LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

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Pourquoi le diagnostic en médecine traditionnelle chinoise est sans valeur

Dr Stephen Barrett

La médecine traditionnelle chinoise (MTC) est basée sur des idées fantaisistes selon lesquelles la mauvaise santé est causée par des « déséquilibres » du flux d'énergie vitale (chi ou qi) dans de prétendues voies appelées « méridiens ». Les diagnostics posés par ses praticiens ont très peu à voir avec les problèmes de santé réels des patients. Une étude a montré que la littérature sur l'acupuncture ne fournit pas de cadre cohérent pour l'évaluation des patients, et au moins 7 études ont montré que lorsque plusieurs praticiens voient le même patient, leurs diagnostics de MTC varient considérablement. Ce n’est pas surprenant, car les concepts de la MTC ont peu de rapport avec l’anatomie et la physiologie, et les processus corporels conjecturés par la MTC ne peuvent pas être mesurés par des instruments scientifiques.

Une anecdote personnelle

En 1998, après une conférence à laquelle j'ai assisté dans une université locale, un praticien expérimenté en MTC m'a diagnostiqué en prenant mon pouls et en regardant ma langue. Il a déclaré que mon pouls présentait des signes de « stress » et que ma langue indiquait que je souffrais de « congestion du sang ». Il se trompait. Je ne souffre pas de stress et mon sang circule normalement. Quelques minutes plus tard, l'acupuncteur a déclaré à une femme que son pouls faisait apparaître des contractions ventriculaires prématurées (un trouble du rythme cardiaque pouvant être significatif ou inoffensif, selon que la personne souffre ou non d'une maladie cardiaque sous-jacente). Il lui a suggéré de suivre un traitement à base d'acupuncture et d’herbes, ce qui aurait coûté environ 90 dollars par visite. J'ai pris le pouls de la femme et je l'ai trouvé tout à fait normal.

Études publiées

Des chercheurs ont examiné 16 textes sur l’acupuncture ou sur le traitement par MTC pour déterminer la cohérence des diagnostics et des traitements recommandés pour des lombalgies chroniques. Alors que 24 schémas diagnostiques étaient décrits dans un ou plusieurs textes, seuls 4 schémas étaient décrits par au moins la moitié d'entre eux. La plupart des textes (12/16) ne décrivaient que 3 ou 4 schémas. Les schémas pouvaient être classés en 3 types principaux :

  1. Schémas d’obstruction de canaux par la chaleur, le froid, l'humidité et le vent
  2. Schémas de vacuité rénale (parfois différenciés en schémas yang et yin)
  3. Schémas de stase du sang (ou du sang et du qi).

La plupart des textes recommandaient plusieurs points d’acupuncture, quel que soit le diagnostic, tandis que d’autres points d’acupuncture étaient recommandés pour des schémas diagnostiques spécifiques. Cependant, il y avait une variation substantielle entre les textes quant aux points d'acupuncture recommandés, moins de 20 % de tous les points d'acupuncture étant recommandés par la moitié des textes ou plus [1].

Dans une étude publiée en 2001, une femme âgée de 40 ans souffrant de douleurs lombaires chroniques et ayant rendu visite à 7 acupuncteurs au cours d'une période de 2 semaines a reçu un diagnostic de « stagnation du qi » par 6 d'entre eux, de « stagnation du sang » par 5, de « déficience du qi rénal » par 2, de « déficience du yin » par 1, et de « déficience du qi du foie » par 1. Les traitements proposés variaient encore davantage. Parmi les 6 qui ont noté leurs recommandations, les praticiens ont prévu d'utiliser 7 à 26 aiguilles, insérées dans 4 à 16 « points d'acupuncture spécifiques » dans le dos, les jambes, les mains et les pieds. Sur les 28 points d'acupuncture sélectionnés, seuls 4 (14 %) ont été prescrits par 2 acupuncteurs ou plus. [2]. L'étude semble avoir été conçue pour rendre les résultats aussi cohérents que possible. Tous les acupuncteurs avaient été formés dans une école de médecine traditionnelle chinoise (MTC). Six autres volontaires ont été exclus parce qu'ils « utilisaient des pratiques très atypiques » et 3 autres parce qu'ils travaillaient depuis moins de 3 ans. Les auteurs de l'étude ont déclaré que les diagnostics montraient une « consistance considérable », car presque tous les praticiens avaient trouvé une stagnation du qi ou du sang. Cependant, l'explication la plus probable était que ceci est diagnostiqué chez presque tout le monde.

Dans une autre étude, 6 acupuncteurs de MTC ont évalué les 6 mêmes patients le même jour. Vingt diagnostics et 65 points d'acupuncture ont été utilisés au moins une fois. Le diagnostic de « stagnation de qi/de sang avec insuffisance rénale » et le point d'acupuncture UB23 ont été choisis pour chaque patient par la plupart des acupuncteurs. Cependant, la cohérence entre acupuncteurs en ce qui concerne les détails de diagnostic et les autres points d'acupuncture était médiocre. Aucun diagnostic et un seul point d'acupuncture ont été utilisés préférentiellement pour un sous-groupe de patients. Certains diagnostics et recommandations de traitement dépendaient davantage du praticien que du patient. Les diagnostics et la plupart des points d'acupuncture réels n'étaient pas liés au patient ni au praticien. Les chercheurs ont conclu que les diagnostics de médecine traditionnelle chinoise et les recommandations de traitement pour des patients spécifiques souffrant de lombalgies chroniques varient considérablement d'un praticien à l'autre [3].

Une autre étude a examiné les diagnostics et les traitements de MTC pour des patients souffrant de lombalgies chroniques à l'aide de deux séries distinctes de données de traitement. Les informations de plus de 150 examens initiaux étaient disponibles à l’analyse. Un diagnostic de « stagnation du qi et du sang » ou de « stagnation du qi » a été posé chez 85 % des patients. Un diagnostic d'insuffisance rénale (ou de l'un de ses trois sous-types) a été posé chez 33 % à 51 % des patients. D'autres diagnostics spécifiques ont été posés chez moins de 20 % des patients. En moyenne, 12 ou 13 aiguilles ont été utilisées pour chaque traitement. Bien que plus de 85 points d'acupuncture différents aient été utilisés dans chaque ensemble de données, seuls 5 ou 6 points d'acupuncture ont été utilisés dans plus de 20 traitements de chaque ensemble de données. Seuls deux de ces points d'acupuncture (UB23, UB40) étaient les mêmes pour les deux sources de données. Plus de la moitié des patients ont reçu des traitements d'appoint, notamment de la chaleur (36 % à 67 %) et des ventouses (16 % à 21 %). Il y avait une grande variabilité dans les traitements parmi les prestataires [4].

Dans une étude plus vaste publiée en 2004, 3 praticiens de MTC ont examiné séparément les mêmes 39 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) au Centre de recherche clinique générale de l'Université du Maryland. Chaque patient a rempli un questionnaire et a subi un examen physique incluant la langue et le pouls. Ensuite, chaque prestataire a donné un diagnostic de MTC et une prescription à base de plantes. L'accord sur les diagnostics de MTC parmi les 3 paires de praticiens de MTC variait de 25,6 % à 33,3 %. Le degré de concordance entre les prescriptions à base de plantes et les recommandations des manuels pour chaque diagnostic de MTC variait de 87,2 % à 100 %. Les auteurs de l'étude ont conclu :

L'accord total sur le diagnostic de MTC chez les patients atteints de PR parmi 3 praticiens de MTC était faible. Lorsque des critères moins stricts, mais théoriquement justifiables, étaient utilisés, un consensus plus large a été obtenu. La correspondance entre le diagnostic de MTC et la prescription de plantes pour ce diagnostic était élevée, bien qu'il y ait eu peu d'accord entre les 3 praticiens concernant les prescriptions de plantes pour des patients individuels [5].

Les chercheurs de l'Université du Maryland ont ensuite répété l'étude ci-dessus avec 40 patients atteints de PR et 3 praticiens ayant au moins 5 ans d'expérience. Les résultats étaient presque identiques aux résultats précédents [6].

Dans une autre étude, 37 participants souffrant de maux de tête fréquents ont été évalués de manière indépendante par 3 acupuncteurs agréés, considérés comme hautement qualifiés en MTC. Les acupuncteurs ont identifié les méridiens et le type de dysfonctionnement qui, selon eux, contribuait aux symptômes des participants. Les acupuncteurs ont également attribué un ou plusieurs diagnostics de MTC à chaque participant et sélectionné 8 points d'acupuncture. Une certaine variation dans le diagnostic de TCM et la sélection des points a été observée chez tous les sujets. Un « yang du foie » et un « dysfonctionnement du qi » ont été diagnostiqués chez plus des deux tiers des sujets. Les points d'acupuncture Foie 3, Gros Intestin 4 et Vaisseau Gouvernant (DU) 20 étaient les points les plus souvent choisis pour le traitement [7].

Dans une étude « de laboratoire » sur le diagnostic de la langue, 30 praticiens de MTC ont été invités à examiner 10 images de haute qualité au cours de chacune de deux sessions. Pour chaque image, si au moins 24 (80 %) des praticiens étaient d’accord sur le diagnostic, le résultat était considéré comme significatif. Cela n’a donné que 17,3 % lors de la première session et 19,1 % lors de la deuxième session, alors que les praticiens avaient le choix entre deux options. Mais lorsque les choix étaient plus complexes, ils se sont accordés dans moins de 5 % des cas. Les chercheurs ont conclu que « l'inspection de la langue en MTC pour des caractéristiques spécifiques n'était pas une méthode de diagnostic fiable, du moins pour le groupe de praticiens de MTC impliqués dans cette étude ». [8]

 

En définitive

La théorie et la pratique de la MTC ne sont pas fondées sur l'ensemble des connaissances en matière de santé, de maladies et de soins de santé largement acceptées par la communauté scientifique. Les praticiens de la MTC ne sont pas d’accord sur la manière de diagnostiquer les patients et sur les traitements qui doivent accompagner les diagnostics. Même s'ils pouvaient s'entendre, les théories de la MTC sont tellement nébuleuses qu'aucune étude scientifique ne permettra à la MTC d'offrir des soins rationnels.

 

Références

  1. Birch S, Sherman K. Zhong Yi acupuncture and low-back pain: Traditional Chinese medical acupuncture differential diagnoses and treatments for chronic lumbar pain. Alternative and Complementary Medicine 5:4150425, 1999.
  2. Kalauokalani D and others. Acupuncture for chronic low back pain: Diagnosis and treatment patterns among acupuncturists evaluating the same patient. Southern Medical Journal 94:486-492, 2001.
  3. Hogeboom CJ and others. Variation in diagnosis and treatment of chronic low back pain by traditional Chinese medicine acupuncturists. Complementary Therapies in Medicine 9:154-166, 2001.
  4. Sherman KJ and others. The diagnosis and treatment of patients with chronic low-back pain by traditional Chinese medical acupuncturists. Alternative and Complementary Medicine 7:641-650, 2001.
  5. Zhang GG and others. The variability of TCM pattern diagnosis and herbal prescription on rheumatoid arthritis patients. Alternative Therapies in Health and Medicine 10:58-63, 2004.
  6. Zhang GG and others. Variability in the traditional Chinese medicine (TCM) diagnoses and herbal prescriptions provided by three TCM practitioners for 40 patients with rheumatoid arthritis. Alternative Therapies in Health and Medicine 11:415-421, 2005.
  7. Coetaux RR and others. Variability in the diagnosis and point selection for persons with frequent headache by traditional Chinese medicine acupuncturists. Alternative and Complementary Medicine 12:863-872, 2006.
  8. Kim M and others. Traditional Chinese medicine tongue inspection: An examination of the inter- and intrapractitioner reliability for specific tongue characteristics. Journal of Alternative and Complementary Medicine 14:527-536, 2008.



Cet article a été révisé le 2 février 2014.

Traduction en français le 11 mai 2019 par le Dr Jacek Sierakowski.

Dernière mise à jour le 23 mai 2019.

Source: Quackwatch