LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

Jean Houston et l’École des mystères

«En retrouvant le monde archétypal intérieur, nous créons un partenariat qui nous permet de croître tout comme le font les dieux et les déesses à l'intérieur de nous.»
Jean Houston
 
«Elle ne se laisse pas duper par les charlatans et les bonimenteurs qui fraudent les gens avec leurs bêtises du Nouvel Âge ou qui jouent avec leurs peurs au lieu de les amener à aimer.»
William R. Bryant, leader émérite des Républicains, Chambre des représentants du Michigan
 
«Nous ne pouvons jouir que du temps qui est le nôtre.»
Kate Wolf
 

Un des nombreux programmes de croissance personnelle ou de transformation de la personnalité que propose le Nouvel Âge. Selon Mme Houston, «l’École des mystères se propose d'engendrer une passion pour le possible chez l'être humain, de même que pour le développement total, tout en découvrant des façons de transcender et de transformer le soi ponctuel afin de rendre la vie extraordinaire!» Son enseignement se fonde sur le fait que nous sommes malheureux parce que nous avons souffert et que nous n'avons pas atteint notre plein potentiel. Voici un extrait du premier cours de l’École:

Peu importe à quel point votre vie a été difficile, à quel point elle vous paraît étrangère, c'est celle que vous avez créée. Vous avez créé vous-même ce sentiment d'étrangeté. Vous en avez tiré des enseignements. Vous l'avez compliquée vous-même. Vous l'avez peut-être même perturbée. Vous avez connu l'anxiété et l'angoisse existentielle. Vous avez connu l'angoisse des pensées malsaines, n'est-ce pas? Vous avez connu la dépression. Maintenant, il est temps de passer à un autre niveau.
 
Vous avez connu toutes ces souffrances. Excellent! Vous y avez puisé toute une richesse et une profondeur d'expériences et de compassion, si vous choisissez de voir les choses ainsi. Si vous choisissez de les voir autrement, tout ce qui vous reste, c'est une angoisse incontrôlable.
 
Votre énergie, votre pouvoir, votre force vitale et morale semblent limités uniquement les barrières établies par vous et vos accoutumances, de même que par les accoutumances et les attentes de votre culture. Ce que l’École entend faire, c'est aller au-delà des limites et créer une réalité consensuelle dans laquelle l'horizon limité reculera, de manière à laisser davantage de place au possible. (Autrefois offert gratuitement en ligne, ce cours s'obtient maintenant pour 140 dollars US dans le site JeanHouston.org)

Ce n'est là qu'un aperçu de ce qui attend le disciple sur la voie de la transformation. Houston utilise un des appâts les plus fréquents du Nouvel Âge: la souffrance et l'insatisfaction que beaucoup cherchent à fuir. Elle répète à qui veut bien l'entendre: «Vous avez subi des blessures tout là-haut. Je dis toujours que vous en avez subi tellement que vous avez maintenant atteint l'état de blessés chroniques. Mais maintenant, vous êtes entièrement disponibles.» Elle parle encore et encore de douleur et de souffrance à ses auditeurs, de l'insatisfaction qu'ils éprouvent à propos de leur vie. Elle leur raconte que la chose était nécessaire à leur transformation, qu'elle va tirer le bien de tout ce mal. Elle leur offre la voie de la Nouvelle Résurrection.

Comparativement aux autres programmes d'épanouissement personnel du Nouvel Âge, l’École peut sembler constituer une véritable aubaine. Par le Web, pour la modique somme d’environ 200 dollars US seulement, on peut obtenir les neuf «cours» constituant chaque leçon. Il s'agit en fait de transcriptions, dont chacune semble constituer un petit livre. Autrement dit, le client achète une oeuvre en cours d'écriture pour environ 22 $ le chapitre.

Voici comment Mme Houston vante son École:

Il s'agit de ma version contemporaine d'une tradition ancienne et honorable, l'étude des mystères spirituels du monde. Autrefois, il y avait de telles écoles en Égypte, en Grèce, en Turquie, en Afghanistan, en Irlande, en Angleterre, en France, à Hawaï, en Inde, en Chine, au Japon, et à bien d'autres endroits du monde. Nous rassemblons ce qui est disponible (ou ce qu'on peut reconstituer) des connaissances, des traditions, des rites et des rituels de ces études anciennes, en les imprégnant d'applications et de réalités nouvelles qui nous permettent de vivre pleinement et librement.
 
L’École offre une formation intellectuelle rigoureuse. Exigeante pour l'esprit, elle constitue un véritable défi psychologique... Elle est festive, transformationnelle, souvent carrément hilarante, loufoque et satirique.
 
L’École fait appel à l'expérience et à l'expérimentation. J'y mêle les choses que j'aime le plus: la psychologie sacrée, la musique, l'histoire, le théâtre, la sagesse culturelle, la science (réelle, fictive et imaginaire), la neurophysiologie, la philosophie, l'anthropologie, la théologie, la poésie, les rires, la cosmologie, la métaphysique et toutes sortes d'idées novatrices qui permettent de créer un espace de réflexion intemporel.
 
Les exercices incluent un travail psychophysique, la découverte de dimensions psychospirituelles, les arts créatifs, la résonance énergétique, le mouvement et la danse, les états modifiés de conscience, les rituels et la cérémonie, le jeu théâtral et la prise en charge mutuelle.

Elle prétend que son école s'inscrit dans une tradition qui existe probablement depuis «que l'être humain existe», ce qui donne à penser que les écoles de mystères n'ont pas beaucoup évolué, et pour cause: elles ne cherchent pas à découvrir les mystères de la vie, mais plutôt à faire croire que la vie est un mystère. La seule chose qu’elles transforment sans doute est l'esprit, non pas en offrant une meilleure compréhension de la réalité, mais en encourageant le participant à se créer sa propre réalité. Les mystiques sont en guerre contre le monde, et leurs armes sont celles de l'imagination. Ce sont des ennemis de la réalité. Plutôt que d'affronter un monde qu'ils méprisent, plutôt que de tenter de le changer, ils s'en retirent et le transforment en un concept avec lequel ils jouent jusqu'à ce qu'il soit à leur goût.

D'après Houston, «la question traditionnelle à laquelle toutes les écoles des mystères tentent de répondre est: comment mettre le soi ponctuel, le soi historique au service du Soi? Comment l'inclure dans la psyché, où le dieu immanent réside? Comment réagir à l'attrait du devenir et conserver suffisamment d'énergie, de passion, d'élan, de plaisir, d'ardeur, de fascination pour accepter de sentir constamment cet attrait? Malheureusement, la vie de tous les jours dissimule cet attrait à nos yeux.» Autrement dit, comment devenir un avec Dieu, et comment éviter tout ce qui pourrait vous distraire de cette union divine? Il n'y a ici rien de neuf. Son objectif est celui de toutes les formes de mysticisme extatique: échapper au monde et accéder à la transcendance dans toute sa gloire.

Une question s’impose: si aucune des écoles qu'elle a mentionnées n'a pu aller au-delà d'un embryon de réponse, comment peut-elle croire que sa propre école est supérieure? Croyons-la quand elle affirme que la sienne est dynamique du point de vue intellectuel, peut-être davantage même que les anciennes écoles de l'Égypte, de la Grèce, et ainsi de suite. Mais de quelles méthodes supérieures, de quelles armes du Nouvel Âge dispose Jean Houston pour dire qu'elle va pouvoir enfin offrir la délivrance à ceux qui désirent transcender leur condition présente? Comment va-t-elle réussir, là où tant d'autres ont échoué à révéler les secrets de l'univers et à offrir une voie sûre à tous ceux et celles qui sont remplis de potentiels, qui tentent de toutes leurs forces de se métamorphoser en quelque chose de merveilleux, de grand, de transformationnel et de puissant? Le seul moyen de le savoir est de mettre la main dans sa poche et de suivre les cours. Entre-temps, on peut toujours examiner la biographie de Mme Houston elle-même, ainsi que le mythe dont elle s'entoure.

Jean Houston ne serait sans doute rien d'autre qu'un motivateur nouvel-âgeux prospère parmi tant d'autres si Bob Woodward, dans The Choice, n'avait pas révélé au monde qu'elle avait rencontré Hillary et Bill Clinton, et que Hillary avait eu des conversations imaginaires avec Eleanor Roosevelt et Mohandas Ghandi. Woodward disait également que dans le passé Houston a utilisé le LSD et l'hypnose pour aider certains de ses clients à converser avec les grands personnages du passé. Il souligne cependant que les Clinton n'avaient eu recours ni à l'un ni à l'autre de ses moyens.

Il n'y a rien de particulièrement bizarre à imaginer des conversations avec les défunts (ni avec les vivants, d'ailleurs). En fait, une telle pratique pourrait être bénéfique, voire instructive. Ne s’est-on pas servi de cette idée pour écrire des livres, et même créer une émission de télévision dans laquelle on réunissait quatre personnages historiques de différentes époques qui bavardaient de choses et d'autres? Bien de nos plus grands écrivains, de nos plus grands penseurs ont tenu des conversations imaginaires avec des gens du passé. C'est une belle façon d'examiner certaines idées, de revivifier certaines notions, bref, de réfléchir.

Il semble injuste de comparer, comme l'ont fait certains médias, Hillary Clinton et Nancy Reagan. La première a consulté Houston, la seconde, des médiums et des astrologues. Houston ne pas une astrologue. Elle ne prétend pas non plus être médium, même si c'était ainsi qu'on a parlé d'elle dans le Newsweek, le Sacramento Bee et les nouvelles du soir de la chaîne CBS. Une nouvelle de l'Associated Press la désignait même sous le vocable équivoque de «chercheure métapsychique».

D'après le Newsweek (1er juillet 1996), Jean Houston possède un doctorat en philosophie des religions de l'université Columbia. Selon le Washington Post, elle se détient un doctorat en psychologie. Lors d'une émission de la chaîne NBC, Dateline, elle a affirmé détenir plusieurs doctorats, mais a précisé qu'il était particulièrement fier du doctorat en psychologie de la Union Graduate School. Hors caméra, elle a reconnu que c'était là le seul doctorat qu'elle possédait. Elle a plaidé l’erreur, mise sur le compte de la fatigue et du stress, mais il semble évident qu'elle a menti. Comment peut-on oublier le nombre de doctorats que l'on détient? Jusqu'à quel point sa biographie est-elle mensongère, où «mythique», comme elle-même le dirait? Était-elle vraiment amie d’Einstein et de Teilhard de Chardin? Est-elle vraiment la fille adoptive de Margaret Mead? A-t-elle vraiment rencontré Edgar Bergan et Charlie MacCarthy, de qui elle s'est inspirée pour sa méthode d'enseignement, quand elle avait huit ans? Personne ne devrait s'étonner si jamais on apprend que l'autobiographie de Jean Houston est en fait de la fiction, un mythe héroïque créé de toutes pièces par son imagination à partir de ses désirs profonds. Elle fait partie de ces philosophes du Nouvel Âge pour qui la vérité se crée. Elle ferait un excellent conseiller politique! À l'époque, elle s'était inquiétée de la mauvaise presse que son compte erroné de doctorats pourrait lui procurer. Allons donc! Si ça se trouve, sa renommée est appelée à croître, à atteindre des proportions inouïes, qu’elle-même ne soupçonne pas. Seuls ses propres mensonges pourraient lui causer du tort. Aux États-Unis, passe encore de mentir pour Dieu et la Patrie, ou à propos de ses exploits sexuels, mais on est moins tolérant envers le mensonge d’autoglorification. Si le public en venait un jour à apprendre que Jean Houston est une menteuse congénitale, il se trouvera inévitablement des cyniques pour prétendre que Bill ou Hillary lui ont servi de gourou plutôt que l'inverse. Ce qui serait faux bien sûr.

Quoi qu'il en soit, Houston est sans aucun doute un auteur prolifique. Elle est également ancienne présidente de l'Association for Humanistic Psychology, directrice du Human Capacities Training Program, et elle a également dirigé la Foundation for Mind Research de Pomona, dans l’état de New York, où, avec son mari, Robert Masters, elle a examiné les capacités de perceptions extrasensorielles de sujets sous l'influence du LSD ou de la psilocybine. On la retrouve au sein du comité de rédaction du Journal of Mind and Behavior, et elle offre des cours à distance par le Entelechy Institute. Les titres de quelques-uns de ses ouvrages nous renseignent sur leur auteur:

Dans ses livres et ses conférences, elle fait souvent référence aux «grandes traditions». «Dans toutes les grandes traditions – chrétiennes, bouddhistes, hindoues, soufies, juives – il est question d'éveil. Essentiellement, l’École des mystères est la sonnerie du grand réveille-matin venu d'en haut, qui vous permettra non pas d’entrer en résonance avec la pensée qu’elles contiennent, mais d’entrer en fusion avec elles. Un jour, la résonance peut cesser, mais la fusion est éternelle.» En contexte, la distinction peut sembler très profonde, mais hors contexte, elle est en fait profondément oiseuse. La fusion n’est en rien plus durable que la résonance; on peut défusionner aussi facilement qu’on dé-résonne. Houston aime bien employer les métaphores qui ont remporté un certain succès dans le monde éclectique de la transformation personnelle, chez les L. Ron Hubbard, les Richard Bandler, Werner Erhard, Frederick Lenz et Tony Robbins. Elle explique, par exemple, que son École «propose des exercices pratiques qui ont pour effet de recâbler le cerveau, le corps et le système nerveux, tout en faisant appel au potentiel évolutionnaire latent de votre instrument physique. Ce potentiel se trouve en vous, comme un encodage fœtal, depuis peut-être des dizaines de milliers d’années, mais il était impossible de l’activer avant que survienne une crise, couplée à l’émergence de différents aspects de complexité. On constate souvent qu’il n’y a émergence qu’en cas d’urgence. Ce n’est qu’en situation de survie que l’on trouve assez d’attention et de vigilance pour activer ces différents potentiels.»

Ce que Jean Houston a fait avant tout, c’est créer son propre mythe, auquel elle doit avoir fini par croire après avoir reçu assez de renforcement collectif de ses thuriféraires. Comme beaucoup d’adeptes du Nouvel-Âge, la distinction entre le mythe et la réalité lui semble un obstacle à l’obtention de la vérité, car leur vision de la vérité est entièrement subjective: la vérité est ce qu’on veut bien en faire.

Vous... êtes probablement, à l’heure actuelle, chacune des races qui a jamais existé, de même que chacune des espèces, comme nous le savons par l’étude de l’évolution du cerveau, dans lequel se trouve encodé la plupart des espèces...
 
Une fois qu’on se met à vivre hors de la Vie des profondeurs, on entame son existence dans la Vie mythique, et c’est là que les choses deviennent intéressantes!
 
Le corps/l’être/la béatitude. La corporalité/la bé-attitude/l’esseritude. Vous y êtes. Vous avez pénétré au cœur de l’en-tant-que-tellité, laissant derrière vous la ligne de partage. On n’a besoin de ligne de partage que lorsqu’on est partagé, pas lorsqu’on est Un.
 
...vous avez en vous non seulement tout le passé de l’évolution, mais aussi une autre réalité, entièrement différente, une réalité des profondeurs... C’est le grand domaine créateur archétypal: hyperspatial, hypertemporel, mais coexistant d’une certaine façon avec la conscience. Le Domaine des profondeurs, le domaine des dieux, des déesses, des anges, personnalités-limites sacrées, principes créateurs, schémas archétypaux.
 
Vous êtes le mystère, et la raison d’être de l’École est de vous apprendre à perdre pied.
 
L’ennui, c’est que lorsque nous avons perdu le mythe, nous avons perdu le reste de l’histoire. Et nous nous sommes retrouvés collés devant le téléviseur...

Toutes ces choses que j’ai déjà sues... dans une vie antérieure.

 

Voir aussi: Pensée Nouvelle.

Dernière mise à jour le 29 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary