LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

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Contact thérapeutique

Le contact thérapeutique (CT) est une sorte de toucher thérapeutique ; pour ce dernier, en dépit de son nom, les praticiens ne font qu'agiter leurs mains au dessus et autour du corps du patient, sans vraiment le toucher. Dans le CT, il est nécessaire de toucher réellement le patient en différents endroits. Toutes deux sont des formes de thérapeutiques énergétiques, qui représentent elles-mêmes un traitement par effet placebo.

Dans le cas du CT, le soignant touche légèrement le patient, prétendant agir sur une énergie qui existerait à l'intérieur et autour de chaque être humain. Les plaies chirurgicales ne sont pas touchées : on se contente d'un simple geste au dessus de plaie, comme dans le toucher thérapeutique. La maladie aurait provoqué le désordre de cette énergie et le thérapeute croit que son attouchement aide à restaurer stabilité, harmonie, équilibre, etc, dans le « système énergétique humain » et ainsi favorise l'auto-guérison du patient.

Kathy Turner, une infirmière diplômée et apôtre du CT déclare que celui-ci est :

« fondé sur la croyance que nos corps sont entourés d'un champ d'énergie et nos corps eux- mêmes sont une forme d'énergie condensée... Dès que l'énergie corporelle est purifiée et équilibrée, nos corps ont la capacité naturelle de se guérir par eux-mêmes. » *

Cette conviction repose plus sur la foi que sur des preuves scientifiques. Ses partisans peuvent estimer que les nombreux utilisateurs satisfaits de cette méthode sont preuve de son efficacité, mais les témoignages montrent uniquement la puissance que peut atteindre l'effet placebo et prouvent qu'il est nécessaire d'effectuer des tests randomisés en double aveugle pour éviter de s'abuser sur l'efficacité d'un traitement ou d'une thérapeutique. Portons au crédit de Kathy Turner l'étude de ce type qu'elle a commencée à l'université de Stanford afin de prouver l'efficacité du CT. Cependant, l'élaboration des tests montre que ceux qui les conduisent n'ont pas saisi toute la complexité de l'effet placebo.

L'étude de Kathy Turner à l'université de Stanford compare trois groupes de patientes recevant une chimiothérapie : l'un avec CT, l'autre écoutant des cassettes de relaxation, le troisième sans rien. Cette étude devrait apprécier l'efficacité de la méthode en réduisant les effets indésirables de la chimiothérapie pour cancer du sein.* Malheureusement, l'étude souffre d'un défaut rédhibitoire ; elle a été conçue par Kathy Turner, dirigeant un groupe appelé «  Ensemble vers la Guérison », qui a « apparié plus de 100 malades de cancer du sein avec un thérapeute de CT depuis le début du programme en 2004 à Standford »*. De nombreux utilisateurs en sont satisfaits. Le programme de Standford a pris pour modèle deux programmes comparables : « Les Amis du Sein » au centre médical Queen à Hawai, et « Les Amis pour la guérison » à Denver.

Certes, la plupart des scientifiques de l'université de Stanford savent qu'il est ridicule de penser que les gens sont malades ou souffrent à cause d'un déséquilibre de l'énergie, et que la manipulation de cette énergie par des thérapeutes permet aux organismes de se guérir par eux-mêmes. Ils connaissent des cas de guérisons naturelles, sans le besoin d'un contact physique avec le patient ou de gestes autour de son corps. Ils savent que la croyance en ces prétendues énergies est fondée sur d'anciennes superstitions venant de Chine et d'Inde, et que ces idées se sont répandues bien avant qu'on ait une quelconque idée du fonctionnement du corps humain, bien avant le développement de la physiologie, de l'anatomie ou de la médecine scientifique. Alors, pourquoi une prestigieuse université comme Stanford soutient ce type de charlatanisme ? Parce que ça fonctionne, d'après les témoignages des utilisateurs satisfaits et des thérapeutes, parce que d'autres universités le font, parce que d'anciens étudiants ou de riches donateurs le réclament, ou parce que des agences nationales subventionnent leurs activités.

Il est très peu probable que des partisans du CT conçoivent une étude qui en prouverait l'efficacité par effet placebo. Ils sont beaucoup trop pénétrés des idées spéculatives de la médecine énergétique pour manifester une telle impartialité dans leurs travaux. Peut-on envisager quelqu'un aller dire à tous les utilisateurs satisfaits « Eh bien, nous avons réalisé une étude scientifique qui démontre que l'amélioration de votre état et votre soulagement n'ont rien à voir avec la manipulation de l'énergie. » Ce n'est guère crédible.

Quoi qu'il en soit, voici comment Kathy Turner décrit son travail :

« Parmi tous les patients qui ont subi la chimiothérapie, un groupe est traité par CT pendant 20 minutes, un autre écoute des cassettes de relaxation et le dernier n'a recours à rien d'autre.
 
Les chercheurs n'ont pas encore analysé les premières données. » *

Ce n'est pas nécessaire. On peut affirmer dès maintenant que dans cette étude on ne s'est pas attaché à éliminer l'effet placebo pour rendre compte de la satisfaction des utilisateurs. On ne peut nier que concevoir une telle étude doit être difficile : comment faire pour simuler le contact avec le patient ? De toute façon, l'étude peut bien montrer que le CT obtient plus de résultats que les cassettes de relaxation ou que rien du tout. Ce qu'elle ne peut prouver, c'est que les effets du CT ne sont pas la conséquence de l'effet placebo : toutes les infirmières savent que quelques gestes et quelques mots d'encouragement en feraient tout autant.

Comme l'étude n'est pas arrivée à son terme, il n'y a pas de publication décrivant la façon dont les patients ont reçu leur traitement, la durée de l'étude, les outils qui en ont mesuré l'efficacité, etc. Mais rien de tout ça n'a vraiment d'importance, puisque l'étude est mal conçue dès le départ.

Le CT serait moins contestable s'il abandonnait cette absurde affirmation à propos des énergies. Pour la plupart d'entre nous, ressentir un contact humain dans certaines situations produit un effet positif auquel nous sommes sensibles. Il serait pénible de n'avoir pas quelqu'un pour vous donner une bourrade amicale ou une étreinte quand on traverse des épreuves dans la vie. Il n'est pas douteux que ces traitements sont bien acceptés et bénéfiques dans de nombreux cas, mais ce n'est qu'une superstition de croire qu'on puisse manipuler des énergies immatérielles et que ces manipulations permettent au corps de guérir par lui-même. Aussi longtemps que le CT est dispensé comme un mode de relaxation et ne remplace pas la chimiothérapie ou d'autres traitements de la médecine scientifique, ce n'est pas gênant. Pourquoi priverait-on quelqu'un d'un traitement qui le soulage ? Autant que les tenants du CT, chacun peut être sensible à ce témoignage d'un patient cancéreux :

« Après chaque séance, je me sens totalement détendu...avec l'impression de vivre intensément l'instant présent. Si je débute la séance avec un millier d'idées se bousculant dans ma tête, toutes ont disparu après la séance. Je me sens débarrassé d'un fardeau. C'est également une réelle satisfaction d'avoir quelqu'un qui se consacre à moi, attentif à mes besoins et à ce que j'éprouve à cet instant. » *

On pourrait obtenir un effet équivalent sans abuser les gens en leur faisant croire que le traitement implique de mystérieuses énergies manipulées par des spécialistes expérimentés. Pourquoi ne pas l'appeler simplement thérapie de relaxation ?

***

Janet Mentgen

Le CT est l'idée d'une infirmière américaine du Colorado, Janet Mentgen. En 1990, elle créée un diplôme de CT. En 1993, elle ouvre le Centre du Colorado pour le CT. En 1996, elle fonde le Contact Thérapeutique International, puis l'année suivante, la Fondation Universelle pour le Contact Thérapeutique, deux organisations à but non lucratif. À sa mort en 2005, elle est propriétaire des droits du Programme pour le Contact Thérapeutique, qu'elle lègue à ses enfants. Ce programme est appliqué dans les hôpitaux, les maisons de retraite, les écoles d'infirmières et les services de long séjour à travers le monde.

Pour avoir autant de succès, le CT doit soulager beaucoup de ses utilisateurs, mais il en va de même pour l'acupuncture, l'homéopathie, la médecine ayurvédique, et beaucoup d'autres thérapies énergétiques qui fonctionnent par suggestion, relaxation et autres aspects de l'effet placebo. Au XVIIIe siècle, Franz Anton Mesmer découvrit les principes de base du traitement par placebo. Il avait convaincu les nobles parisiennes qu'il était capable de les soigner de tous leurs maux en exploitant une force ou énergie qu'il appelait magnétisme animal. Il y avait autant de preuves en faveur du magnétisme animal qu'il y en a pour la prétendue manipulation de l'énergie par les thérapeutes du CT. Mesmer ne faisait qu'agiter les mains en l'air et les nobles dames pouvaient percevoir l'énergie curative. Le roi Louis XVI chargea alors l'Académie des Sciences d'examiner les allégations de Mesmer sur ses guérisons apparemment miraculeuses. En plus de Benjamin Franklin, le groupe comprenait Antoine Lavoisier, le maire de Paris Jean Bailly et le Dr Joseph Guillotin, promoteur de la guillotine. La commission conclut qu'il n'y avait pas de preuve du magnétisme animal, et que les guérisons qu'on lui attribuait découlaient soit de l'évolution naturelle de la maladie, soit provenaient d'une auto-suggestion.

On sait maintenant que de telles guérisons sont dues à l'intrication complexe d'actions nommée, de façon globale, effet placebo. En plus des effets psychologiques et du ressenti subjectif du malade, des études ont établi qu'on peut évaluer les effets physiologiques provoqués par des facteurs tels la croyance du patient en un traitement censément efficace, sa relation avec des thérapeutes professionnels soi-disant compétents, sa ferme volonté en la réussite du traitement et du soulagement par relaxation, et son souhait de faire plaisir au soignant.

Le toucher thérapeutique peut apporter un soulagement au patient mais la méconnaissance de son effet placebo ouvre la porte au charlatanisme.

 

Voir également: Chakras, Chi, Médecine marginale, Médecines parallèles, Prana, Vitalisme.

Dernière mise à jour le 23 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary