’autres qui se sont déjà lancés dans la quête. Se mettre à l’écoute de son moi intérieur permettra à l’initié d’évoluer vers un plan supérieur.

Dans le roman, un ancien manuscrit péruvien rédigé en araméen (!) révèle au monde le sens de la vie, et prédit une transformation spirituelle radicale de la société à la fin du vingtième siècle. Les hommes seront enfin en mesure de comprendre les secrets de l’univers et les mystères de l’existence. On verra que le vrai sens de la vie ne se trouve pas dans la religion ni dans la richesse matérielle, mais dans des trucs comme les auras. Le manuscrit est rempli perles du genre, et ce sont elles qui indiquent la voie de la transformation. Et comment le sait-on? Il n’y a qu’à constater l’agitation autour de soi. C’est ça, la clé : l’agitation et l’insatisfaction. Nous sommes comme des chenilles prêtes à se métamorphoser en papillons : nous sommes sur le point de prendre notre envol au sein du Nouvel Âge. Si chacun aspire à la réalisation de soi, n’est-ce pas la preuve que nous ne l’avons pas encore atteinte? Croyez-vous que les coïncidences se multiplient uniquement par hasard? 

… le Manuscrit nous apprend que le nombre de gens conscients de ces coïncidences va s’accroître de façon spectaculaire au cours de la sixième décennie du vingtième siècle. Cette croissance se poursuivra presque jusqu’au début du siècle suivant, où nous atteindrons un niveau précis de conscience, un niveau dans lequel je vois une masse critique.

L’auteur voulait sans doute dire la septième décennie, et non la sixième. La sixième décennie du vingtième siècle correspondrait aux années 1950; on peut difficilement affirmer qu’il s’agissait d’une époque turbulente. Les années soixante, par contre, se sont inscrites dans notre conscience historique comme des années d’effervescence. Il n’y a qu’à songer à la guerre du Viêt-Nam, au mouvement pacifiste, à Mai 1968, à l’assassinat des Kennedy et de Martin Luther King, au Beatles, etc. Quoiqu’il en soit, le roman est tout de même de bon conseil : faites l’amour, pas la guerre; ne soyons ni intimidateur ni interrogateur ni indifférent ni victime; libérons-nous de la peur, de l’humiliation, de la culpabilité et de la honte; soyons contemplatifs, méditons et suivons nos intuitions et nos rêves le long de notre évolution spirituelle. Réalité ou fiction, peu importe. La vérité est ce qu’on veut bien qu’elle soit. La vie est trop courte et trop compliquée pour qu’on se soucie de la réalité. Créons-en une qui nous soit propre. La validation subjective et le renforcement collectif mènent au bonheur.

Ce genre de relativisme et de subjectivisme nouvelâgeux encourage les gens à croire qu’on peut choisir sa réalité. La distinction entre les faits et la fiction tend ainsi à s’effacer. Naturellement, la fiction a sa place dans toute vie équilibrée, mais il doit en être de même pour la réalité. La méthode scientifique n’est sans doute pas parfaite, mais lorsqu’il s’agit de vérifier les faits, elle vaut mieux que n’importe quelle fantasme issu de l’imagination des gourous du Nouvel-Âge.

 

Voir aussi: Jean Houston, Rama, Ramtha et Un cours en miracles

 

 

La Prophétie des Andes

Dernière mise à jour le 23 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary