Chaîne de Ponzi
«La recherche montre qu'on peut associer trois caractéristiques à la force de persuasion:l'autorité apparente, l'honnêteté et la sympathie.»Robert Levine
Manœuvre frauduleuse rendue célèbre par Charles Ponzi (1882-1949). Ponzi incitait ses victimes à investir dans un faux produit financier à taux d'intérêt garanti, pour ensuite rembourser ses plus anciens clients avec l'argent des plus récents. Comment gagner de l'argent de cette manière? En lançant l'entreprise ou en y investissant très tôt. Y a-t-il des gens qui gagnent de l'argent ainsi? Sans doute, sinon ce genre de fraude aurait disparu depuis des lunes.
Comment fonctionne une telle combine? Il n'y a qu'à utiliser une petite partie de l'argent confié par les investisseurs pour rembourser (ou faire croire qu'on rembourse) les clients à invervalles réguliers. Surtout, ne pas commettre la bêtise de croire que les choses peuvent continuer indéfiniment, même quand plus aucun nouvel investisseur ne se présentera, sous peine de devoir recourir à d'autres manœuvres douteuses pour continuer de recevoir de l'argent - tout investir dans un titre incroyablement prometteur à la bourse, par exemple. Ou, plus sûr encore, tout jouer à la roulette parce qu'on est convaincu qu'on ne peut pas perdre.
Quand Ponzi a commencé à sévir en 1919, dans la région de Boston, il pouvait compter sur un emprunt de 200 $ et 16 investisseurs, qui lui avaient remis un peu moins de 1000 $. En moins de six mois, il s'était attiré des milliers d'investisseurs et avait quelque 10 000 000 $. Il se vantait de pouvoir payer un taux d'intérêt de 50 % pour des investissements à court terme, en racontant qu'il achetait des coupons-réponses internationaux dans des pays étrangers et qu'il en obtenait six fois leur valeur en timbres-poste américains. Acheter à faible coût, revendre cher; c'est une stratégie éprouvée. Il disait remettre à ses amis 150 $ pour chaque 100 $ investis, et ce, en 45 jours, au lieu des 90 jours initialement prévus. Mais pourquoi ses clients n'achetaient-ils pas les coupons eux-mêmes, histoire de contourner l'intermédiaire? Ce serait faire preuve de cupidité, non? Et puis, toutes ces démarches à entreprendre... Laissons Ponzi se taper tout le travail pendant que l'investisseur empoche des profits obscènes. Il n'a pas fallu longtemps à notre aigrefin avant qu'il se retrouve avec tant d'argent qu'il a dû le tirer de sous son matelas et le porter à la banque, où le pot-aux-roses a été découvert. Méfions-nous quand on promet de nous rendre riches en faisant tout le travail pour nous. Ce genre d'altruisme de haut niveau ne se rencontre que très rarement dans la nature.

Il n'y avait pas de coupons postaux. Ponzi payait ses premiers investisseurs avec l'argent qu'il soutirait aux derniers arrivés. Il n'a pas fallu longtemps avant qu'il se retrouve sans investisseur et derrière les barreaux d'un établissement fédéral pour cinq ans. Contrairement à bien d'autres victimes de fraude, ses clients ne pouvaient pas affirmer qu'il jouissait d'une bonne réputation et qu'on aurait pu lui accorder le Bon Dieu sans confession. Ponzi était un ex-déliquant, qui avait quitté l'Italie pour les États-Unis en passant par le Canada, où il était resté trois ans en prison pour fabrication de faux. Quelques jours après sa libération, il avait été arrêté pour trafic d'étrangers aux États-Unis, et on l'avait envoyé à Atlanta purger sa peine.
Le nombre de personnes qui se font avoir par ce genre d'escroqueries semble sans limite. Il n'y a qu'à songer à ce qui s'est passé en Roumanie en 1993, en Albanie en 1997 et en Colombie en 2008. Chaque fois, des milliers de personnes sans grand capital se sont fait flouer par des combines pyramidales. D'après les journaux du pays, des milliers d'habitants de la Roumanie ont englouti toutes leurs économies dans une entreprise nommée Caritas. Selon des rapports venant de l'Albanie, des centaines de milliers d'Albanais «ont investi leurs épargnes ou l'argent qu'ils avaient gagné à l'étranger» dans une ou plusieurs opérations pyramidales illégales. «Ces opérations offraient des taux d'intérêt très élevés. Les premiers investisseurs étaient payés à même l'argent remis par les investisseurs qui les suivaient. Quand le nombre d'investisseurs a commencé à diminuer, ces combines se sont toutes effondrées» (Dhimgjoka 1977). Une fraude semblable a vidé les poches de milliers de Colombiens une décennie plus tard. Chaque fois, tout se termine par une catastrophe parce qu'il ne peut y avoir un nombre infini d'«investisseurs». Seules la cupidité et les illusions perdurent.
Comment des personnes pourtant intelligentes peuvent-elles perdre leur fortune dans des chaînes à la Ponzi? Les principaux facteurs sont sans doute les mêmes qui font qu'on se fait tromper en général: un excès de confiance et d'avidité. Le fraudeur qui réussit à se faire passer pour un homme honnête et sérieux se gagnera de nombreux appuis sans difficulté. Être à la tête du NASDAQ ou d'une grande entreprise, être cadre supérieur d'un grand organisme de crédit ou appartenir à la police impressionne, peu importe votre conduite réelle. Ce qui compte, ce sont les apparences. Paraître aimable, être en situation d'autorité et posséder une réputation d'honnêteté confère un grand avantage à qui veut escroquer même le plus sceptique des hommes, pour peu qu'il soit ignorant, paresseux et âpre au gain. Des connaissances d'expert dans un domaine complexe constituent un atout, de même qu'un physique agréable. Toutes ces qualités, combinées aux désirs de vos victimes potentielles, feront en sorte qu'elles ne chercheront pas à en savoir trop sur vos activités, surtout si le domaine dans lequel vous œuvrez est perdu dans un dédale de lois et de règlements. Elles voudront que vous soyiez qui vous prétendez être et vous accorderont une grande lattitude, d'autant plus que cela leur épargnera de réfléchir un peu trop à propos de ce que vous leur offrez. Votre proposition aura l'air trop belle pour être vraie, mais vous êtes également marchand d'espoir, et vous leur donnez le temps de se consacrer à leur travail et leurs activités sans qu'elle aient à se soucier de leur investissement. Vous comptez sur leur paresse, leur ignorance et leur avidité; elles vous voient comme un bienfaiteur généreux et travailleur, ou un génie qui sait comment profiter du marché à coup sûr.
- Article original du New York Times [en anglais], dénonçant l'affaire (27 Juillet 1920).
- Grandeur et décadence des pyramides financières en Albanie, par Christopher Jarvis (Finances & Développement - Mars 2000).
- Les pyramides de Ponzi, par Marc Aragon.
- Madoff, l’homme de l’année 2008 !
- Gigantesque fraude au Japon : Kazutsugi Nami arrêté (2009).
- Deux cents victimes d'une pyramide financière, par Philippe Rioux (La Dépêche).
![]() "L'avenir m'intéresse, c’est là que je compte passer mes prochaines années !"
En 1993, de retour de Roumanie, Chantal Dubois de la Cotardière écrivait : L’opération se répétant, elle se présente comme une pyramide et on gagne huit fois la mise en Malheureusement, c’est une proposition infinie faite dans un monde fini. A Cluj-Napoca [Roumanie], le système est devenu monnaie courante ; au point qu’il n’est pas utile de chercher des pigeons, ils viennent tout seul : le phénomène est collectif. On sait que l’argent est sale mais l’appât du gain est plus fort, d’autant plus qu’il est exclu de gagner correctement sa vie – même en travaillant. C’est donc une sorte d’hystérie financière collective qui gagne la ville (et le pays). En effet, 700 chômeurs sont réquisitionnés pour « recevoir les dons » dans la salle de sport transformée en salle de dépôt. Il faut environ trois mois et demi pour atteindre le sommet ; cependant, forts de leur gain virtuel, les gens rejouent ou replacent systématiquement tout l’argent « gagné ». Les journaux publient les longues listes d’attente et mieux que cela…On paie les appartements chez le notaire avec les quittances du système appelé pudiquement « Caritas ». Ainsi on s’enrichit avec de l’argent-fumée, de l’argent-rêve, bref, un capital qu’on est loin de posséder. » Lorsqu’en août 1993, on essayait encore de mettre en garde les amis roumains qui croyaient au miracle, on se heurtait à un mur d’incompréhension. Des professeurs de Mathématique, qui auraient dû être les premiers sceptiques, se laissaient abuser comme des petits enfants par cette chaîne de PONZI *. Cette pyramide « Caritas » s’écroula au printemps 1994 et entraîna la ruine des « petits porteurs » qui avaient rejoint les derniers la folle aventure.
Charles Ponzi utilisa ce système en 1920 à Boston, ce qui fit de lui, personne anonyme, un millionnaire en six Source: ICEO |
Dernière mise à jour le 24 août 2019.
Source: Skeptic's Dictionary