LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

Lynn Andrews

C'est Lynn Andrews qui a répandu cette chimère de la Sororité du Bouclier. On a démontré qu'elle ne fait que colporter de la fiction, et qu'elle vient en tête de liste des chamanes bidons.
Helene E. Hagan, The Plastic Medicine People Circle

(Extrait du site Web de Lynn Andrews):

Auteure à succès de la série Medicine Woman, reconnue tant par le New York Times qu'au plan international, dans laquelle elle relate ses trois décennies d'apprentissage auprès des chamanes guérisseurs de quatre continents. Son étude de la dimension sacrée du féminin a commencé auprès de Agnes Whistling Elk et Ruby Plenty Chiefs, guérisseuses autochtones du Nord du Canada. Sa quête spirituelle s'est poursuivie auprès d'une curandera maya du Yucatan, une aborigène de haut rang du désert australien et une guérisseuse népalaise des contreforts de l'Himalaya. On la considère aujourd'hui comme une figure de proue dans les domaines de la guérison spirituelle et du développement personnel. Chamane, guérisseuse et mystique, elle est reconnue comme un pont important entre le monde ancien du chamanisme et les sociétés modernes, où l'on recherche la guérison sur le plan personnel ainsi qu'une compréhension plus profonde de la voie menant à la connaissance.
Lynn Andrews

Sans s'intéresser grandement à la spiritualité, la personne la moindrement curieuse pourrait se demander s'il y a dans ce qui précède quoi que ce soit de vrai? Pourquoi des leaders spirituels et guérisseurs de peuples indigènes de différents continents choisiraient-ils de confier les secrets issus de leurs traditions sur le «féminin sacré», concept nébuleux à souhait, à une (fausse?) blonde de Beverley Hills qui a déjà fait actrice? Ou encore, question plus facile: Pourquoi une Blanche aux cheveux blonds (teints?) irait-elle prétendre qu'elle est chamane? Les mots «gloire personnelle» et «montagne de dollars», tout comme celui d'«exploitation» fournissent peut-être la réponse. À l'instar de Benny Hinn, Peter Popoff et autres guérisseurs de la même mouture, Andrews a peut-être interprété à son avantage la formule ésotérique: «Qui veut attraper les poissons n'a qu'à tendre sa ligne». Bien des gens veulent croire aux miracles et à l'existence de traditions ésotériques révélées à des élus qui, à leur tour, leur transmettent ces secrets et les guident vers l'illumination. Pourquoi ne pas étancher la soif de telles âmes?

La première page du site d'Andrews porte déjà au doute.

On l'a initiée au sein de la Sororité du Bouclier, cercle de 44 guérisseuses provenant de cultures aussi diverses que celles de Panama, du Guatemala, d'Australie, du Népal, d'Amérique du Nord et du Yucatan. La Sororité demeure dans l'ombre, mais elle a fait de Mme Andrews son représentant.

On peut se poser des questions à propos d'un tel cercle, mais s'il existe, il y a fort à parier qu'il ne choisirait pas Lynn Andrews pour le représenter. En effet, la (fausse?) blonde se situe à l'antithèse de ce que ses «sœurs», si elles sont réelles, préconisent. Comme l'a dit John Magnuson, co-président du groupe de travail autochtone du Conseil des Églises du Grand Seattle:

«Il faut savoir que la spiritualité autochtone prend différentes formes selon les peuples, les endroits et les communautés. Il n'y a pas d'expérience religieuse amérindienne générique se prêtant à la mise en marché et à la vente. De plus, la commercialisation des religions autochtones viole souvent les règles de base relatives au respect du sacré chez les Premières Nations: l'interdiction des caméras, des cahiers de croquis et des magnétophones, ainsi que l'échange de connaissances traditionnelles contre de l'argent.»
 
Pour ce qui est des «chamanes» vedettes qui font de lucratives tournées de spectacles-conférences, Ramona Soto Rank, membre de la tribu des Klanath et directrice des tribus affiliées du Nord-Ouest, aime à rappeler aux disciples potentiels que les guides spirituels et guérisseurs authentiques ne se désignent que rarement comme tels. Black Elk était travailleur saisonnier quand John Neehardt l'a découvert dans les années 1930. Il n'est pas inhabituel pour les guérisseurs traditionnels les plus connus du Nord-Ouest des É.-U. de gagner leur vie comme pêcheurs ou travailleurs forestiers.

La seule preuve que nous ayons de l'existence des 44 chamanes, c'est la parole de Lynn Andrews, qui est censée les représenter. C'est toute une couleuvre à avaler... Ces présumées chamanes ne partageraient sans doute jamais leurs secrets entre elles; comment le feraient-elles avec une Visage Pâle de Beverley Hills qui transforme en marchandises tout ce qu'elle touche et désigne comme sacré?

Quiconque s'adonne à des recherches en matière de spiritualité - en particulier certaines dames vouant une admiration exagérée aux cultures autochtones d'Amérique ou d'ailleurs - et cherche à obtenir un sentiment de pouvoir personnel inaccessible dans sa propre communauté religieuse, pourrait trouver attrayant ce concept de chamane au féminin. S'il y a escroquerie de la part d'Andrews, cela ne veut pas dire qu'elle n'apporte rien de bon à bien des femmes, surtout celles dont les besoins ne sont pas trop profonds, et qui sont susceptibles de se contenter de banalités, de fictions, et d'expressions mille fois rabâchées d'espoir, de mysticisme et d'autorité. D'autre part, si escroquerie il y a, non seulement Andrews profite de la soif de spiritualité qui afflige bien des gens, mais elle profane également les traditions autochtones, ce qui peut soulever la colère des vrais chamanes et guérisseurs. (Par «vrais», il faut entendre ceux et celles qui l'on reconnaît comme tels dans leurs communautés respectives.)

Les admirateurs et adeptes d'Andrews trouvent  peut-être ses enseignements empreints de sagesse, mais Flora Zaharia, ancienne directrice de la Direction générale de l'enseignement aux Autochtones du ministère de l'Éducation du Manitoba, pense plutôt qu'elle «se moque de la vie spirituelle et des cultures autochtones». Il se peut que ses adeptes boivent ses paroles parce qu'ils méconnaissent ce dont Andrews affirme parler. Si elle-même méconnaît ces cultures, alors les bouquins qu'elle écrit passent de la catégorie documentaire à celle de la fiction.

D'après John Magnuson, elle ne fait qu'inventer ce qu'elle raconte. Qu'elle se fasse passer pour une chamane lui paraît répréhensible:

Il est contraire à l'éthique, et mal avisé du point de vue spirituel, qu'Andrews profite de ce besoin [en matière de sacré et de mystère] pour s'approprier et déformer les bribes de pensées religieuses qui restent au sein des peuples indigènes. Tant les Autochtones que les Allochtones s'en trouvent appauvris.

Voici ce qu'a à dire Vine Deloria, représentant juridique des Sioux Standing Rock et auteur de Custer Died for Your Sins et de God is Red à propos d'Andrews:

Jamake Highwater, Lynn Andrews et Castaneda s'inscrivent tous au sein du même phénomène. Leurs écrits sont intéressants, mais ils n'ont rien à voir avec les Amérindiens. Ils correspondent plutôt à l'idée que les Blancs se font des Amérindiens.

Certains détails tendent à montrer que Deloria voit juste au sujet d'Andrews. John Magnuson écrit:

«La controverse entourant Lynn Andrews constitue un exemple encore plus atterrant de commercialisation de l'âme autochtone. Cinq livres à succès dans lesquels elle relate les enseignements spirituels autochtones qu'elle aurait reçus ont fait de cette ex-actrice de Beverley Hills une conférencière recherchée, qui offre son atelier, «Into the Crystal Dreamtime», un peu partout au pays. Medicine Woman (Harper & Row, 1980), récit initial de ses expériences, lui a valu une énorme faveur auprès des lecteurs des É.-U. Autant ce livre que ceux qui l'ont suivi ont été présentés comme des œuvres documentaires. Elle y décrit comment, au milieu des années 1970, elle est devenue l'apprentie d'Agnes Whistling Elk, sorcière-guérisseuse amérindienne et chamane crie du Manitoba. Jaguar Woman (1985), Star Woman (1986) et Crystal Woman (1987), les livres suivants, sont tous devenus des succès de librairie figurant sur la liste du New York Times. En 1987, j'ai demandé à un psychologue clinicien et professeur au niveau collégial s'il connaissait la réputation d'Andrews parmi les Cris du Manitoba. (Bien qu'Autochtone du Pueblo de Taos, il a déjà travaillé comme expert-conseil chez les Cris.) Ses commentaires, quoique prudents, étaient troublants. Durant ses séjours au Manitoba, et à la faveur de son travail auprès des Cris, il a cherché à vérifier si ce qu'Andrews racontait était exact. Personne, là-bas, n'avait entendu parler d'elle.
 
En novembre 1988, David Carson, écrivain et ex-conjoint de fait d'Andrews, a présenté une déclaration assermentée dans le cadre d'une poursuite intentée contre elle. Il y déclarait: «au long de notre relation personnelle, nous avons écrit ensemble une série d'œuvres littéraires, dont Medicine Woman, Flight of the Seventh Moon, Jaguar Woman et Star Woman». Jonathon Adolph, rédacteur en chef du New Age Journal, et le journaliste Richard Smoley, se mirent immédiatement en chasse. Dans l'article du New Age Journal intitulé «Beverley Hills Shaman» (mars-avril 1989), ils ont montré qu'en février de cette année-là, Carson et son avocat ont exprimé de façon inattendue leur intention d'abandonner la poursuite, et qu'auparavant, dans certaines déclarations, Carson avait laissé entendre que bien des expériences relatées par Andrews venaient en fait de son imagination créatrice à lui.
 
David Hall, connaissance de longue date de Carson, affirme avoir vu le couple au travail. Selon lui, Andrews fournissait une description générale de ses expériences à Beverley Hills, et Carson brodait autour des récits fictifs décrivant des aventures exotiques auprès de différents chamanes, d'après ce qu'il connaissait des cultures autochtones. Carson a d'ailleurs déjà parlé de ses origines Choctaw...

Adolph et Smoley ont également écrit que plusieurs leaders autochtones des É.-U. ont souligné les erreurs relatives à la géographie et aux coutumes que commet Andrews, surtout à propos des cérémonies anciennes. Dans son livre, Agnes Whistling Elk est présentée comme une chamane crie, mais elle n'en utilise pas moins des termes Hopi et Lakota. Deux des cérémonies attribuées aux Cris dans Medicine Woman sont inconnues des peuples cris du Manitoba, selon Flora Zaharia.

Une critique de Medicine Woman confirme également qu'Andrews méconnaît la culture dont serait issue le chamane qui l'a initiée:

Je viens du Manitoba, et j'y ai vécu plus de 50 ans. Je n'ai jamais entendu parler de Crowley, et les Premières Nations cries manitobaines que je connais ignorent le kokopelli ou le kachina. Ces choses ne font pas partie de leur culture.
 
La dernière erreur - et non la moindre -, c'est que la majeure partie de cette histoire n'aurait jamais pu se dérouler à l'extérieur sans des litres et des litres d'insectifuge, comme toute personne vivant en milieu sauvage au Manitoba le sait, en particulier ceux ou celles qui auraient une raison quelconque de se promener à poil en forêt.

Un autre lecteur désabusé écrit:

Je n'en reviens pas que Lynn Andrews nous croit assez bêtes pour penser que son livre est autobiographique. Un peu de sérieux! Après avoir fouillé dans Internet, j'ai également eu la surprise de découvrir qu'au moment où ce bouquin a vu le jour, elle vivait avec David Carson (co-auteur, avec Jamie Sands, de Medicine Cards: The Discovery of Power Through the Ways of Animals) qui prétend l'avoir aidée à l'écrire. Fait à noter, Carson dédie Medicine Cards à trois de ses tantes, dont deux se prénomment Ruby et Agnes... les noms de deux des protagonistes de Medicine Woman.

Une critique de Medicine Woman dans le Canadian Journal of Native Studies ne mâche pas ses mots à l'endroit de l'auteure:

[...] le roman atteint des sommets de désinformation quand la narratrice met le pied au Canada. Conformément aux idées que les Californiens se font de la province, l'auteure descend de l'avion à Winnipeg et se met en chemin à travers «la toundra canadienne». L'action est censée se dérouler au printemps, mais Andrews décrit «les vastes plaines ondulantes» où «l'herbe verte se courbe et se tord sous le vent». L'herbe des Prairies ne devient pas assez longue pour se courber sous le vent avant juillet, ce qui signifie que la narratrice ignorait la saison où elle se trouvait, ou croyait la «toundra» assez froide à n'importe quel moment de l'année pour justifier le port de «chandails, de chaussons de laine et de pyjamas de flanelle».
 
La première rencontre d'Andrews avec des Cris à Crowley représente à la perfection sa perception non fondée et souvent insultante des peuples autochtones. Tout le long du livre, les Autochtones la traitent avec indifférence, l'injurient ou lui font des commentaires désobligeants, ce que la narratrice semble trop lente à saisir, à moins qu'elle ne soit trop prise par la nature ésotérique de ses expériences pour s'en rendre compte. On nous dit de Crowley qu'elle est une petite ville au sein d'une réserve; en fait l'endroit ressemble davantage à un ville du Far-West hollywoodien. On n'y retrouve que quelques maisons et un «poste de traite» rempli de «petits enfants à la peau cuivrée qui mangent des petits gâteaux en boîte». Les adultes, quant à eux, sont vêtus en cow-boys parce qu'ils capturent du bétail au lasso au rodéo du coin. Nul doute, les Cris du Manitoba pratiquent la capture du bétail au lasso, durant l'été, quand ils ne parcourent pas leurs territoires de piégeage, mais Andrews ne nous dit pas ce que fait le bétail dans l'environnement d'épinettes noires et de muskeg où ils vivent pour la plupart.
 
Le chemin que les Amérindiens du poste de traite donnent à suivre à Andrews est suffisamment vague pour qu'elle hésite entre prendre la route ou rechercher Agnes Whistling Elk sur la «Mesa noire». Comment s'étonner qu'elle ne parvienne à trouver ni Agnes ni une formation géologique absente du Manitoba.

Tout semble indiquer qu'Andrews n'est pas la chamane qu'elle prétend être.

Comme Jean Houston, Andrews enseigne le mystère. On peut l'inviter à prononcer des conférences, et elle tient un magasin en ligne (Lynn Andrews Productions Inc.) par lequel elle vend des livres, des bijoux, des disques, et de l'espoir, entre autres choses. La devise de sa boutique est «Faire don de l'esprit». Faire le don de l'esprit, c'est faire le don de toute une vie d'amour, de joie, d'honneur et de célébration. Irait-elle jamais mentir? Elle vous donne l'occasion de présenter la Sororité du Bouclier de à une toute nouvelle génération de chamanes. Faites vite! Offert pour un temps limité seulement.

 

Voir également: Carlos Castaneda, Chamanisme et Jean Houston.

Dernière mise à jour le 23 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary