LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

Déni du sida

«... le magazine Continuum, qui appartenait à des séropositifs dissidents, a dû fermer lorsque ses rédacteurs en chef sont tous morts de maladies liées au sida.»*
 

Rejet de l'existence des données montrant clairement que le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) cause le syndrome d'immunodéficience acquis (sida). Dans les milieux scientifiques, on s'entend sur le fait que le sida a fait plus de 25 millions de victimes partout dans le monde, et que le VIH cause le sida. (Voir Viviana Simon et autres, «HIV/AIDS epidemiology, pathogenesis, prevention, and treatment», Lancet, 5 août 2006, pages 489-504).

On a justifié une telle attitude de plusieurs façons:

  1. Le sida n'est pas une maladie bien définie mais plutôt un construit sociopolitique (Culshaw), ou encore, un seul concept  recouvrant de nombreuses maladies;
  2. On n'a jamais isolé le VIH sous sa forme pure, si bien que son existence est aussi douteuse que la validité des tests de dépistage du virus;
  3. Il n’y a jamais eu d’essais contrôlés adéquats montrant que les traitements antirétroviraux produisent des améliorations cliniques de l'état des patients, et encore moins qu'ils prolongent leur vie;
  4. On n'a jamais prouvé l'existence du VIH, les tests servant à son dépistage ne sont pas fiables, et il n'y a aucune preuve que le virus se transmette par voie sexuelle (Papadopulos-Eleopulos);
  5. Le VIH existe, mais il est inoffensif (Duesberg, entre autres);
  6. Le VIH n'est pas transmis sexuellement et ne cause pas le sida (Henry Bauer, entre autres);
  7. Les compagnies pharmaceutiques savent que les antirétroviraux sont inefficaces dans le traitement du sida, et qu'ils propagent plutôt la maladie (Rath et Farber);
  8. Les cas mortels de sida sont causés par la malnutrition, les narcotiques et les médicaments antirétroviraux.

Parmi ceux qui contestent ce qui touche au VIH/sida, les plus connus sont Henry Bauer, professeur de chimie à la retraite et auteur (The Origin, Persistence, and Failings of HIV/AIDS Theory 2007); Hiram Caton, éthicien et professeur à la retraite de science politique et d’histoire (The AIDS Mirage 1995); Rebecca Culshaw, spécialiste en biologie mathématique (Science Sold Out: Does HIV Really Cause AIDS? 2007); Peter Duesberg, professeur de biologie moléculaire et cellulaire (Inventing the AIDS Virus 1997); Celia Farber, journaliste (Serious Adverse Events: An Uncensored History of AIDS 2006; «Out of Control: AIDS and the Corruption of Medical Science», Harper's, mars 2006, pages 37-52); Neville Hodgkinson, journaliste médical (AIDS: The Failure of Contemporary Science 1996); John Lauritsen, gestionnaire en étude de marché et analyste, ainsi que militant pour les droits des homosexuels (Poison by Prescription: The AZT Story 1990; The AIDS War: Propaganda, Profiteering, and Genocide from the Medical-Industrial Complex 1993; Death Rush: Poppers & AIDS Lauritsen & Wilson 1986; The AIDS Cult: Essays on the Gay Health Crisis Lauritsen & Young 1997); Christine Maggiore, séropositive qui travaillait dans le domaine de la publicité et du marketing (What If Everything You Thought You Knew about AIDS War Wrong? 2000); Gary Null, animateur radio et promoteur d’un mode de vie «naturel» (AIDS: A Second Opinion 2001); Eleni Papadopulos-Eleopulos, travailleuse hospitalière, bachelière en physique nucléaire de l’Université de Bucarest (The Perth Group); David Rasnick, biochimiste, créateur d’inhibiteurs de la protéase et chercheur principal à la Mathias Rath Health Foundation; Mathias Rath, MD; Rodney Richards, chimiste organicien et ancien employé chez Amgen; ainsi que Joan Shenton, journaliste médicale (Positively False: Exposing the Myths Around HIV and AIDS 1998).

On compte également beaucoup de sites Web comme Rethinking AIDS, Alive and Well, HEAL, et le site Web de la section sanfranciscaine d'ACT UP, qui demandait autrefois au gouvernement américain de financer la recherche sur le sida et qui écrit maintenant des lettres aux membres du Congrès pour qu’on mette fin au financement de cette recherche.* Dans le site Web, on peut lire que

Le VIH ne cause pas le sida...

Les tests de détection des anticorps du VIH ne sont pas fiables et présentent des dangers...

Les médicaments anti-sida sont de véritables poisons...

D'autres sections d’ACT UP ont condamné la section de San Francisco.*

Bien entendu, des sites Web américains s'opposent à ceux qui rejettent les connaissances scientifiques actuelles sur le VIH/sida: celui du National Institute of Allergies and Infectious Diseases, des Centers for Disease Control and Prevention, de www.aids.org, de AIDSTruth.org, ainsi que celui de la faculté de médecine de l'Université Southern Methodist. On compte également celui de l'Organisation mondiale de la santé.

Deux faits particulièrement intéressants ressortent lorsqu'on examine la liste des opposants: peu d'entre eux sont des scientifiques hautement qualifiés possédant des diplômes d'universités réputées, et aucun d'entre eux ne possède des qualifications en épidémiologie et a participé directement à la recherche sur le VIH ou le sida. Il n'y a guère que le Dr Culshaw pour avoir élaboré des modèles mathématiques de l'infection au VIH, le Dr Richards, qui a travaillé pour l'entreprise à l’origine de quelques-uns des premiers tests de détection d'anticorps du VIH, et le Dr Rasnick, qui a créé des inhibiteurs de la protéase semblables à ceux qu'on utilise maintenant dans les traitements anti-sida. Les opposants en sont arrivés à leur position principalement à partir de leur expérience personnelle et d'anecdotes, ou alors en s'inspirant de ce que d'autres ont publié avant eux. La première question à se poser dès lors doit être: pourquoi leur accorde-t-on la moindre crédibilité? Après quoi il faut se demander s’ils ont tiré les bonnes conclusions des anecdotes et données qu’ils utilisent, et s’ils ont picoré parmi les différents éléments de preuves qui existent.

En raison de leurs croyances, beaucoup d’entre eux recommandent aux sidéens des traitements à base de vitamines et d’herbes, des massages, de l’homéopathie, de même que toutes sortes de remèdes à l’efficacité douteuse.* Trois des plus éloquents à ce sujet sont Gary Null, David Rasnick et Mathias Rath, qui gagnent leurs vies en partie par la vente de vitamines et d’autres suppléments alimentaires. Il y a quelques années, on comptait parmi les négationnistes les plus en vue Thabo Mbeki, président de l’Afrique du Sud, Manto Tshabalala-Msimang, ministre de la Santé du même pays, et Anthony Brink, chef du Treatment Information Group (TIG), qu’il a fondé pour répandre sa croyance, à savoir que les antirétroviraux sont l’instrument d’un génocide. En pharmacologie, Brink est autodidacte. Ces dernières années, Mbeki a pris ses distances par rapport à lui.* Auparavant, Mbeki tirait une partie de ses informations sur le sida de l’Internet et de romans comme The Constant Gardener (Natrass, 2007). Il a également convié les négationnistes à se réunir dans son pays,* mais récemment, son parti (le Congrès national africain) a repris comme position officielle le consensus régnant au sein de la communauté scientifique.* Tshabalala-Msimang possède une certaine formation en médecine, en obstétrique et en gynécologie. Elle détient également une maîtrise en santé publique de l’Université d’Anvers. Aucun des négationnistes sud-africains n’a pris part à la recherche sur le VIH ou le sida, mais tous se sont montrés convaincus, à un moment ou à un autre, que les antirétroviraux étaient des poisons, et qu’il fallait leur préférer des choses comme l’ail et la betterave pour renforcer le système immunitaire et combattre le sida. Pour autant que l’on sache, Brink continue d’afficher de telles positions.

De nos jours, en Afrique du Sud, plus de cinq millions de personnes vivent avec le VIH, et environ mille personnes par jour meurent du sida.* La maladie a déjà fait deux millions de victimes, là-bas. En d’autres termes, environ le quart de la population d’Afrique du Sud vit avec le VIH ou est morte du sida. Les Sud-Africains assistent plus souvent à des funérailles qu’ils ne vont chez le coiffeur.* Les négationnistes n’ont guère réussi à influencer la communauté scientifique, mais ce qui s’est passé en Afrique du Sud montre qu’ils ont certainement été écouté à l’extérieur de cette communauté. Smith et Novela remarquent: «Comme ces contestations des théories les plus acceptées n’ont pas été formulées dans le cadre de publications scientifiques reconnues, beaucoup de médecins et de chercheurs ont eu le luxe de les traiter comme des croyances marginales ne prêtant que peu à conséquences» (2007). Ce genre de phénomène s’est déjà vu pour la recherche sur le paranormal, l’énergie libre (le mouvement perpétuel) et beaucoup de traitements médicaux ou psychologiques dits «parallèles». Prenons la pseudo-symétrie à l’œuvre dans les médias, ajoutons-y le fait que les scientifiques sont trop occupés dans leurs labos pour s’attarder à démolir les croyances farfelues qui courent un peu partout, et on obtient la combinaison idéale pour que surgissent des groupes de marginaux dépourvus de toute crédibilité auprès des experts, mais néanmoins susceptibles d’attirer l’attention de vastes pans de la société.

Pourquoi accorderait-on la moindre attention aux négationnistes? Presque aucun ne vient du domaine de la recherche sur le VIH/sida, et très peu d’entre eux ont des connaissances scientifiques. Des dizaines de milliers de chercheurs et de professionnels des soins de santé pourraient se tromper, mais il est tout de même insolite qu’aucun d’entre eux ne songe à gagner les rangs des négationnistes. Se peut-il qu’ils soient tous complices des grandes entreprises pharmaceutiques et qu’ils aient peur de perdre leur principale source de revenus? Pourquoi ceux des négationnistes qui sont des scientifiques, comme Henry Bauer, ne publient-ils pas leurs travaux dans des revues médicales? Y a-t-il complot pour faire taire tous ceux qui vont à contre-courant dans le milieu? C’est peu probable. On doit plutôt soupçonner que si les négationnistes obtiennent autant d’attention, c’est qu’ils lancent des messages réconfortants à un public rempli d’appréhensions et méfiant à l’égard de la science, des grands compagnies pharmaceutiques et des gouvernements. Voilà un message susceptible de plaire à ceux qui refusent de croire que la transmission du VIH est liée à un certain style de vie, ou qu’ils devraient employer un condom quand ils font l’amour. C’est également un message intéressant pour les séropositifs qui ne veulent pas croire qu’ils sont condamnés à mort.

Mais existe-t-il la moindre preuve permettant d’accorder un tant soit peu de crédit aux négationnistes? C’est fort peu probable. Par exemple, Maggiore prétend que puisque les effets du sida peuvent être causés par des facteurs autres que le VIH, ce n’est pas ce virus qui cause le sida. Eh oui... bien d’autres choses que la cigarette causent le cancer du poumon, donc le cancer du poumon n’a rien à voir avec la consommation de tabac. Elle affirme aussi qu’il y a beaucoup de diagnostics de sida erronés, mais ses arguments sont spécieux.* Le consensus existant ne dit nullement que le VIH est absolument nécessaire pour que se déclarent des maladies définissant le sida, telles que le sarcome de Kaposi, la pneumonie à Pneumocystis carinii, la diarrhée, la leucoplasie chevelue de la cavité buccale, la dyplasie cervicale et ainsi de suite. Il ne dit pas non plus que souffrir d’une maladie définissant le sida suffit pour qu’on pose un diagnostic de sida.

L’affirmation qu’il n’y a aucune preuve clinique que l’AZT ou les autres antirétroviraux sont efficaces contre le sida est tout bonnement fausse.* L’une des premières études à montrer l’efficacité de l’AZT a été menée par des chercheurs si vivement désireux de prouver que la prière pouvait allonger l’espérance de vie des sidéens qu’ils n’ont même pas mentionné que si aucun de leurs patients n’était mort durant l’étude, c’était probablement parce qu’ils avaient tous reçu des antirétroviraux.* Le fait qu’un sidéen puisse souffrir de l’administration de l’AZT n’a rien à voir avec l’efficacité réelle du médicament contre le sida.

L’affirmation que la corrélation entre le VIH et le sida demeure illusoire n’a rien de vrai, et ne semble plausible que lorsqu’on utilise de façon sélective certains rapports et des anecdotes.*

En fait, les preuves montrent sans aucun doute possible que le VIH cause le sida*, et que «les rapports sexuels entre personnes de sexes différents sont maintenant à l’origine de 70 % à 80 % de toutes les transmissions du VIH partout dans le monde».* L’affirmation que la crise du sida en Afrique est causée par la pauvreté, ou qu’il n’y a pas de crise du sida en Afrique constitue une fausseté, basée sur l’omission ou la déformation de preuves.*

Henry Bauer commence son livre, The Origin, Persistence, and Failings of HIV/AIDS Theory ainsi:

... en vertu des idées reçues, on insiste sur les «pratiques sexuelles sans risque», en particulier sur l’utilisation du condom, parce que le VIH/sida serait transmis sexuellement. Pourtant, les études qui suivent les différents degrés d’utilisation du condom montrent que cette précaution ne fait aucune différence, et les observations de transmissions par voie sexuelle montrent qu’elle n’a qu’un effet négligeable. Les relations sexuelles non protégées entre deux partenaires hétérosexuels dont l’un est séropositif et l’autre, séronégatif ne mènent à une transmission du VIH qu’une fois sur mille environ, selon des études menées non seulement aux États-Unis, mais aussi en Thaïlande, en Haïti et en Afrique, là où, selon les experts, les rapports sexuels entre hétérosexuels sont censés constituer le mode principal de transmission du VIH.

Bauer a raison à propos du taux de séroconversion. Selon Nancy Padian:

Les probabilités de transmission d’un homme à une femme après une exposition unique au VIH est de 0,01à 0,32 %, et les probabilités de transmission d’une femme à un homme après une exposition unique est de 0,01 à 0,1 %.

Il ne s’ensuit pourtant pas nécessairement que le condom n’a aucune importance. Comme l’explique Padian:

... il est possible de devenir séropositif après un seul contact sexuel. Dans des pays en voie de développement, en particulier ceux de l’Afrique subsaharienne, plusieurs facteurs (les co-infections avec d’autres maladies transmises sexuellement, la pratique de la circoncision, une mauvaise acceptation du condom, la façon dont se fait le choix des partenaires sexuels, les sous-types viraux en circulation localement, les charges virales plus élevées chez les personnes infectées, etc.) peuvent faire passer la probabilité d’une transmission hétérosexuelle à 20 % et même plus. Les données à propos de la transmission hétérosexuelle du VIH viennent d’études sur des couples en relation monogame stable où l’un des partenaires est séropositif et l’autre, non. Avec le temps, il y a transmission du VIH. Par d’autres études, on a pu suivre la transmission du virus par des réseaux de partenaires sexuels. Des données additionnelles ont été produites par des essais sur le terrain dans lesquelles, par exemple, on a fait la promotion de l’usage du condom ou encouragé une réduction du nombre de partenaires sexuels. Ces interventions ont été couronnées de succès parce qu’elles ont permis de prévenir la transmission du VIH.
 
Bref, la transmission sexuelle du VIH est bien documentée, d’une façon concluante et fondée sur les pratiques standard et non controversées de la science médicale. Ceux et celles qui citent l’étude de 1997 de Padian et autres, ou des données tirées d’autres études de notre groupe de recherche à propos du mythe voulant que le VIH n’est pas transmis sexuellement sont, au mieux, mal informés. Leur utilisation malencontreuse de ces résultats est trompeuse, irresponsable et potentiellement néfaste pour le public.

Bauer, le chimiste à la retraite et rédacteur scientifique, prétend également «qu’on n’a jamais isolé le VIH sous sa forme pure, si bien que les tests de dépistage n’ont jamais été validés – en fait, on peut aller jusqu’à remettre en question l’existence même du VIH».* Par contre, ceux qui font véritablement de la recherche sur le sida répliquent:

... les techniques modernes de culture ont permis d’isoler le VIH chez presque tous les patients sidéens, de même que chez presque tous les séropositifs, au stade précoce comme au stade tardif de l’infection. En outre, la réaction en chaîne de la polymérase (PCR) et d’autres techniques moléculaires perfectionnées ont permis aux chercheurs de documenter la présence des gènes du VIH chez presque tous les patients sidéens, de même que chez des personnes aux premiers stades de la maladie.*

Bauer affirme aussi «qu’on n’a jamais prouvé par des essais adéquatement contrôlés que les traitements antirétroviraux produisaient des améliorations cliniques, conféraient une meilleure santé aux patients, et encore moins qu’ils amélioraient leur espérance de vie».* La table de matière de son livre ressemble à un véritable programme de rejet des données scientifiques sur le sida, on pourra donc le lire avec avantage si l’on s’intéresse au Credo des négationnistes.

D’un autre côté, le lecteur qui s’intéresse davantage à la véritable recherche qui se fait au sujet du VIH/sida pourra consulter quelques publications scientifiques ou certains sites web créés pour répondre aux dissidents.

Enfin, il est bon de souligner que plusieurs scientifiques d’importance autrefois associés aux dissidents ont changé d’avis et ont fini par accepter le VIH comme facteur causal important du sida: Robert Root-Bernstein, professeur des sciences de la vie de la Michigan State University (Rethinking AIDS: The Tragic Cost of Premature Consensus, 1993); Joseph Sonnabend, médecin à la retraite, scientifique et chercheur dans le domaine du sida; et Walter Gilbert, gagnant du prix Nobel de 1980 en chimie.

 

 

Lectures complémentaires:


Petite introduction au négationnisme du SIDA, par Richard Monvoisin.
Dossiers de lObservatoire Zététique

 

La négation du VIH à l'ère d'internet, par Tara C. Smith et Steven P. Novella.
Charlatans.info

Dernière mise à jour le 23 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary