LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

Andrew Wakefield

De nos jours, où que ce soit dans le monde, les maladies infantiles font moins de victimes qu'à n'importe quelle autre époque de notre histoire. Aujourd'hui, environ 80 % des enfants sont vaccinés contre des maladies mortelles telles que la rougeole et la polio, comparativement à 20 % seulement au début des années 1980.*
 
On a estimé à 30 à 40 millions le nombre de cas de rougeole en 2000, pour quelque 777 000 décès.*
 
On pense que l'immunisation sauve quelque neuf millions de vies par l'année partout dans le monde. Chaque année, on pourrait éviter seize millions de décès supplémentaires par l'utilisation de vaccins contre les maladies pouvant être prévenues par ce moyen.*
 
«Les responsables de la santé sont d'avis que des campagnes énergiques de vaccination des jeunes enfants contre la rougeole ont entraîné une baisse de 74 % des décès causés par cette maladie dans le monde [entre 2000 et 2007]. Selon les experts, 90 % de cette baisse s'est produite dans les régions de l'est de la Méditerranée.»* En Angleterre et au Pays de Galles, les cas de rougeole ont crû de 36 % en 2008.* Le nombre de cas de rougeole a plus que doublé par rapport à l'année précédente, au cours de la première moitié de 2008 aux États-Unis.*
 

Gastro-entérologue autrefois associé au Royal Free Hospital de Londres qui a sonné l'alarme au sujet d'un lien possible entre le vaccin ROR (vaccin antirougeoleux, antiourlien et antirubéoleux), l'autisme et la maladie intestinale chez l'enfant dans un article publié par The Lancet en 1998. L'article était précédé du titre imposant de «Hyperplasie iléale, lymphoïde et nodulaire, colite non spécifique et trouble de développement profond chez les enfants». La plupart des scientifiques ont rejeté le travail de Wakefield, y compris une recherche antérieure publiée en 1993, en raison de son caractère inadéquat et de dangereux. Le travail de 1998 ne portait que sur 12 enfants. Les deux «études» avaient été:

menées sur un groupe de patients qu'on avait envoyés en consultation pour des problèmes gastro-intestinaux et qu'on avait triés sur le volet. Les études ne comportaient aucun groupe de contrôle ni masquage, et rien n'y avait prévu au sujet de l'étiologie ni des lésions. Les sources potentielles de biais y étaient nombreuses. Par exemple, l'établissement d'un lien entre le vaccin et l'autisme se fondait principalement sur le souvenir des parents, or ceux-ci sont susceptibles d'établir un tel lien entre un changement de comportement chez leur enfant et des événements marquants comme la vaccination, introduisant ainsi un biais «mémoire». Une telle analyse de cas ne peut déterminer l'existence de liens de causalité. Qui plus est, l'apparition de l'autisme et le vaccin ROR peuvent sembler liés dans le temps simplement du fait que les parents font part de leurs inquiétudes au sujet du développement de leur enfant quand il atteint en moyenne 18 ou 19 mois; la plupart des enfants reçoivent le vaccin avant leur deuxième anniversaire.*
Andrew Wakefield

Une enquête du journaliste Brian Deer a permis de découvrir que deux ans avant la publication de son rapport de 1998, Wakefield avait commencé à recevoir de l'argent de la part d'un groupe d'avocats menés par Richard Barr, qui désiraient intenter des poursuites contre des fabricants de vaccins. Des 3,4 millions de livres ainsi distribuées à des médecins et scientifiques, Wakefield a reçu 435 643 £ en rémunération et 3 190 £ pour couvrir ses dépenses.* Deer a également appris qu'en 1997, Wakefield avait fait une demande de brevet pour un vaccin antirougeoleux au nom de l'école de médecine du Royal Free Hospital et de la Neuroimmuno Therapeutics Research Foundation, entreprise privée appartenant au professeur H. Hugh Fudenberg, immunologiste non conventionnel de Spartanburg, en Caroline du Sud. (En 2004, Fudenberg a raconté à Deer qu'il avait guéri des enfants autistes avec sa propre moelle osseuse.) Le vaccin de Wakefield aurait été un concurrent potentiel du vaccin ROR et des vaccins antirougeoleux à dose unique. Le coup final a été porté quand on a constaté que Wakefield avait trafiqué ses données.

En 2004, 10 des 12 auteurs du rapport de 1998 (John Linnell, le 11e auteur, n'ayant pu être rejoint) ont fait la déclaration suivante:

Nous désirons insister sur le fait que dans le rapport [de 1998], aucun lien causal n'était établi entre le vaccin ROR et l'autisme, les données étant insuffisantes. La possibilité d'un tel lien y était néanmoins soulevée, et les événements subséquents ont eu une incidence importante sur la santé publique. De ce fait, nous croyons qu'il est maintenant approprié pour nous de nier l'interprétation tirée des conclusions de cette recherche.

Deux ans avant d'être désavoué par ses anciens collègues, Wakefield a comparu devant un groupe du Congrès américain présidé par le Républicain Dan Burton au sujet du lien entre les vaccins et l'autisme. Il a alors affirmé avoir étudié une foule d'autres enfants depuis son article de 1998, ce qui lui avait permis «d'identifier presque 150 cas où le vaccin ROR avait déclenché l'autisme».* L'anatomopathologiste irlandais John O'Leary a également témoigné. Wakefield avait auparavant cité le travail de O'Leary, dans lequel il affirmait avoir découvert de nombreux cas où le virus de la rougeole était présent chez des enfants souffrant de troubles intestinaux. Selon O'Leary, «l'hypothèse de Wakefield était correcte». Après qu'un tribunal irlandais lui a ordonné de produire ses données brutes afin qu'elles soient évaluées par des experts, O'Leary a déclaré: «Je n'ai jamais cherché à prouver que le vaccin ROR causait l'autisme. Je désirais plutôt me pencher sur une maladie intestinale nouvellement découverte chez les enfants autistes. Dans notre article de Molecular Pathology, nous avons décrit une association entre la présence du virus de la rougeole et une nouvelle variante de la maladie intestinale inflammatoire. Nous n'avons jamais prétendu qu'il s'agissait d'un lien causal, et d'ailleurs, je l'ai répété sans hésiter au grand public par des communiqués de presse. J'ai toujours encouragé les parents à faire vacciner leurs enfants et je continuerai de le faire. Les conseils que j'ai donnés ont toujours correspondu aux conclusions de mes études: je n'ai jamais cessé de préconiser la vaccination des enfants et l'utilisation du vaccin ROR».* De graves questions ont été soulevées à propos de la fiabilité du travail de O'Leary, quand même certains sujets de son groupe de contrôle ont présenté des traces du virus de la rougeole.

Mercure et panique aux USA

De l'autre côté de l'Atlantique, on fomentait une peur différente: celle voulant que le mercure empoisonne y les enfants et cause de nombreux troubles neurologiques, y compris l'autisme. Le 7 juillet 1999, l'American Academy of Pediatrics (AAP) et le Service public de santé des États-Unis publiaient un avertissement relatif au thimérosal, agent préservatif contenant de l'éthylmercure présent dans de nombreux vaccins. Dans une déclaration conjointe, les deux organismes soulignaient qu'«il n'y a aucune donnée ni preuve relative aux dommages» causés par le thimérosal. L'AAP soulignait cependant que l'exposition cumulative des enfants au mercure venant des vaccins «dépasse l'une des lignes directrices fédérales» relatives au mercure. Les nourrissons recevant l'ensemble de leurs vaccins pouvaient ainsi être exposés à une dose cumulative d'éthylmercure aussi élevée que 187,5 μg avant l'âge de six mois. Cette valeur dépassait la limite recommandée par l'Environmental Protection Agency (EPA), sans toutefois aller au-delà de ce que recommandait l'Agency for Toxic Substances Disease Registry (ATSDR) ou la FDA. Il faut ici rappeler que «les lignes directrices de l'EPA étaient basées en partie sur des données à propos de femmes enceintes de la campagne irakienne exposées à de grandes quantités de méthylmercure».*

Aux USA, la crainte des vaccins contenant du thimérosal s'inscrivait au sein d'une peur encore plus grande relative à l'ingestion de mercure, y compris la peur de consommer du poisson contenant du méthylmercure. La FDA, qui réglemente la vente de poisson exploité de façon commerciale, établit un «seuil d'intervention» d'une partie de méthylmercure par million. C'est «environ 480 microgrammes de méthylmercure par 450 grammes de poisson».* L'EPA, quant à elle, qui ne réglemente pas la consommation de poissons de pêche commerciale, établit une «dose référence» selon laquelle on peut s'exposer à 0,1 microgramme par kilogramme de poids corporel par jour, ce qui correspond en gros à «5 à 7 microgrammes par jour pour un sujet de 45 à 70 kilos».*

La déclaration de l'AAP ne faisait aucune mention de l'autisme.* Elle ne précisait pas non plus que le thimérosal contient de l'éthylmercure, et que les lignes directrices fédérales portent sur le méthylmercure.* Le méthylmercure est absorbé plus rapidement et reste dans l'organisme plus longtemps que l'éthylmercure, il est donc beaucoup plus dangereux.* Ni les médias ni le grand public n'ont remarqué la différence, cependant, et le mouvement antivaccination a ainsi reçu un fier coup de main de la part de l'AAP. En 2001, on a retiré le thimérosal de la plupart des vaccins destinés aux enfants à titre de «mesure de précaution».*

Wakefield et les épidémies de rougeole

Pour autant que l'on sache, Wakefield n'a jamais cherché à profiter des craintes entourant le thimérosal. Si on a considéré son travail comme dangereux, c'est parce qu'on y a vu l'une des sources de l'hystérie antivaccination responsable en partie de l'épidémie de rougeole en Irlande: plus de 1600 cas et trois décès ont été signalés en 2000, surtout dans la région de Dublin. Dans certaines partie de la ville, le taux de vaccination avait chuté à 63 %, et il était tombé à 72 % au niveau national.* On n'a pas rejeté le vaccin ROR uniquement à cause des craintes suscitées par Wakefield, toutefois. Le rejet du vaccin constituait un problème persistant dans certaines régions d'Irlande, mais les responsables de la santé publique ont considéré que la résurgence soudaine du nombre de cas de rougeole (de 30 à 100 en six semaines) était due aux craintes répandues par des reportages de nombreux médias sur les dangers potentiels du ROR.

D'autres épidémies ont été attribuées au mouvement antivaccination que Wakefield et ses collègues ont favorisé par leurs déclarations et la façon dont ces affirmations ont été reprises par la presse et le public. La crainte de contracter l'autisme ou une inflammation de l'intestin à cause du ROR a été vécue très intensément au Royaume-Uni. (L'inflammation de l'intestin, pour autant qu'on le sache, n'a jamais été exploitée par le mouvement antivaccination des USA, qui a centré ses craintes d'abord sur la présence de mercure, puis, une fois cette substance retirée des vaccins, sur des maux de nature imprécise venant de la quantité de vaccins administrés aux enfants.)

Même si de nombreuses études scientifiques n'a permis de découvrir de lien entre les vaccins, l'autisme ou d'autres troubles, plusieurs flambées de rougeole, de polio et de coqueluche attribuables à une baisse du taux de vaccination chez les enfants sont survenues dans des pays industrialisés.* D'autre part, le nombre d'enfants chez qui on diagnostique l'autisme a augmenté en même temps que celui des enfants non vaccinés. Curieusement, aucune voix ne s'est élevée pour dire que ne pas vacciner les enfants cause l'autisme... En toute justice à l'égard de Wakefield et des opposants à la vaccination, il faut remarquer que même avant la publication de l'étude du gastro-entérologue, les taux de vaccination connaissaient une baisse. On a déjà mentionné le cas de l'Irlande. Aux États-Unis, il y a toujours eu un groupe de personnes dont les convictions religieuses les ont poussées à rejeter la vaccination. En 2009, le Dr Dora Mills, directrice du Maine Center for Disease and Prevention, a déclaré que dans l'état du Maine, on voyait depuis quelques temps de plus en plus de parents signer les formulaires exemptant leurs enfants de la vaccination pour des raisons philosophiques ou religieuses.* Plusieurs états des États-Unis permettent de telles exemptions pour des groupes religieux qui considèrent la vaccination comme contraire à leurs croyances. En 1997, l'Australie a lancé une grande campagne pour faire croître les taux de vaccination. Le gouvernement fédéral y a commencé à remettre des allocations de maternité aux mères qui faisaient administrer tous les vaccins nécessaires à leurs enfants avant l'âge de 18 mois, tout en liant le versement de l'indemnité de garde d'enfants à l'état vaccinal.* Quatre-vingt-dix-sept pour cent des parents australiens étaient en faveur de l'immunisation, mais seulement 53 pour cent des enfants du pays étaient pleinement immunisés.

Wakefield responsable d'une baisse des taux de vaccination

Andrew Wakefield

Quoiqu'il en soit, il y a maintenant une croyance répandue aux USA, au Royaume-Uni et dans d'autres pays industrialisés voulant que les vaccins représentent un danger pour les enfants. Cette croyance est due en partie à la peur engendrée par les reportages des médias sur le travail de Wakefield et à la propagande des groupes de défense des parents qui affirment que le vaccin ROR cause l'autisme. Autant Wakefield que ces groupes se sont adressés directement aux médias et aux tribunaux, faisant fi, en bonne partie, des preuves scientifiques de plus en plus nombreuses montrant qu'il n'y a aucun lien entre le vaccin et l'autisme ou d'autres troubles neurologiques. Les médias se sont montrés plus qu'obligeants à leur égard. Il s'en est suivi que davantage de parents ne font plus vacciner leurs enfants, et que les vaccins ROR ne contiennent plus de mercure, et ce, malgré les preuves absolument claires qu'il n'y a aucun lien causal entre l'autisme et les vaccins, avec ou sans thimérosal. Beaucoup d'enfants ne sont plus protégés contre des maladies évitables. Bien sûr, aucun vaccin n'est efficace à 100 %, et même les enfants vaccinés courent un risque accru parce qu'ils profitent moins de l'effet d'immunisation de masse. Après que The Lancet a publié le fameux rapport, le taux d'inoculation au Royaume-Uni est passé de 92 % à moins de 80 %. (Le niveau accepté internationalement pour le contrôle de la rougeole est de 95 %.*) En 2008, il y a eu 1348 cas confirmés de rougeole en Angleterre et au Pays de Galles, comparativement à 56 en 1998. Deux enfants sont morts de la maladie.* À Londres, les dossiers du National Health Service montrent que seulement 49 % des enfants ont reçu la première et la deuxième dose du vaccin ROR avant l'âge de cinq ans.

En 2002, Wakefield a déclaré à la presse: «Malgré la résurgence de la rougeole en Angleterre et en Écosse, mon étude originale est justifiée». On a prié Wakefield de quitter son poste au Royal Free Hospital de Londres, et il est devenu administrateur de Visceral, le seul organisme philanthropique d'Europe qui se consacre à réunir des fonds pour enquêter sur des liens possibles entre la vaccination infantile, l'autisme et les troubles intestinaux. Wakefield a refusé de se dédire, et a même prédit que les responsables des soins de santé pourraient faire l'objet de poursuites de la part de parents.

Si jamais survient une épidémie de rougeole et qu'un vaccin à dose unique n'est pas rendu disponible, menant au décès d'un enfant non vacciné, les membres de ce comité seront tenus responsables du point de vue juridique.

Wakefield persiste et signe

Comme on l'a expliqué précédemment, un groupe d'avocats qui tentaient de démontrer que le vaccin ROR n'était pas sûr a remis plus de 400 000 £ à Wakefield. Cette somme faisait partie des 3,4 millions de livres puisées dans un fond d'aide juridique pour les médecins et scientifiques qu'on avait recrutés pour appuyer une poursuite, rejetée depuis, contre les fabricants de vaccins.* Au moment où il a fait paraître son rapport de 1998 dans The Lancet, Wakefield avait déjà reçu 55 000 £ pour rechercher des liens entre le vaccin et des troubles divers. Il n'a pas divulgué à The Lancet qu'on l'avait payé pour discréditer le ROR ni qu'il avait présenté une demande de brevet pour un vaccin concurrent. Richard Horton, rédacteur en chef du Lancet, a déclaré qu'il n'aurait jamais publié la recherche de Wakefield s'il avait été au courant d'un tel conflit d'intérêts. Wakefield n'a montré aucun signe de remords. Il a retenu les services d'un avocat et a exigé une excuse de la part du journal scientifique, sans succès.

En 2004, le Conseil médical général de Grande-Bretagne a lancé son enquête à propos des allégations d'inconduite professionnelle formulée contre Wakefield et deux de ses anciens collègues. Trois ans plus tard, on retrouve Wakefield au Texas, où il travaille dans une clinique de traitement de l'autisme en attendant que commence l'audience du Conseil. Entre temps, il a choisi de poursuivre la chaîne de télé Channel 4, la maison de production 20-20 Productions et le journaliste du Sunday Times Brian Deer pour libelle diffamatoire. Il a cependant fini par abandonner la poursuite pour se concentrer, selon ses dires, sur l'enquête à venir du Conseil. L'enquête de Deer avait révélé que Wakefield n'avait pas précisé à The Lancet que certains des enfants qui avaient pris part à sa recherche avaient également été des sujets dans une autre étude financée par l'aide juridique pour savoir s'il n'y aurait pas moyen de poursuivre les fabricants de vaccins.

Comme on l'a déjà dit, on a découvert en 2009 que Wakefield avait trafiqué certaines de ses données. À propos du rapport de 1998, le Sunday Times a expliqué:

... notre enquête, confirmée par la preuve présentée devant le Conseil médical général, montre que dans la majeure partie des 12 cas, les problèmes de santé attribués aux enfants décrits dans The Lancet différaient de ce qu'on retrouvait dans leur dossier hospitalier ou le dossier de leur omnipraticien. La recherche laissait entendre que ces problèmes s'étaient déclarés quelques jours seulement après l'inoculation, mais les données médicales montrent que la chose n'a été vraie que dans un seul cas. Dans bien d'autres, des préoccupations d'ordre médical avaient été soulevées avant la vaccination. Les anatomopathologistes hospitaliers qui ont cherché des signes de maladie intestinale inflammatoire ont signalé que dans la majeure partie des cas, l'intestin était normal. La recherche publiée par The Lancet montrait pourtant le contraire.

En février 2009, l'enquête du Conseil sur Wakefield et ses deux collègues durait encore, et Wakefield travaillait toujours à la clinique du Texas, Thoughtful House.

Le rôle des médias

Comment une étude aussi piètrement menée (laissons de côté les données trafiquées) a-t-elle pu connaître autant de résonance? Le Dr Ben Goldacre pense avoir la réponse:

... dans cette histoire, les journaliste et rédacteurs en chef ont perpétré le plus grand canular de l'histoire, réussissant en fin de compte à montrer le grave risque qu'ils représentent pour la santé publique. Pourtant, il faut également tenir compte de beaucoup de détours inattendus: les journalistes spécialisés dans les questions de santé eux-mêmes ne sauraient être blâmés; l'ampleur des préjugés de la couverture médiatique dépassait tout ce à quoi on pouvait s'attendre; Leo Blair a compté davantage que Wakefield, et tout est arrivé beaucoup plus tard qu'on pourrait le penser.

Goldacre fait valoir que les préoccupations relatives aux vaccins diffèrent selon les pays. La diversité des mouvements de panique antivaccination illustre comme elles reflètent «les préoccupations politique et sociales locales bien plus qu'un véritable évaluation des données relatives au risque». Quand Wakefield a commencé à faire connaître ses prétentions en 2001 et 2002, il affirmait que son travail sur des échantillons de tissu montrait que les enfants présentant des problèmes intestinaux ou souffrant d'autisme étaient infectés par le virus de la rougeole. Il a bénéficié d'une «immense attention de la part des médias» au sein de laquelle «des anecdotes remplies d'émotions venant de parents en détresse étaient confrontées aux explications de vieux professeurs chenus sans aucune habitude des médias».

Non seulement le bureau de presse du Collège royal des omnipraticiens n'a pas réussi à expliquer clairement les preuves existantes, mais il a également donné les noms d'omnipraticiens opposés au vaccin ROR aux journalistes qui téléphonaient pour obtenir des citations. Journaux et célébrités ont commencé à se servir du vaccin comme arme pour contester le gouvernement et le ministère de la santé, ce qui était d'autant plus facile qu'ils pouvaient compter sur un porte-parole charismatique en lutte contre le système...

Quand des journalistes ont demandé au Premier ministre de Grande-Bretagne et à son épouse s'ils avaient fait vacciner leur fils Leo, les Blair ont refusé de répondre, laissant ainsi passer la chance de dire ce qu'il en est vraiment de l'innocuité des vaccins infantiles et de la nécessité de la vaccination. Dans ce cas, cependant, le silence n'était pas d'or, et l'on n'a pas considéré non plus que le couple cherchait à protéger la vie privée de leur enfant. Certains en ont conclu que ce type, Wakefield, avait peut-être raison, tout compte fait. Il faut toutefois se rappeler que Cherie Blair porte des cristaux pour se protéger des rayons nocifs. Sylvia Caplin, la meilleure amie de sa mère, était «un gourou nouvelâgeux particulièrement hostile au vaccin ROR ('pour un petit enfant, le ROR est une mesure parfaitement ridicule. C'est sans aucun doute une cause de l'autisme' a-t-elle raconté au Mail)». Les Blair étaient également associés à Jack Temple, un guérisseur Nouvel Âge «qui offrait des séances de radiesthésie à l'aide de cristaux, des consultations d'homéopathie, une thérapie par cercle néolithique dans des jardins de maisons de banlieue, de même que des conseils quant à des techniques d'allaitement qui, selon lui, rendaient les vaccins inutiles».

En 2003, le Conseil sur la recherche sociale et économique a publié un rapport sur les médias et la compréhension qu'a le public des questions scientifiques. On y recensait les principales nouvelles à caractère scientifique durant la période allant de janvier à septembre 2002, soit au plus fort de la panique relative au vaccin ROR. On a ainsi découvert que 32 % des articles écrits au cours de cette période au sujet du ROR mentionnaient Leo Blair, alors que Wakefield ne figurait que dans 25 % d'entre elles. Leo Blair aurait donc été considéré comme plus important que Wakefield.

Selon Godlacre, les médias britanniques ont «déformé les preuves scientifiques ou les ont expliquées de façon sélective en laissant entendre que le vaccin ROR présentait des risques, et en faisant constamment fi des preuves du contraire».

Des personnalités connues contribuent à répandre la peur

Aux États-Unis, les choses ont été bien pires à cause des nombreuses déclarations fort médiatisées de certains parents, des célébrités comme Jenny McCarthy (à qui Oprah Winfrey a donné la parole sans réplique) et des grands noms comme Robert F. Kennedy Jr., qui répété sur tous les tons que le vaccin ROR causait l'autisme. Après le retrait du thimérosal des vaccins, on s'est mis à insister sur les dangers d'empoisonnement au mercure et sur la quantité de vaccins que doivent recevoir les enfants, ou alors, on a lancé la spéculation selon laquelle certains enfants, impossibles à identifier à l'avance, sont «particulièrement sensibles» aux vaccins.

Certains croient qu'on affaiblit le système immunitaire des enfants par la vaccination, ce qui les rend plus vulnérables à la maladie plus tard au cours de leur vie. Le site Web Quackwatch à fait de cette affirmation son Mythe no 7. Par exemple, certaines personnes pensent qu'une «surcharge vaccinale» est la cause de l'asthme ou des problèmes respiratoires dont souffre leur enfant.

En fait, les nourrissons présentent, dès la naissance, la capacité de lutter contre un grand nombre de germes différents. Le corps est constamment en contact avec des germes, et il doit pouvoir réagir contre eux de différentes façons. L'avantage qu'il y a à être immunisé par la vaccination plutôt qu'en contractant la maladie même vient de ce que les vaccins n'utilisent qu'une partie du germe, ou alors, un germe entier qu'on a atténué ou neutralisé. De la sorte, le système immunitaire est sollicité un peu moins, mais toute de même juste assez pour produire la protection nécessaire.
 
En 2002, le Comité d'examen de la sécurité en matière d'immunisation de l'American Institute of Medicine s'est livré à un examen détaillé des données scientifiques relatives à l'effet de la vaccination répétée sur le système immunitaire des bébés. Les experts ont tous conclu que rien ne prouve qu'un grand nombre de vaccins peut perturber le système immunitaire. Ils recommandaient fortement que l'on continue de vacciner les enfants contre un grand nombre de maladies...
 
Retarder la vaccination signifie que les bébés demeureront sans protection plus longtemps que nécessaire, ce qui pourrait être particulièrement néfaste dans les cas de coqueluche et d'hemophilus influenzae B. Les très jeunes bébés qui contractent la coqueluche sont susceptibles d'être plus gravement malades que des enfants plus âgés, et d'avoir davantage besoin de soins hospitaliers. Également, les bébés de moins de un an sont plus susceptibles de contacter l'hemophilus influenzae B que les enfants plus âgés. Des études ont montré que lorsqu'on les vaccine très tôt, les bébés présentent moins de réactions comme la fièvre, de la douleur aux points d'infection, et autres, tout en profitant de la protection qu'offre le vaccin.*

De nombreuses études soigneusement conçues ont examiné les affirmations que les vaccins causent des maladies chroniques comme l'asthme, la sclérose en plaques, l'arthrite chronique, le diabète et le syndrome de la mort subite du nourrisson. Elle n'ont pas permis de découvrir de preuves contraignantes à ce sujet.*

Médias et politiciens étasuniens durant la vague de panique

Les journalistes ne possèdent que rarement une formation en médecine et commettent trop souvent l'erreur de tomber dans la pseudo-symétrie, qui pousse à présenter les positions de factions minoritaires ou de contradicteurs comme si elles étaient d'égale valeur par rapport au consensus s'appuyant sur la prépondérance de la preuve scientifique. On nous présente une telle pratique comme une question d'équité, quoiqu'elle relève sans doute davantage de l'ignorance, de la paresse ou du désir de ne pas aller à l'encontre des croyances populaires. Après tout, on n'a jamais entendu parler d'un journaliste qui donnait un point de vue différent à propos de l'attraction universelle, ou qui se sentait en devoir de faire un reportage sur la version des faits d'un pédophile notoire.

Les politiciens étasuniens, dont beaucoup n'ont pas suivi l'histoire du thimérosal, n'ont pris aucun risque lorsqu'on leur a posé des questions sur le sujet. Aux États-Unis, les hommes ou les femmes politiques ne disent jamais «Je n'en sais rien; je n'ai pas étudié la chose». Dans le doute, ils invoquent le principe de précaution, ce qui laisse au public l'impression qu'il y a peut-être matière à inquiétude, finalement. Le sénateur John Kerry en est un bon exemple. En 2006, il a raconté à l'animateur de télé Don Imus une anecdote entendue auprès d'un chauffeur de la compagnie UPS, père de jumeaux: peu après sa vaccination, l'un d'eux s'était révélé autiste, tandis que son frère jumeau, non vacciné, était resté indemne. Le conducteur blâmait le thimérosal. Kerry déclare: «pourtant, nous avons encore du mercure dans nos vaccins, partout au pays. C'est absurde. Je ne comprends pas. Nous devrions cesser...» Et Imus de renchérir: «nous savons que le thimérosal est une neurotoxine, et que c'est de l'éthyle de mercure, cinquante fois plus puissant que le mercure qu'on retrouve dans le poisson...» Ce qu'on retrouve dans le poisson, c'est du méthyle de mercure, habituellement exprimé en parties par million, ce qui rend difficile la comparaison entre les deux substances. Au moment où Kerry et Imus faisaient leurs déclarations irréfléchies, toutefois, le thimérosal avait été retiré de la plupart des vaccins depuis cinq ans. On continue toute de même de manger du poisson...*

Aux États-Unis, il existe une tactique encore plus en faveur auprès des politiciens: se défiler parce qu'une question se trouve devant les tribunaux. Il y a eu tant de cas (environ 5000) de poursuites de la part de parents qui accusaient les vaccins d'avoir causé l'autisme chez leurs enfants qu'une cour fédérale spéciale a été créée expressément pour les entendre. En 2007, un premier jugement appelé à faire jurisprudence est tombé. Le juge s'est prononcé en faveur des parents, malgré le fait qu'on n'avait jamais diagnostiqué l'autisme chez l'enfant en question. Deux ans plus tard, toutefois, en février 2009, le tribunal s'est prononcé à nouveau dans une autre cause type et a déclaré que la vaccination ne causait pas l'autisme. Il semble bien que cette fois-là, les juges se soient penchés sur la preuve, qui montrait clairement comment Wakefield et les groupes de parents s'en prenaient à tort aux vaccins. Wakefield, les journalistes et les célébrités qui continuent leur campagne antivaccination trompent le public, et à leur tour, bien des pères et des mères pourraient causer un tort irréparable à ceux qu'ils aiment en suivant les conseils de gens qui font systématiquement fi de ce que montre clairement l'ensemble de la preuve.

 


Voir également :
Mouvement antivaccination.

Dernière mise à jour le 25 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary