LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

La diète Feingold: bénéfices douteux, risques subtils.
Stephen Barrett, M.D.

En 1973, Benjamin Feingold, M.D., un allergiste pédiatrique de la Californie proposa que les salicylates, les colorants artificiels, et les saveures artificielles étaient la cause d'hyperactivité chez les enfants. (L'hyperactivité est aujourd'hui classifiée comme un trouble de manque de concentration ("attention deficit disorder" ou ADD, aussi connu comme "attention/hyperactivity deficit disorder" ou ADHD). Pour traiter ou prévenir cette condition, Feingold a suggéré une diète sans ces produits chimiques. Les disciples de Feingold maintiennent aujourd'hui que l'asthme, l'éneurésie (mouiller le lit), les otites, les troubles des muscles oculaires, les convulsions, les troubles de sommeil, les douleurs d'estomac, et une longue liste de symptômes peuvent bien répondre au régime de Feingold et que la sensibilité aux additifs synthétiques et/ou aux salicylates puisse être un facteur de traits de caractère antisocial, le l'aggressivité compulsive, d'auto-mutilation, de troubles de raisonnement, du bégaiement, et de maladresse exceptionnelle. Le "Symptom Checklist" (liste des symptômes) sur le site web de "Feingold Association of America" (FAUS) incluent beaucoup de conditions additionnelles.

L'adhésion à la diète de Feingold exige un changement de style de vie familiale et des habitudes alimentaires, particulièrement pour des familles qui doivent préparer des repas "à partir de zéro." Feingold a recommandé fortement que l'enfant hyperactif prépare lui-même les aliments spéciaux et encouragé que toute la famille participe au régime diététique. Il recommande aussi aux parents d'éviter les médicaments disponibles au comptoir ou sur prescription et de limiter leurs achats de rince-bouches, pâte dentrifrice, pastilles, parfum, et d'autres produits non-alimentaires à ceux publiés dans le "Food List and Shopping Guide" de FAUS publié annuellement.

Les recommandations courantes conseillent un plan à deux étapes qui commencent en supprimant les colorants et saveurs artificiels; les additifs BGA, BHT, et TBHQ; les produits contenant de l'aspirine; et les aliments contenant des salicylates naturels. Si une amélioration survient dans quatre à six semaines, certains aliments peuvent être ré-introduits prudemment, un à la fois [1]. Toutefois, le Livre de recettes Feingold, Feingold Cookbook (publié en 1979 et disponible pendant plusieurs années) nous met en garde:

Une réponse favorable à la diète dépend sur un suivi à 100%. La moindre infraction
peut mener à la faillite: une bouchée ou une gorgée peut causer une réaction
désagréable qui peut persister plus de 72 heures. [2]

Plusieurs parents qui ont suivi les recommendations de Feingold ont rapporté une amélioration dans le comportement de leurs enfants. FAUS, qui a des branches à travers le pays, maintient que l'agitation, les difficultés de sommeil, manque d'attention, l'auto-mutilation, les traits antisociaux, le manque de coordination musculaire, des déficits de mémoire, l'asthme, l'éneurésie, les maux de tête, l'urticaire, les convulsions, et plusieurs autres problèmes peuvent être améliorés en suivant la diète de Feingold. [3] Mais des études prudemment structurées ne réussissent pas à appuyer l'idée que les additifs soient responsables de tels symptômes dans la vaste majorité des enfants. L'amélioration dans la plupart des cas, si elle survient, semble reliée aux changements dans la dynamique de la famille, comme une attention plus particulière aux enfants. Les experts ont aussi noté que les aliments recommandés dans le livre de Feingold de 1975 'Why Your Child Is Hyperactive' incluaient certains à contenu élevé de salicylates et excluaient d'autres à contenu bas.

Les conclusions de la recherche

Dans l'etude idéale, les enfants dont le comportement semble avoir été amélioré en ayant suivi la diète Feingold, les enfants continuent la diète mais subissent périodiquement des provocations (challenges) avec l'addition d'un ou plusieurs aliments soupçonnés. Dans des conditions idéales, la procédure doit être faite à l'aveugle à double insu*, de façon à ce que les participants et les investigateurs ne sachent pas quelles substances sont administrées. En 1980, un groupe d'investigateurs rassemblés par la Nutrition Foundation aurait conclut:

Suite à sept études comprenant environ 190 enfants, à aucun moment y a-t-il eu de
façon consistante, ou dramatique, une modification du comportement des enfants
hyperactifs quand ils ont été provoqués avec des colorants artificiels dans des
conditions à double insu, aveugle *. . . Il y a trois. . . exceptions à ces conclusions
négatives, mais dans les trois cas, la détérioration du comportement a été rapporté
par la mère sans autre évidence objective qui pouvait la confirmer. . . . Sans
confirmation par des analyses objectives et/ou observations externes, même ces
exceptions ne peuvent pas être considérées comme évidence définitive qu'il pourrait
y avoir une sensibilité déterminée génétiquement aux colorants alimentaires. Malgré
que personne puisse prouver que de tels enfants existent, l'étude a été faite sur un
nombre suffisant d'enfants sélectionnés spécifiquement pour qu'on se sente confiant
que si une telle sensibilité existe, si identifiée, elle serait rare. Ces constatations
négatives sont fortement en opposition aux conclusions du docteur Feingold et
d'autres, qui ont rapporté que 32 à 60 % des enfants étaient améliorés de façon
dramatique quand évalués ouvertement sans groupe contrôle ou placébo*. [4]

En 1983, le co-président de l'équipe d'investigateurs et un collègue ont fait une revue d'études additionnelles et ont conclut que pas plus que 2% des enfants vont réagir de façon adverse aux colorants additifs, et même cette statistique est douteuse [5]. Depuis, les conclusions d'études ultérieures ont été mixtes. Certains chercheurs ont rapporté aucun effet [6-7] et certains de l'aggravation du comportement durant des essais de provocation [8-10]. Toutefois, il est clair que le pourcentage d'enfants qui peuvent devenir hyperactifs en réponse à des additifs alimentaires est très petit. Le sucre et l'aspartame (un édulcorant artificiel) ont aussi été accusés d'avoir causé de l'hyperactivité, mais des études bien structurées n'ont pas trouvé d'évidence pour appuyer ces prétentions [11-13].

Déclarations illimitées

Les déclarations des adeptes de Feingold ont de plus en plus augmenté, et certaines ressemblent à celles faites par les écologistes cliniques. Le Feingold Handbook de 1986 par exemple, déclare que la "sensibilité à des produits chimiques synthétiques dans les aliments et l'environnement, et à certains salicylates naturels" peut causer chez les adultes, de la nervosité, de la fatigue chronique, un caractère impulsif, une mauvaise image de soi-même, de la mauvaise coordination, de la lassitude mentale et physique, des crises de tempérament, des maux de tête, de la dépression, des difficultés de sommeil, et une "tendance à interrompre." Ces prétentions sont absurdes.

Dans le numéro de sept.1992 de Pure Facts, le bulletin de l'association Feingold, ils ont rapporté des enseignants et des enfants affectés par les effets des produits chimiques utilisés dans la construction, l'ameublement, l'entretien, les rénovations, le contrôle de la vermine, les services d'alimentation, et dans les activités scolaires quotidiennes dans leurs écoles. Un article intitulé "le syndrôme des bâtisses scellées" ("The Sick Building Syndrome") rapportait qu'un enfant a du être discipliné de façon répétée parce qu'il réagissait au parfum de l'enseignante, qu'un autre serait devenu abusif envers sa mère à cause du fait qu'on a peinturé la salle à manger à l'école, et encore qu'un autre a nécessité des cours de soutien à cause d'une réaction sévère reliée à une fuite d'huile de la fournaise à l'école. Malgré que l'exposition à des niveaux significatifs de vapeurs chimiques dans des endroits peu aérés puisse rendre certaines personnes malades, il s'agit d'incidents très rares. L'idée que l'odeur de parfum puisse causer des troubles de comportement est insensée.

Risques réels.

Parce que la diète de Feingold n'est pas nuisible, on peut croire qu'elle puisse être bénéfique dans certains cas. Toutefois, les bénéfices possibles doivent être comparés aux dommages qu'elle puisse causer dont

(1) faire accroire aux enfants que leur comportement et performance scolaire sont reliés à ce qu'ils mangent plutôt qu'à ce qu'ils ressentent,

(2) amoindrir leur amour propre en implantant des notions qu'ils sont malades ou fragiles,

(3) créer des situations dans lesquelles leurs habtudes alimentaires ou la peur des produits chimiques les rendraient 'spéciaux', différent des autres enfants, et

(4) les empêchant d'avoir l'opportunité de recevoir de l'aide professionnel.

Pour plus de renseignements

Références

1. Food List and Shopping Guide: 1997. Alexandria, Va.: Feingold Association of the United States, 1996.
2. Feingold BF. The Feingold Cookbook for Hyperactive Children. New York: Random House, 1979.
3. The Feingold Handbook. Alexandria, Va.:The Feingold Association of the United States, 1986.
4. Wender EH, Lipton MA. The National Advisory Committee Report on Hyperkinesis and Food Additives-Final Report to the Nutrition Foundation. Washington D.C: The Nutrition Foundation, 1980.
5. Lipton MA, Mayo JP. Diet and hyperkinesis: A update. Journal of the American Dietetic Association 83:132134, 1983.
6. Rowe KS Synthetic food colourings and 'hyperactivity': A. double-blind crossover study. Aust Paediatric Journal 24:143147, 1988.
7. Gross MD and others. The effects of diets rich in and free from additives on the behavior of children with hyperkinetic and learning disorders. Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry 26:5355, 1987.
8. Carter CM and others. Effects of a few food diet in attention deficit disorder. Archives of Disease in Childhood 69:5648, 1993.
9. Boris M, Mandel FS Foods and additives are common causes of the attention deficit hyperactive disorder in children. Annals of Allergy 72:462468, 1994.
10. Rowe KS, Rowe KJ. Synthetic food coloring and behavior: A dose response effect in a double-blind, placebo-controlled, repeated-measures study. Journal of Pediatrics 125:691698, 1994.
11. Wolraich ML and others. Effects of diets high in sucrose or aspartame on the behavior and cognitive performance of children. New England Journal of Medicine 330:301307, 1994.
12. Wolraich ML and others. The effect of sugar on behavior or cognition in children: A meta-analysis. JAMA 274:16171621, 1995.
13. Krummel DA and others. Hyperactivity: Is candy causal?. Critical Reviews in Food Science and Nutrition 36(1-2):31-47, 1996.