LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

Leonora Piper

Il se peut que des disparus se soient exprimés par mon intermédiaire, mais peut-être aussi que non.
J'avoue que je n'en sais rien.
Leonora Piper, 1901*
  
Leonora Piper

Médium parmi les plus réputés aux États-Unis, fin XIXe siècle et début XXe siècle. Peu après avoir épousé William Piper, de Boston, la jeune Leonora consulte le Dr J.R. Cocke, clairvoyant aveugle dont les diagnostics et les guérisons suscitent beaucoup d'émoi.

Dès ses premières rencontres avec Cocke, Leonora tombe en transe et pratique l'écriture automatique. Elle remet alors le message qu'elle a rédigé au juge Frost, de Cambridge, qui croit y reconnaître des propos de son défunt fils. La carrière de médium de Piper est alors lancée. Sa célébrité s'accroîtra grandement quand la mère de William James s'adressera à elle pour une séance, peu de temps après la mort de son petit-fils. William lui-même a consulté la médium et s'est persuadé qu'elle possédait vraiment la faculté de communiquer avec les morts. Pendant 18 mois, James s'est occupé de régler lui-même toutes les séances de Mme Piper. En 1890, il écrit:

... compte tenu de tout ce que je sais à propos de Mme Piper, les résultats qu'elle obtient me rendent aussi absolument certain qu'on puisse l'être d'un fait quelconque qu'elle prend connaissance, au cours de ses transes, de choses qu'elle ne peut pas avoir entendues en état de veille, et que l'explication définitive à propos de ses transes demeure à découvrir.

Quand James intervient dans les affaires de Mme Piper, celle-ci canalise l'esprit de «Finny» (Phinuit), un médecin français qui serait mort en 1860, mais dont on n'a jamais établi l'existence véritable. Piper canalisait de nombreux autres esprits, dont celui d'une petite amérindienne nommée Chlorine, du Commodore Vanderbilt, de Longfellow, de Lorette Penchini, de Jean-Sébastien Bach, de Mme Siddons, la comédienne, et de George Pellew (George Pelham). En 1897, c'est l'Empereur qui est devenu la figure centrale des séances. Phinuit s'est effacé, et Pelham n'a plus eu que le rôle d'un communicateur secondaire.

Pendant plus de 25 ans, de nombreux scientifiques, «parmi les plus sérieux d'Angleterre» et des États-Unis ont examiné ses activités. Elle s'est rendue célèbre par ses séances, au cours desquelles, habituellement, elle entrait en transe et canalisait un esprit qui écrivait ou parlait par son intermédiaire. Elle s'est gagné de nombreux partisans, dont non seulement William James (1842-1910), mais aussi Richard Hodgson (1855-1905), Oliver Lodge (1851-1940), et le Dr James Hyslop (1854-1920).

L'approche des scientifiques qui ont étudié le cas de Mme Piper était plutôt simpliste. Ils se limitaient à essayer de surprendre une fraude, et déclaraient que les phénomènes allégués étaient authentiques quand ils n'y arrivaient pas. Ces chercheurs ne connaissaient pas la validation subjective, cette tendance qui fait que nous tentons de plaquer un sens, souvent personnel, à des données qui n'en ont pas.

Il est bon de noter que les six rencontres de Mme Piper avec G. Stanley Hall et Amy Tanner sont généralement passées sous silence par ceux et celles qui voient le médium comme une preuve concluante de l'existence des esprits. Hall et Tanner ont avancé une explication naturaliste au sujet des «pouvoirs» de Mme Piper. Selon eux, son inconscient abritait diverses personnalités, qu'elle présentait comme des esprits ou des contrôles. Il est possible que Piper ait pris connaissance de beaucoup de renseignements, qu'elle a ensuite retransmis en les faisant passer pour des messages de l'au-delà, mais il est aussi certain qu'une bonne partie de ce qu'elle a raconté n'était que du charabia ou des faussetés. Hall lui a d'ailleurs fourni beaucoup de données fausses, qu'elle a ensuite reprises en prétendant qu'elles venaient de Hodgson ou d'autres esprits. Manifestement, il s'agissait d'autre chose que des communications spirites. Les croyants, cependant, ne se sont guère montrés ébranlés. Piper était leur cause emblématique, le médium prouvant la véracité des communications avec le monde des morts.

Hall et Tanner ont fait valoir, sans succès, que le désir de survivre à la mort empêchait la plupart des chercheurs du monde métapsychique de voir comment leurs méthodes et leurs conclusions péchaient par manque de rigueur. Ils laissaient passer des contradictions et se contentaient des explications ad hoc les plus grossières. On a pu expliquer ainsi les contradictions de Phinuit en invoquant sa surdité, et sa mauvaise compréhension de certaines questions. Même William James n'a pas relevé l'incapacité d'un supposé esprit français de parler ou d'écrire dans cette langue, malgré le manque de logique flagrant de la chose. Les preuves historiques viennent appuyer la position de Tanner et Hall quant à l'incompétence de scientifiques accomplis à déceler la fraude chez des médiums, même chez des enfants qui se disaient médiums ou capables de télékinésie. Tanner et Hall ont également attribué la négligence des chercheurs métapsychiques au fait que la plupart d'entre eux tentaient de prouver l'existence des esprits, au lieu d'accepter ce que les résultats de leurs expériences montreraient. Ainsi, la plupart de ces chercheurs, même s'ils étaient au courant des explications de nature psychologique de ce qu'ils observaient (comme l'hypothèse des personnalités secondaires) se sont montrés trop empressés de rejeter les hypothèses autres que celle portant sur des esprits désincarnés, qu'ils favorisaient.

Dans les faits, Piper ne mentait pas, du moins pas la plupart du temps, mais il est tout aussi certain qu'elle n'était pas en contact avec des esprits. Elle a lancé un certain nombre d'affirmations qui ont trouvé écho auprès de ses clients. Si les psychologues de l'époque avaient compris le phénomène de la validation subjective et la puissance des désirs irrationnels inconscients, il est peu probable que Piper occuperait une place aussi importante dans l'histoire de la parapsychologie.

Dernière mise à jour le 23 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary