Les débuts de la naturopathie
La naturopathie telle que pratiquée aujourd’hui trouve son origine dans les concepts de Sebastien Kneipp (1821-1897), Benedict Lust (1872-1945), Henry Lindlahr (1853-1925), Bernarr Macfadden (1868-1955) et du Dr John H. Tilden (1851-1940).
Le père Kneipp, un prêtre allemand, ouvre un centre d’hydrothérapie après s’être convaincu qu’un camarade étudiant et lui-même s’étaient guéris de la tuberculose en se baignant dans le Danube.
Kneipp développe aussi des procédés de phytothérapie à base de plantes entières. Lust, allemand lui aussi, fut soigné par Kneipp et en 1892 est chargé d'introduire les méthodes de Kneipp aux États-Unis. En 1895, il ouvre l’Institut Kneipp d’Hydrothérapie dans la ville de New-York et commence à fonder les Sociétés Kneipp dont les membres utilisaient les procédés de Kneipp ou autres « thérapies sans médicaments ». Par la suite il acquiert des diplômes en ostéopathie, chiropraxie, homéopathie et médecine éclectique. [1]
En 1901, Lust organise une convention nationale et préside le comité qui approuve l’usage du massage, des plantes, de l’homéopathie, des manipulations vertébrales et divers types de soins occultes. En 1902, il achète les droits d'utiliser le terme « naturopathie » à John H. Scheel, un autre disciple de Kneipp qui les avait déposés en 1895.
La même année, il commence à se faire connaître comme naturopathe, ouvre l’Institut Américain de Naturopathie et remplace les Sociétés Kneipp par l’Organisation Nationale Naturopathe.
Lindlahr codifie davantage la naturopathie, et ouvre un sanatorium et une école dans une banlieue de Chicago.
Macfadden popularise l’exercice et le jeûne.
Tilden contribue aux notions d’« auto-intoxication » (qu’il dit causée par les matières fécales retenues trop longtemps dans les intestins) et de « toxémie » (désignée comme « cause première de tous les maux »). [2]
Les fondateurs de la naturopathie sont uniformément opposés à la vaccination qu’ils considèrent comme contre-nature. [3]
Pratiques hétérodoxes
Les affirmations spectaculaires de la naturopathie attirent l’attention de la plume acérée du Dr Morris Fischbein, éditeur du « Journal de l’Association Américaine de Médecine » et dirigeant la campagne anticharlatan de l’AMA depuis plusieurs décennies.
Il écrit :
« Alors que la majorité des pratiques hétérodoxes adoptent un concept unique comme cause et remède à la maladie, la naturopathie englobe chaque élément de la nature.
Les vrais naturopathes étaient, bien sur, des guérisseurs comme le père Kneipp… et d’autres prônant une vie naturelle et soignant par l’usage de la lumière du soleil, de bains, d’air frais et d’eau froide, mais il y a peu d’argent à se faire par ces méthodes. Par conséquent les naturopathes modernes adoptent toutes formes de soins qui offrent une possibilité de profit abusif. » [4]
Les pratiques discréditées par Fischbein incluent :
- L’aéropathie : introduire le patient dans un four chaud.
- Le système alereos : manipulation vertébrale plus chaleur et vibrations mécaniques.
- Le soin astral : diagnostic et prescription basés sur la lecture de l’horoscope du patient.
- La thérapie autohémique : donner une solution obtenue en modifiant et « potentialisant » quelques gouttes de sang du patient.
- L’autothérapie : traiter les infections avec des potions conçues à base de tissus infectés ou excrétions du patient.
- Le diagnostic et la thérapie par biodynamochromie : administrer des lumières colorées tout en tapotant l’abdomen du patient.
- Purification du sang par les plantes.
- La chromopathie : soigner avec des lumières colorées.
- L’électrothérapie par divers dispositifs.
- La géothérapie : traitement des maladies avec de petits palets de terre.
- L’irido-diagnostic : diagnostic basé sur les motifs de l’iris de l’oeil, maintenant appelé iridologie.
- La pathiatrie : auto-administration d’ajustement vertébral, massage et traction.
- La porothérapie : traitement appliqué au travers des pores de la peau vers les nerfs soi-disant dédiés au contrôle des organes internes (NdT : oui c’est nébuleux...).
- La practo-thérapie : un terme chic pour lavement.
- La sanatologie : basée sur l’idée que l’acidiose et la toxicose sont les deux causes premières de tous les maux.
- La somapathie : ajustement vertébral suivi par des applications froides ou extrêmement chaudes
- La tropo-thérapie avec des aliments nutritifs spéciaux.
- La vit-O-pathie : une combinaison de 36 autres systèmes.
- La thérapie du zodiaque, alliant astrologie et herboristerie.
- La zonothérapie (maintenant appelée réflexologie) : des pressions sur diverses parties du corps pour guérir le mal dans une « zone » du corps correspondante. [4]
La plupart de ces méthodes ont disparu avec leurs créateurs, mais certaines (ou leurs ramifications) ont toujours cours aujourd’hui.
Une formation au rabais
Une étude de l’AMA de 1927 liste 12 écoles de naturopathie regroupant un peu moins de 200 étudiants [5]. Durant les années 1920 et 1930, la moitié des états promulguent des lois permettant aux naturopathes et/ou autres « guérisseurs sans médicaments » de pratiquer. Cependant, la médecine moderne se développant, nombre de ces lois seront abrogées et la majorité des écoles cessent leurs pratiques hormis quelques écoles par correspondance.
Le diplôme de docteur en naturopathie (N.D.) était toujours validé dans de nombreux collèges de chiropraxie mais courant 1957, le dernier de ces collèges cesse de le délivrer.
Le Collège National de Médecine Naturopathique est fondé en 1956 à Portland, Orégon, mais, dès le milieu des années 1970 il n’a plus que quelques étudiants. De 1960 à 1968, l’effectif moyen était de 8 et le nombre total de diplômés de 16 [6]. La principale école accréditée, Bastyr University, à Seattle, Washington, est fondée en 1978.
En 1987, le Secrétariat à l’Éducation des États-Unis reconnaît le Conseil de l’Enseignement en Médecine Naturopathique (Council on Naturopathic Medical Education) comme agence d’accréditation pour les écoles à temps plein. Tout comme avec les écoles de chiropraxie et d’acupuncture, cette reconnaissance n’est pas basée sur la validité scientifique de ce qui est enseigné mais sur des critères tels que la tenue des dossiers, les ressources matérielles, la situation financière, la composition du conseil d’administration, le contenu des enseignements, un règlement non discriminatoire et un système d’autoévaluation.
Aujourd’hui, aux États-unis, un certificat de « Docteur en Naturopathie » (N.D) ou un « Docteur en Médecine Naturopathique » (N.M.D) est accessible dans cinq écoles à temps plein et de nombreuses écoles par correspondance non reconnues.
La formation dispensée dans les écoles suit un schéma similaire à celui des écoles en chiropraxie : deux ans de cours de science fondamentale et deux ans incluant un travail en alternance dans un dispensaire. Cependant, la qualité de la formation naturopathique est nettement inférieure à celle d’un enseignement médical.
Les facultés de médecine sont beaucoup plus grandes offrent une meilleure formation, la portée et l’ampleur de l’expérience clinique est plus importante, car les personnes fréquentant les cliniques universitaires se confrontent à l’ensemble des pathologies.
Certains naturopathes diplômés prennent une année postdoctorale au cours de laquelle ils travaillent en ambulatoire. Cependant, la majorité d’entre eux se lance directement dans la profession. Pratiquement tous les diplômes de médecine nécessitent 3 à 6 ans de spécialisation en formation complémentaire à plein temps incluant un travail avec des patients hospitalisés. Les programmes naturopathiques proposés par les écoles par correspondance portent sur bien moins de temps et n’incluent aucune expérience avec de vrais patients.
En 1968, le Département de la Santé et de l’Éducation des États-Unis déconseille la couverture de la naturopathie par Médicare (NdT : système d’assurance-santé aux USA).
Son rapport conclut :
« La théorie et la pratique naturopathique ne sont basées sur aucun corpus de connaissances fondamentales en lien avec la santé, les maladies et les soins de santé qui soit communément admis par la communauté scientifique. En outre, indépendamment de cette théorie, la portée et la qualité de l’enseignement naturopathique ne préparent le praticien ni à poser un diagnostic adéquat ni à fournir un traitement approprié. » [7]
Bien que certains aspects de l’enseignement naturopathique se soient améliorés ces dernières années, je crois que cette conclusion est toujours juste.
Références
- National Association of Naturopathic Physicians. Outline for study of services for practitioners performing health services in independent practice. Portland OR: NANP, Sept 10, 1970. In Social Security Amendments of 1970. Hearings before the Committee on Finance, United States Senate, Ninety First Congress, Second Session, on H.R. 17550. September 14, 15, 16, 17, and 23, 1970. Washington, DC: U.S. Government Printing Office, 1970, pp 734-754.
- Tilden JH. Appendicitis: The Etiology, Hygienic and Dietetic Treatment. Denver: self-published, 1909.
- Czeranko S. Vaccination and Naturopathic Medicine: In Their Own Words. NUNM Press, Portland, Oregon, 2015.
- Fishbein M. Naturopathy and its professors. Fads and Fallacies in Healing. New York: Blue Ribbon Books, 1932, pp 117-139.
- Baer HA. The potential rejuvenation of American naturopathy as a consequence of the holistic health movement. Medical Anthropology 13:369-383, 1992.
- National Association of Naturopathic Physicians. Outline for study of services for practitioners performing health services in independent practice. Portland OR: NANP, Sept 10, 1970. In Social Security Amendments of 1970. Hearings before the Committee on Finance, United States Senate, Ninety First Congress, Second Session, on H.R. 17550. September 14, 15, 16, 17, and 23, 1970. Washington, DC: U.S. Government Printing Office, 1970, pp 734-754.
- Cohen W. Naturopathy. In Independent Practitioners under Medicare: A Report to Congress. Washington, D.C, 1968, US Department of Health, Education, and Welfare, pp 126-145.
L’article original a été posté le 18 octobre 2018.
Dernière mise à jour le 20 juillet 2019.
Source: Quackwatch