LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

Vision à distance

Prétendue capacité de «voir» des lieux, des personnes et des événements situés hors de la portée des sens ordinaires. On peut dire que la vision à distance est la forme métapsychique de la rhabdomancie, et que les seuls pouvoirs de l’esprit y remplacent le pendule ou la baguette du sourcier. Ces pouvoirs peuvent s’appliquer à la recherche de n’importe quoi, à l’échelle de la galaxie au besoin: du pétrole, des montagnes sur Jupiter, un enfant disparu, un cadavre enterré quelque part, l’endroit – à des milliers de kilomètres de là – où un otage est détenu, des personnes qui travaillent à l’intérieur du Pentagone ou du Kremlin, et ainsi de suite.

Deux américains, Ingo Swann et Harold Sherman, affirment avoir «visité» Mercure et Jupiter à distance. Selon Russell Targ et Harold Puthoff, leur description de ces deux planètes correspondait assez bien aux observations faites par les sondes Mariner 10 et Pioneer 10. Une comparaison semblable effectuée par Isaac Asimov a cependant établi que 46% des observations de nos deux explorateurs astraux étaient erronées. De plus, seule une affirmation sur 65 venant des deux hommes portait sur des faits qui n’étaient ni évidents ni faciles à obtenir dans des ouvrages de référence [James Randi].

Le fait que Swann ait prétendu avoir «vu» sur Jupiter une chaîne de montagnes de 30 000 pieds de haut quand on sait que la chose est impossible ne semble pas avoir mis la puce à l’oreille de Targ et de Puthoff. Difficile de voir comment on peut accorder foi à pareilles calembredaines: si Swann racontait qu’il a «visité» Paris et qu’il a «vu» que la ville était traversée par une chaîne de montagnes de 30 000 pieds, le croirait-on parce qu’il affirmerait également y avoir vu une rivière traversée de nombreux ponts? Swann, dans une jolie hypothèse ad hoc, dit maintenant que le voyage astral est si rapide qu’il s’est sans doute rendu beaucoup plus loin que Jupiter; en fait, il voyait une autre planète, dans un autre système solaire! Quelque part au sein d’une galaxie lointaine, dans un système solaire quelconque, sur une planète inconnue, il y a une grande chaîne de montagnes…

La CIA et l’armée américaine ont mordu à l’hameçon à tel point qu’ils ont consacré des millions de dollars à un programme de recherches nommé «Stargate». On y demandait à des voyants d’essayer de trouver où Khadafi se cachait en Lipare (afin que la U.S. Air Force puisse lui balancer des bombes sur la tête) et de localiser un avion qui avait disparu en Afrique. Les médias américains, toujours prêts à signaler les gaspillages de fonds publics, ont fait preuve d’une remarquable absence de jugement critique à propos de la vision à distance. Dans la région de Sacramento, par exemple, les chefs d’antenne Alan Frio et Beth Ruyak ont fait les manchettes de leur émission du 28 novembre 1995 en parlant de «nouvelles preuves étonnantes» au sujet de la vision à distance. Le Sacramento Bee avait lancé la même histoire le matin même, dans un article signé par Richard Cole, de l’agence Associated Press, intitulé «Stargate». «Un voyant particulièrement talentueux», écrivait Cole, «a dessiné des éoliennes au moment où il pensait à une personne qui se trouvait dans un parc d’éoliennes à Altamont Pass.» Le «voyant particulièrement talentueux» en question s’appelait Joe McMoneagle, ancien espion métapsychique de l’armée américaine. Cole avait repris le témoignage de Jessica Utts, professeur de statistiques de l’université de Californie à Davis, chargée par le gouvernement d’évaluer «la fonction métapsychique» chez l’être humain. La télé de Sacramento a interviewé le professeur Utts, qui a confirmé qu’il y avait de bonnes raisons de croire que Joe McMoneagle possédait effectivement des pouvoirs spéciaux.

McMoneagle a servi dans l’armée pendant 16 ans, une bonne partie, sinon la majeure partie desquelles à titre d’espion métapsychique. Il affirme avoir aidé à retrouver les otages américains détenus en Iran à la fin du mandat de Carter. Aujourd’hui expert-conseil en matière de métapsychisme, il utilise son talent pour des exploits encore plus importants, comme le professeur Utts l’a expliqué. Montrant un dessin qu’aurait fait M. McMoneagle, elle a déclaré qu’il était le fruit de sa vision à distance. Un collègue chercheur s’était rendu à Altamont Pass, lieu renommé pour ses centaines d’éoliennes, installées dans un vaste paysage vallonné. Puisant dans ses ressources métapsychiques, McMoneagle a visualisé ce que voyait le chercheur, puis l’a dessiné. L’ensemble de la preuve sur la vision à distance se résume à un seul dessin, qui représente Altamont Pass, à en croire le professeur Utts. L’auteur du présent article a vu le dessin en question et peut affirmer qu’il présente une grande ressemblance avec Altamont Pass. Il présente aussi une grande ressemblance avec une flotte de navires aux prises avec une tempête, et à des débris volant dans un ciel d’orage.

McMoneagle n’est qu’un des sujets étudiés par Targ et Puthoff au Stanford Research Institute (aussi connu sous le nom de SRI International) de 1973 à 1989, de même que par un autre organisme au nom peu évocateur de Science Applications International Corp., qui a mené ses travaux de 1992 à 1994. Utts et Ray Hyman, psychologue de l’université de l’Orégon et penseur sceptique, ont rédigé des rapports distincts à propos de ces études. Utts a conclu que «l’existence d’une fonction métapsychique était bien établie», ce avec quoi Hyman était en désaccord. Dans son article de l’Associated Press, Cole a écrit que selon Utts et Ray Hyman, «certains aspects de la recherche étaient déficients. Le gouvernement n’avait souvent recours qu’à un seul "juge" pour décider à quel point les voyants s’étaient approchés de la bonne réponse. La décision aurait dû être corroborée par d’autres juges». On peut supposer que Hyman, sinon Utts, a sans doute exigé un peu plus de ces études qu’une simple corroboration par des juges différents.

Soucieux de l’intérêt du public, l’auteur de ces lignes a informé le poste de télé local et le professeur Utts de l’existence du défi paranormal de James Randi, récompensant de 1 000 000$ US quiconque serait en mesure de prouver qu’il possédait des pouvoirs paranormaux. Les témoignages sincères de Mme Utts et de M. McMoneagle auraient sans doute été insuffisants à cette fin. Jusqu’à présent, personne n’est venu réclamer le prix.

Un porte-parole de la CIA, Mark Mansfield, a déclaré: «L’Agence effectue un examen des programmes existants relatifs aux phénomènes paranormaux en général, et à la vision à distance en particulier, en vue de déterminer leur utilité pour les activités de renseignement». Il a également remarqué qu’on a jugé le programme Stargate «peu prometteur» au cours des années 1970, et qu’on l’a confié au Département de la Défense. À une certaine époque, plus de 16 voyants ou voyantes travaillaient pour le gouvernement, et l’organisme de renseignement de la Défense les mettait aussi à la disposition des autres départements du gouvernement américain. L’un de ces voyants, Davis Morehouse, s’est fait recruter après avoir été blessé d’une balle à la tête en Jordanie, à la suite de quoi il avait commencé à avoir des visions et de terribles cauchemars. Il a relaté son expérience dans un livre (Psychic Warrior), qui sera sans doute mieux accueilli par les croyants que la déclaration de Mansfield.

 

Voir également: Clairvoyance; Expérience de mort imminente; Pensée magique; Projection astrale; Superposition analytique et associative; et Voyage astral.

Dernière mise à jour le 23 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary