L'équation de Drake ou la métrique de l'ignorance
Robert Lamontagne, astrophysicien
Lors d'une allocution présentée chez les Sceptiques du Québec le 13 mai 2009, Robert Lamontagne, astrophysicien, reconnaît notre relative ignorance sur les possibilités de vie extraterrestre. Toutefois, il anticipe que l'examen astronomique de planètes extrasolaires nous apportera, dans les prochaines décennies, une réponse claire à cette question.
La recherche de la vie extraterrestre est l'un des problèmes qui fascinent le plus le grand public. Depuis quelques dizaines d'années, plusieurs programmes de recherche y sont d'ailleurs consacrés. Parmi ceux-ci, le programme SETI (Search for ExtraTerrestrial Intelligence) est probablement le plus connu de tous. Son objectif est de découvrir à distance des civilisations extraterrestres, intelligentes et technologiquement avancées, par le biais de leurs émissions dans le domaine des ondes radio.
Dans ce cas bien précis, la recherche s'articule autour d'une formule connue sous le nom « d'équation de Drake ». La probabilité de succès du programme SETI dépend en grande partie de la « solution » de cette équation. Quelle est l'origine de cette équation ? Quels paramètres sont bien cernés ? Quelles sont les incertitudes sur les autres ? Est-ce que l'équation est appropriée au problème de la vie extraterrestre ? C'est à ces questions et à quelques autres que le conférencier tentera de répondre.
Robert Lamontagne est astrophysicien à l'Université de Montréal et directeur exécutif de l'Observatoire du mont Mégantic (OMM). Il est aussi astronome-ingénieur de l'OMM depuis plus de vingt ans. À ce titre, il est responsable de toute l'infrastructure scientifique de l'observatoire.
Depuis quelques années, il s'intéresse surtout à la nouvelle science de l'astrobiologie, dont l'objectif est de comprendre l'origine et l'évolution de la vie dans l'Univers. Ses travaux de recherches les plus récents portent sur la caractérisation des planètes extrasolaires qui pourraient abriter la vie.
Robert Lamontagne, astrophysicien
Nous célébrons cette année 400 ans d’observations astronomiques. Galilée fut le premier à publier ses résultats d’observations du ciel avec un télescope, précise Robert Lamontagne. Sa lunette astronomique était rudimentaire : un long tube, muni de deux lentilles grossières à chaque bout. Elle lui a toutefois permis de discerner des cratères sur la Lune, certains satellites de Jupiter et les taches solaires.
En cette année 2009, de nombreuses activités de vulgarisation astronomique ont eu lieu et sont prévues. Le public est convié à y participer. L’Observatoire du Mont-Mégantic, par exemple, tiendra des événements spéciaux tout l’été. Les nombreuses associations d’astronomes amateurs du Québec font de même et organisent un congrès, ouvert à tous, à la fin de septembre à Montréal.
L’équation de Drake est une proposition mathématique qui tente d’estimer le nombre de civilisations technologiques dans notre galaxie, capables de communiquer sur de longues distances. La formule originale contient sept paramètres qu’il suffit d’évaluer pour obtenir le nombre recherché. La difficulté réside dans l’évaluation de certains paramètres pour lesquels aucune donnée empirique n’existe.
Présentement, le seul endroit dans notre galaxie où l’on sait qu’il y a de la vie c’est la Terre. Aucune forme de vie n’a été décelée ailleurs. Notre planète et la vie qui s’y trouve constituent le seul modèle qui nous permette d’imaginer ce que pourrait être la vie extraterrestre, estime le conférencier. Nous tentons donc, avec toutes sortes d’instrumentations et d’expériences, de trouver, hors de la Terre, des traces de vie semblable à la nôtre.
Nous cherchons ces indices partout dans l’univers, incluant le système solaire. Il est clair que les planètes autour du Soleil n’abritent pas de vie intelligente, sauf, bien entendu, la Terre elle-même. On ne peut espérer trouver que des microbes (ou fossiles de microbes) sur les autres planètes et lunes du système solaire.
Pour les astronomes, une telle découverte représenterait une avancée spectaculaire. Elle ferait sûrement la une des journaux pendant quelques jours, avant d’être rapidement reléguée aux dernières pages... les microbes lointains n’intéressent pas le grand public. Le même phénomène s’est produit durant la découverte de planètes extrasolaires : la manchette pour la première planète, un désintérêt presque total pour les suivantes (nous en avons découvert environ 350 jusqu’à présent, à raison de 2 ou 3 par mois).
La quête d’une vie extraterrestre soulève de nombreuses questions auxquelles on ne peut répondre qu’en s’inspirant du modèle terrestre. L’ensemble des mécanismes physiques, chimiques, biologiques et géologiques qui ont mené à la vie sur Terre ont-ils pu se répéter ailleurs ? Et si oui, comment en estimer la probabilité pour déterminer si cela vaut la peine d’investiguer ? Où chercher et quelles sont les façons les plus efficaces de le faire ?
L’exobiologie, en tant que science qui s’intéresse à la vie extraterrestre, n’a pas encore de sujet d’étude, note Lamontagne. Elle examine les facteurs et les processus qui ont vraisemblablement été à l’origine de la vie sur Terre pour émettre des hypothèses sur les possibilités de vie sur d’autres planètes. Certains principes l’encouragent à penser que sa quête sera éventuellement fructueuse.
Le principe d’uniformité soutient que les lois de la physique sont les mêmes partout dans l’univers. Elles s’appliquent uniformément à toutes les étoiles dans toutes les galaxies ; il n’y a pas d’exceptions. La gravité, par exemple, exerce son attraction de la même façon sur la Terre que sur la Lune, ce qu’on a pu vérifier lorsque l’on s’y est posé il y a 40 ans. Les planètes extrasolaires suivent les mêmes lois autour de leur étoile que les planètes de notre système autour du Soleil. La fusion nucléaire qui fait briller notre Soleil fait de même pour toutes les étoiles qu’on peut observer.
Si les lois physiques s’appliquent partout, les lois de la chimie et de la biologie également, car elles découlent des forces physiques fondamentales. Ainsi, sous des conditions similaires, on observera les mêmes réactions chimiques et biologiques dans tout l’univers. Cette uniformité des lois physiques a été maintes fois vérifiée soit en laboratoire, soit par des navettes et sondes spatiales, soit par des télescopes et des radiotélescopes.
Si les lois de la physique s’appliquent partout dans ce grand univers, des conditions propices à un événement le feront arriver ici comme ailleurs. C’est ce qu’on appelle le principe de plénitude. Si on dispose de suffisamment de temps, des conditions semblables produiront à la longue le même effet. L’univers aurait sans doute généré, selon ce principe durant les 14 milliards d’années de son existence, des molécules de vie, comme l’ADN sur Terre, en d’autres endroits. Bien qu’il soit difficile à prouver, ce principe de plénitude semble raisonnable.
Le mot « médiocrité » est ici employé dans le sens de « moyen » (ce principe est aussi appelé principe de Copernic). La Terre est considérée par ce principe comme une planète « moyenne » où se sont déroulés des événements ordinaires dans des conditions ordinaires en orbite ordinaire autour d’un soleil ordinaire. Si la Terre n’a rien de spécial, on devrait en principe trouver d’autres Terres tournant autour d’autres soleils ici et là dans l’Univers. Penser le contraire supposerait que nous occupions une place privilégiée dans l’univers...
Selon les principes d’uniformité et de plénitude, nous devrions trouver sur ces autres copies de la Terre une vie ressemblant à la nôtre – dans les grandes lignes. Le principe biologique d’évolution des espèces par sélection naturelle s’appliquerait pour donner toutes sortes de formes de vie, plus ou moins semblables à celles que nous trouvons sur Terre. Une vie intelligente pourrait s’y développer ; elle aurait sans doute une forme différente de nous, mais serait assez curieuse pour découvrir les mêmes lois physiques que nous et se poser les mêmes questions que nous.
Le principe de médiocrité est controversé. Même si, après Copernic, on sait que la Terre n’est plus le centre de l’Univers et qu’elle tourne autour d’une étoile bien ordinaire parmi des centaines de milliards d’autres étoiles qui forment une galaxie moyenne semblable à des milliards d’autres, sommes-nous aussi ordinaires que les apparences laissent croire ?
Les astronomes cherchent donc une autre Terre, soit une planète rocheuse entourée d’une atmosphère plus ou moins épaisse et sur laquelle se trouve un milieu liquide abondant, préférablement de l’eau. Ces trois caractéristiques requièrent tout de même des conditions assez précises. La planète doit avoir une masse moyenne, ni trop petite ni trop massive, pour retenir une atmosphère. Elle doit être à une distance raisonnable de son étoile pour que la température n’y soit ni trop froide ni trop chaude, permettant ainsi de l’eau liquide à sa surface.
On n’a pas encore trouvé une telle planète parmi les 350 planètes extrasolaires découvertes ; elles ont de dix à mille fois la masse de la Terre. Mais, cela ne saurait tarder. Le télescope Kepler, qui vient d’être lancé (mars 2009) en orbite autour du point de Lagrange L2 du système Terre-Lune, aura justement cette mission pour les trois prochaines années. Le raffinement des techniques d’observation et d’analyse nous permet maintenant de trouver des planètes de taille et masse semblable à la Terre. Il ne nous reste plus qu’à en trouver une qui soit dans la zone « habitable » d’une étoile. La vie s’y sera-t-elle développée ? Cela reste aussi à déterminer.
Quels détails d’une planète pourrons-nous observer à travers un télescope ? Le conférencier montre trois photos prises de trois endroits différents du système solaire. La première a été prise de la Lune, à 400 000 km de la Terre, lors d’une des nombreuses missions Apollo (une belle boule bleue). La seconde nous vient de la sonde Mars Global Surveyor à 60 millions de km de la Terre (un disque lumineux). Et la troisième montre la Terre vue des environs l’orbite de Pluton par Voyager 1, aux confins du système solaire à environ 6 milliards de km de la Terre (un point pâle, mais bleu). Pourtant, à partir de chacune de ces images, on pourrait conclure qu’il y a de la vie sur cette planète.
Dans les prochaines années, avec d’excellents télescopes, nous ne verrons pas mieux des planètes extrasolaires semblables à la Terre que l’image obtenue par la sonde Voyager 1. Nous ne pourrons y distinguer ni continents ni océans. Nous ne verrons qu’un point minuscule et peu brillant. Mais, la lumière diffuse captée pourra nous dire si oui ou non il y a de la vie sur cette planète.
Pour mieux comprendre les possibilités de vie extraterrestre, survolons l’histoire de la planète Terre, propose le conférencier. Elle est née il y a 4,6 milliards d’années de débris rocheux virevoltant autour du Soleil qui commençait sa vie d’étoile. Quatre temps géologiques suivirent : Hadéen, Archéen, Protérozoïque, Phanérozoïque. Nous sommes présentement dans l’ère Phanérozoïque soit l’ère du vivant. On a défini ces différentes époques en creusant dans le sol pour y identifier différentes couches géologiques.
Plus la couche est profonde plus elle est vieille. À mesure que l’on creuse, on trouve, entre autres, des fossiles de mammouths, de tyrannosaures, de brachiosaures... et finalement de trilobites. Et puis, au-delà de 500 à 600 millions d’années, aucun fossile. Déjà, à la Renaissance, les paléontologues s’étaient aperçus qu’au-delà d’une certaine profondeur, on ne trouvait plus de fossiles. Cela semblait indiquer le début de la vie. Avec le temps, les méthodes d’identification de fossiles se sont améliorées. On décèle maintenant des fossiles de petits animaux gélatineux, sans squelette ni carapace, dans des couches datées de milliards d’années.
Sans encore connaître le moment précis ni la forme de la vie originelle, on a tout de même une histoire assez cohérente de l’évolution de la vie sur Terre. Durant les premiers 600 millions d’années de sa vie, la Terre se refroidissait, mais elle était ravagée par des catastrophes géologiques continuelles : chutes d’astéroïdes et de comètes, volcanisme incessant... Elle était entourée d’une atmosphère très riche en dioxyde de carbone, mais dépourvue d’oxygène gazeux. Une époque très inhospitalière à la vie telle que nous la connaissons aujourd’hui. Toutefois, son atmosphère et ses mers contenaient les éléments chimiques nécessaires à la vie : de l’eau, du carbone et des minéraux.
On peut imaginer que des molécules de plus en plus complexes on put s’y former. Et, il y a environ 3,5 milliards d’années, les premières formes de vie sont apparues : bactéries et microbes, dont les cyanobactéries qui polluent aujourd’hui certains de nos lacs. Ces bactéries inventeront la photosynthèse, qui est une façon d’utiliser efficacement la lumière du Soleil, l’eau et le dioxyde de carbone pour fabriquer des copies d’eux-mêmes et des structures organiques complexes (sucres, lipides...).
Ce processus rejette de l’oxygène pur dans l’atmosphère qui n’en contenait pas. Ces premiers organismes transforment la chimie de notre atmosphère. Pendant 2,5 milliards d’années, ces organismes vont dominer tous les écosystèmes de notre planète, excluant les terres émergées. Dans les régions côtières, d’immenses amoncellements de stromatolithes se formeront, la forme de vie la plus commune de microorganismes (logés dans des carbonates de calcium) durant presque deux milliards d’années.
Aujourd’hui pratiquement disparus, les stromatolithes ont peu à peu été grugés par des formes de vie plus complexes (vers, mollusques, etc.), apparues grâce à l’énergie de l’oxygène que les stromatolithes ont contribué à relâcher dans les océans et l’atmosphère. La vie complexe a été rendue possible sur Terre au cours d’une radicale transformation de la composition chimique des mers et de l’atmosphère qui viennent à contenir de plus en plus d’oxygène gazeux aux propriétés énergétiques favorables à la vie complexe et massive.
Il y a 500 millions d’années, des animaux de plus en plus gros ont commencé à peupler les mers et ont finalement migré sur les terres émergées. Différentes espèces s’y sont formées, se sont développées et se sont finalement éteintes. Celles qui ont survécu peuplent aujourd’hui la Terre, dont les primates, issus des mammifères, et les humains qui la dominent aujourd’hui par leur intelligence. Il ne faut pas conclure que l’intelligence est un aboutissement inévitable du développement d’une espèce. Les dinosaures ont dominé la Terre pendant 100 millions d’années sans parvenir à développer une technologie. De nombreuses autres espèces ont eu leur chance, mais l’ont raté. L’apparition de l’intelligence demeure donc fortuite ; elle n’est pas nécessairement une conséquence de l’évolution biologique, note Lamontagne.
Rappelons que la technologie avancée sur Terre ne date que d’une centaine d’années, elle-même le fruit de la civilisation humaine qui dure depuis environ 10 000 ans, soit trois dix millièmes d’un pour cent de toute l’histoire de la vie sur notre planète. En comparaison, les microbes ont dominé notre planète pendant au moins trois milliards d’années et sont très présents encore aujourd’hui. Durant 90 % de la vie sur Terre, ils étaient seuls et ont contribué à changer la composition chimique de l’environnement. Ainsi, notre recherche de vie extraterrestre a beaucoup plus de chance d’aboutir à la découverte de vie microbienne que de vie complexe et massive.
Comment peut-on déceler des traces de vie extraterrestre ? L’action des microbes, comme celle de gros organismes vivants, sur terre comme dans la mer, transforme la chimie de notre planète. Micro-organismes et plantes émettent de l’oxygène par photosynthèse. Les grands pâturages rejettent d’énormes quantités de méthane, de même que certaines cultures humaines, telles les rizières composées de matière végétale qui pourrit dans l’eau. De plus, la civilisation humaine rejette de grandes quantités de dioxyde de carbone et d’oxydes d’azote.
Nous sommes passés d’une planète dominée par la signature du dioxyde de carbone dans l’atmosphère à une planète dominée par la présence d’oxygène, d’ozone, de méthane, de vapeur d’eau et de dioxyde de carbone. Cette combinaison de gaz est typique de vie semblable à celle de la Terre. Si toute vie disparaissait sur notre planète, sous l’influence de la lumière solaire et en moins d’une centaine d’années, oxygène et méthane formeraient des réactions qui progressivement les élimineraient de la surface de la Terre. Bactéries, plantes et animaux réapprovisionnent constamment l’atmosphère terrestre de ces gaz. Ainsi, avance Lamontagne, si on détecte la signature de ces gaz sur une planète extrasolaire, on pourra conclure qu’elle abrite la vie : bactéries, plantes ou animaux – sans même voir les détails de sa surface.
L’activité humaine est aussi responsable d’une autre caractéristique de la vie : des ondes radio contenant de l’information. Depuis environ cent ans, la Terre émet de telles ondes vers le cosmos dans toutes les directions. Ces émissions sont constituées d’un mélange d’ondes à diverses fréquences de tous les coins de la planète, particulièrement de ceux où la population est la plus dense et la plus technologiquement avancée. Le fait que ces ondes radio, provenant d’une petite planète, soient plus importantes que celles émises par l’étoile autour de laquelle elle tourne constitue une anomalie qui trahit notre présence.
Pour raffiner les méthodes de détection de vie sur d’autres planètes, le conférencier étudie les traces de vie... sur Terre, mais de façon détournée. Il examine la lumière « cendrée » qui provient de la Lune, soit la lumière solaire réfléchie par la Terre vers la Lune qu’on peut observer à partir de la Terre. Elle a alors traversé l’atmosphère terrestre au moins trois fois et contient des informations sur sa composition. Si on peut démontrer qu’il y a de la vie sur Terre avec cette méthode, celle-ci sera aussi utile pour déterminer si une planète extrasolaire contient de la vie.
À l’aide d’un spectrographe, on peut discerner dans la lumière « cendrée » la signature chimique de l’ozone, de l’oxygène, de la vapeur d’eau et même des plantes vertes ! En procédant aux mêmes analyses avec la lumière d’une planète extrasolaire, on pourra déterminer si elle contient de la vie ou non. D’ici dix ou quinze ans, on aura probablement cette réponse. Cette technologie est à notre portée. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, on saura s’il y a de la vie ailleurs dans l’univers. Cette question quittera le domaine de la philosophie spéculative pour entrer dans le domaine des connaissances.
L’astronomie a suivi une évolution remarquable depuis quelques dizaines d’années. Il n’y a pas si longtemps, on espérait trouver d’autres systèmes solaires semblables au nôtre. Les manuels d’astronomie ne pouvaient décrire que les neuf planètes de notre système. Il y a aujourd’hui des chapitres complets sur d’autres systèmes planétaires se fondant sur les 350 planètes extrasolaires déjà découvertes. Ceux qui sont dans la cinquantaine aujourd’hui ont pu observer en direct les premiers hommes marcher sur la Lune. Ils pourront vraisemblablement savoir bientôt s’il y a de la vie hors du système solaire. Nous vivons dans une époque remarquable, s’exclame le conférencier !
L’étape suivante sera de tenter de déterminer si cette vie extrasolaire a développé une forme d’intelligence et une technologie assez avancée. Des ondes radio complexes, provenant d’une planète extrasolaire, indiqueraient clairement la présence d’une civilisation technologique, même si on ne peut décoder ces ondes. La connaissance de la force électromagnétique conduit forcément en quelques dizaines d’années à la radio et à la télévision, comme cela s’est passé sur Terre.
Ajoutons que, bien avant de pouvoir recueillir et analyser la faible lumière d’une planète extrasolaire, on savait capter les ondes électromagnétiques provenant de l’espace avec des radiotélescopes. Voilà cinquante ans qu’on cherche des indices d’une vie intelligente ailleurs dans l’univers par ce moyen. Au début, les astronomes étaient plutôt optimistes et espéraient capter des signaux intelligibles au bout de quelques années. Malheureusement, rien d’intéressant jusqu’à présent.
Les chances qu’une civilisation technologique se soit développée assez près de nous sont-elles assez grandes pour qu’il vaille la peine d’essayer de la trouver parmi les millions d’étoiles dans notre voisinage ? L’équation de Drake nous permettra justement d’estimer cette probabilité.
Dans le but de nous faire mieux comprendre l’idée générale derrière l’équation de Drake, le conférencier pose une question du même ordre, mais relevant d’une situation plus commune que celle de la vie extraterrestre : combien y a-t-il d’accordeurs de piano à Montréal ? Supposons que nous n’avons pas la possibilité de consulter l’annuaire des entreprises de cette ville. Il ne nous reste plus qu’à inventer une formule raisonnable qui nous donnera la réponse.
On doit présumer que l’accordeur de piano typique veut vivre de son métier et voudra y consacrer une quarantaine d’heures de travail par semaine. Les clients potentiels d’un accordeur se trouvant à Montréal, on doit d’abord connaître la population de cette ville et estimer la proportion des Montréalais qui ont un piano. Il faut aussi évaluer la fréquence moyenne à laquelle un propriétaire de piano le fait accorder et le temps moyen requis pour accorder un piano. Une équation suivant ces critères pourrait s’écrire de la façon suivante :
Population de Montréal
X fraction des propriétaires de piano
X fréquence d’accordage
X temps d’accordage
En estimant grossièrement les paramètres de cette équation, on arrive à un nombre approximatif d’accordeurs de piano.
2.000.000 d’habitants
X 1 famille sur 5 (de 4 personnes)
X 1 fois tous les 5 ans
X 2 heures (1 millième d’une année de travail)
2.000.000 X .05 X .2 X .001 = 20
L’annuaire publicitaire de Montréal en compte 19, s’exclame Lamontagne ! La réponse que donne l’équation est donc plausible. Elle aurait pu être de 15 ou 30 ou 45 accordeurs, dépendant de la valeur choisie pour ses paramètres, mais l’ordre de grandeur serait conservé. La réponse n’est ni 5000 ni 0.
Il a été assez facile d’évaluer les paramètres de l’équation des accordeurs de piano puisqu’ils correspondent à des situations familières. Personne n’a trouvé qu’ils étaient totalement déraisonnables. Ce sera beaucoup plus difficile d’évaluer les paramètres peu connus de l’équation de Drake pour déterminer le nombre probable de civilisations technologiques dans notre galaxie, pouvant communiquer par radio sur de grandes distances.
Voici la version classique de l’équation de Drake :
Nombre d’étoiles dans la galaxie
X fraction des étoiles de type soleil
X fraction des étoiles ayant des planètes
X fraction des planètes terrestres
X fraction des planètes ayant la vie
X fraction des planètes ayant une vie intelligente
X longévité d’une civilisation avancée
Ce dernier paramètre pourrait être plus critique qu’on ne le croit. La menace d’annihilation atomique a sans doute beaucoup diminué aujourd’hui, mais d’autres dangers liés à la pollution, le réchauffement climatique et la surpopulation ne seront pas faciles à surmonter. Présentement, les humains n’ont émis des ondes radio que depuis à peine cent ans (sur une durée de vie de 4,6 milliards d’années de la planète Terre). Et, déjà, des signes de la fragilité de notre civilisation apparaissent.
Dans cette variante de l’équation de Drake, les quatre premiers facteurs sont astronomiques et, aujourd’hui, se prêtent à une estimation raisonnable. Les deux suivants, de nature biologique, sont nettement plus difficiles à estimer. Et le dernier, plutôt sociologique, se révèle hautement spéculatif.
Durant les derniers quarante ou cinquante ans, plusieurs astronomes, dont Frank Drake et Carl Sagan, ont suggéré des valeurs pour ces paramètres. Durant les années 1960-1970, on dressait pour ces facteurs un portrait plutôt optimiste :
Étoiles dans la galaxie = 300 milliards
Étoiles de type soleil = 33 %
Étoiles ayant des planètes = 100 %
Planètes terrestres = 33 %
Planètes avec vie = 50 %
Planète avec intelligence = 75 %
Longévité d’une civilisation = ...
Le dernier facteur n’étant pas estimé, on supposait que le nombre de civilisations extraterrestres ayant développé une civilisation technologique, capable et désireuse de communiquer par radio sur de longues distances, était proportionnel à sa durée de vie (par rapport à la vie de sa planète). Si la longévité moyenne d’une telle civilisation était de l’ordre du dixième de la vie de sa planète, nous arriverions à plus d’un milliard de civilisations technologiques présentement dans notre galaxie.
Depuis une vingtaine d’années, on est beaucoup moins optimiste. Le principe de médiocrité est remis en question. La Terre n’est sans doute pas une planète typique d’un système solaire typique. Et les étoiles sont-elles vraiment équivalentes ? De plus, on ne sait vraiment pas comment la vie peut se développer sur notre planète. Les facteurs environnementaux sont complexes, des accidents dévastateurs ont conduit à des extinctions massives.
Des contraintes additionnelles, poursuit Lamontagne, s’ajoutent aussi à la formulation originale de l’équation de Drake :
1. L’habitabilité galactique : les conditions de vie sont-elles les même au centre comme en périphérie de la galaxie ? La concentration d’étoiles est plus dense près du centre galactique qu’en bordure de la galaxie. Ainsi, une étoile près du centre aura plus de chances d’avoir de proches voisines. Certaines de ses voisines pourront être des géantes qui terminent leur vie en explosant de façon catastrophique en supernovae projetant des rayons gamma, X et ultraviolets et des particules à haute énergie, radiations dangereuses pour la vie – même à une distance de quelques années-lumière.
En périphérie de la galaxie, la situation n’est pas non plus propice à la vie. Les éléments lourds, carbone, silicium, fer, manganèse, etc., sont plus abondants au centre qu’en bordure de la galaxie. Sans éléments lourds, on n’a pas de planètes rocheuses et peut-être même pas du tout de planètes.
Il existe donc une zone d’habitabilité galactique entre le centre et la périphérie où il y a beaucoup plus de chance d’avoir une planète rocheuse évoluant dans un voisinage stable. Un facteur de plus à ajouter à l’équation de Drake : la fraction des étoiles dans cette zone d’habitabilité galactique.
2. L’effet Jupiter : les quatre géantes gazeuses en périphérie de notre système solaire protègent les quatre planètes intérieures, dont la Terre, des astéroïdes ou comètes qui pourraient venir les percuter. En déviant ces bolides dangereux vers elles, ces géantes diminuent la fréquence des impacts dévastateurs sur notre planète. Sans Jupiter, on estime que la Terre aurait été frappée 10 000 fois plus souvent par des astéroïdes de toutes tailles. Il y a 65 millions d’années, un astéroïde de 10 à 15 kilomètres de diamètre aurait percuté la Terre et causé l’extinction des dinosaures et de bien d’autres espèces.
Pourtant, il semble bien qu’il faille avoir un certain nombre d’impacts importants pour permettre à la vie de se régénérer. Sans la chute de l’astéroïde qui a causé la disparition des dinosaures, les mammifères n’auraient sans doute pas connu l’essor nécessaire à notre venue. Il est donc souhaitable d’avoir une protection suffisante contre les impacts, mais pas au point de tout bloquer. Un équilibre fragile et peu probable.
3. L’effet lunaire : la présence d’un gros satellite autour d’une planète relativement petite comme la Terre procure un environnement stable propice à la vie. Cette présence est pourtant due à un accident. Au tout début de sa vie, la Terre aurait été frappée par un objet de la taille de Mars ; les débris de cette collision fortuite auraient formé la Lune.
Sans la présence stabilisatrice de la Lune, la Terre serait sujette à des changements brusques de son axe de rotation. Les cycles saisonniers deviendraient erratiques. Certaines espèces auraient de la difficulté à s’adapter à ces changements. En comparaison, l’axe de la planète Mars, qui n’a pas de grosse lune, oscille sur une période de 10 à 15 millions d’années. Parfois, il n’y a pas de saisons. Parfois, elles sont extrêmes. Son axe de rotation varie d’une quarantaine de degrés.
4. L’activité géologique : cette activité contribue grandement au maintien de la concentration des gaz à effets de serre qui assure à notre planète un climat relativement stable au cours de centaines de millions d’années. Activité volcanique, tremblements de terre et dérive des plaques tectoniques effectuent un travail stabilisateur en recyclant les gaz à effet de serre.
Cette activité géologique n’existe pas sur Mars, ni sur Vénus. Et, on n’a pas encore percé son origine et son fonctionnement sur Terre. Est-ce que c’est la masse de la Terre qui est l’élément déclencheur ? Est-ce dû au fait que la Terre contient beaucoup d’eau liquide ? Ou encore, parce que la Terre a été percutée par un objet de grande taille au début de sa vie qui a fragilisé l’écorce terrestre ? On l’ignore, mais cette activité joue clairement un rôle crucial dans la stabilité du climat et ainsi de l’évolution des espèces.
Pour tenir compte de ces contraintes additionnelles, on doit ajouter un certain nombre de paramètres à l’équation originale de Drake. Plus la valeur de ces paramètres sera petite, plus le nombre de civilisations extraterrestres potentielles diminuera. Si l’une de ces valeurs approche zéro, l’humanité pourrait être la seule civilisation technologique dans la galaxie...
Étant donné qu’on ne connaît pas vraiment la valeur de plusieurs de ces paramètres, groupons-les pour déterminer la sensibilité des résultats à la longévité d’une civilisation, propose le conférencier. Le symbole p devient donc le produit de tous les facteurs physiques (astronomie, chimie, géologie, biologie), sauf pour le dernier qui réfère à la durée de vie moyenne L d’une civilisation en années (facteur sociologique).
Si on multiplie le facteur p par la longévité L, on obtient le nombre de civilisations (en rouge) indiqué en haut de chaque cellule du tableau suivant. La valeur au bas de chaque cellule (en noir) représente la distance moyenne entre chacune de ces civilisations en années-lumière (A.L.), calculée en supposant que ces civilisations sont distribuées uniformément dans le volume de notre galaxie.
Les super optimistes choisiront la cellule inférieure gauche en utilisant le facteur p le plus grand et la plus longue durée d’une civilisation, soit 10 milliards d’années, ce qui correspond à peu près à la durée de vie de notre soleil. Selon ce tableau, la civilisation la plus proche de nous serait à une année-lumière. Ce n’est manifestement pas le cas, puisque l’étoile la plus proche de nous est à 4 années-lumière et n’a pas de planète connue.
Les plus pessimistes opteront pour le coin supérieur droit, là où la probabilité de naissance de la vie est la plus basse et la durée d’une civilisation très courte, de l’ordre d’un siècle. Nous y sommes déjà arrivés et nous avons survécu – jusqu’à présent. On serait alors probablement seuls dans notre galaxie et sur le point de nous annihiler !
Les évaluations des années 1960 à 1980 (de Frank Drake et Carl Sagan, entre autres) nous situaient à peu près au milieu du tableau, soit quelques centaines à quelques milliers de civilisations technologiques séparées par quelques centaines à quelques milliers d’années-lumière. N’oublions pas que ces astronomes ne considéraient pas les contraintes additionnelles découvertes plus tard.
Selon ce tableau, s’il y avait 100 millions de civilisations dans notre galaxie, la plus proche de nous serait à quelques dizaines d’années-lumière. Nous pourrions probablement la détecter avec nos instruments présents. Cette civilisation extraterrestre connaîtrait probablement notre présence puisque nous émettons des ondes radio depuis environ 80 ans. On pourrait aussi vraisemblablement échanger des informations, même si cela prenait autour de 150 ans pour envoyer et recevoir.
Si nous ajoutons les contraintes additionnelles mentionnées, les scénarios originaux se déplacent à droite vers un plus petit nombre de civilisations dans notre galaxie. Au mieux, se trouve-t-il peut-être 10,000 civilisations technologiques dans notre galaxie. La distance moyenne entre elles serait autour de 2000 années-lumière, rendant les échanges presque impossibles. Au pire, nous serions presque seuls avec peu de chance de pouvoir communiquer avant de disparaître.
D’immenses distances nous séparent vraisemblablement d’une civilisation technologique voisine. Cela explique sans doute pourquoi le programme d’écoute radio SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence) n’a rien perçu d’intelligible jusqu’à présent. Il y a probablement d’autres civilisations technologiques dans notre galaxie, mais très loin de nous. Ce qui ne veut pas dire qu’on doive abandonner de telles recherches. Notre ignorance de la valeur réelle des paramètres de l’équation de Drake nous permet d’espérer.
On aura vraisemblablement plus de succès en tentant de déterminer par spectroscopie si les planètes extrasolaires les plus proches de nous révèlent les signatures chimiques du vivant. Cela nous permettra également de pouvoir raffiner la valeur de certains paramètres de l’équation de Drake. Si on détecte de la vie sur une exoplanète, elle aura plus de chances d’être primitive qu’évoluée, mais ce sera tout de même un grand pas en avant, conclut le conférencier.
Période de questions
Question : Jusqu’à quelle distance dans l’espace les ondes électromagnétiques émises de la Terre peuvent-elles être captées de façon intelligible ?
Réponse : Cela dépend du type d’émetteur, clarifie Lamontagne. Une source d’émission typique, comme la radio ou la télévision, se propage dans un large faisceau non cohérent qui se disperse assez rapidement. Une technologie semblable à la nôtre pourrait les capter jusqu’à une centaine d’années-lumière.
Au-delà de cette distance, seules les émissions plus cohérentes (plus concentrées) seraient détectables, tels les micro-ondes ou les radars des aéroports. Un mince faisceau d’ondes envoyé vers une région spécifique du ciel pourrait être capté à 1000 ou 10 000 années-lumière dans cette région, mais pas ailleurs. La possibilité de réception dépend surtout du raffinement des capteurs d’une civilisation extraterrestre, comme c’est le cas sur Terre.
Les antennes perfectionnées développées par la NASA peuvent capter les ondes envoyées par l’émetteur de 25 watts de la sonde Voyager 1 qui se trouve actuellement à plus de deux fois la distance Soleil-Pluton. Des groupes privés, reliés au projet SETI, financent aussi la mise en œuvre de systèmes capteurs composés de centaines de petits radiotélescopes branchées entre eux et pointés vers une même région du ciel. Il suffirait de trouver une seule source d’émissions intelligibles à 1000 ou 2000 années-lumière, par exemple, pour répondre à la question cruciale : y a-t-il de la vie intelligente ailleurs dans l’univers ?
Question : Pouvez-vous décrire brièvement la façon dont on peut connaître la composition chimique d’une lointaine planète ?
Réponse : La lumière qui nous provient du Soleil (ou d’une autre étoile) contient des photons d’énergies différentes, explique Lamontagne. Par exemple, les photons de lumière bleue sont plus énergétiques que ceux de lumière rouge. En traversant l’atmosphère terrestre, comme celle d’autres planètes, certaines molécules (dioxyde de carbone, oxygène, méthane) absorberont des photons à des énergies spécifiques, mais laisseront passer les autres photons.
Ainsi, la lumière réfléchie par la surface de notre planète, dont nous pouvons observer la réflexion sur la Lune, ne contiendra pas de photons à toutes les énergies solaires originales. La distribution des niveaux d’énergie restants sera caractéristique de l’absorption des gaz contenus dans l’atmosphère et constitue sa signature spectrale. Il faudra, bien sûr, soustraire la signature spectrale de la lumière solaire originale et de celle de la Lune pour ne garder que celle de l’atmosphère terrestre, une opération toutefois bien rodée.
Question : A-t-on déjà la technologie pour analyser le spectre de la lumière des exoplanètes ?
Réponse : Pas tout à fait, admet le conférencier, mais presque. On commence à peine à faire des photographies de certaines grosses planètes extrasolaires, mais pas encore de planètes de la taille de la Terre. On y a même détecté dioxyde de carbone, vapeur d’eau et méthane. En comparaison, ce serait des planètes de cinq à dix fois la taille de Jupiter au-delà de l’orbite de Neptune.
Peut-être que, dans dix ou quinze ans, nous pourrons photographier des planètes de la taille de la Terre dans la zone d’habitabilité d’une étoile. On s’attend que le télescope James Webb, dont le lancement est prévu en 2013, pourra obtenir des images de systèmes solaires complets. Des réseaux de télescopes encore plus performants sont prévus peu après. L’exochimie planétaire sera bientôt possible.
Question : Quelles caractéristiques des plantes favorisent leur détection à grande distance ?
Réponse : C’est le pigment de la chlorophylle qui donne la couleur verte des plantes et réfléchit la lumière dans l’infrarouge avec une bosse caractéristique. On pourrait aussi avoir des plantes d’autres couleurs qui seraient capables de photosynthèse. Il serait possible de les modéliser pour y détecteur le processus de photosynthèse.
Question : Quelles seraient les répercussions sociologiques de la découverte d’une civilisation extraterrestre, par exemple du point de vue religieux ?
Réponse : Une telle découverte soulèverait un certain nombre de questionnements embarrassants. On n’a qu’à penser à la prétention que l’Homme aurait été créé à l’image de Dieu. Un extraterrestre physiquement très différent de nous aurait-il également été créé à l’image du même Dieu ?
D’autres questions intéressantes ont également été débattues. Qui donc aurait autorité à parler au nom de la Terre ? Est-ce bien raisonnable d’indiquer notre position à des extraterrestres potentiellement malveillants ? Il existe même actuellement un moratoire contre l’envoi de tels signaux (sans doute pas complètement observé). Si on recevait un signal qu’on arriverait à décoder, devrions-nous répondre ? Qui le ferait et que contiendrait la réponse ? Des questions cruciales qui sont plus du ressort de la sociologie que de l’astronomie.
Question : Connaissez-vous le paradoxe de Fermi ? Il soutient que s’il y avait des civilisations extraterrestres avancées dans notre galaxie elles auraient déjà communiqué avec nous directement ou avec des sondes.
Réponse : Le paradoxe de Fermi laisse entendre que nous serions peut-être seuls dans la galaxie et que ce serait sans doute la raison pour laquelle on n’a pas été visité. Il est possible que ce soit le cas, reconnaît le conférencier. Il se peut aussi que des extraterrestres nous aient déjà trouvés, mais qu’ils nous gardent dans une sorte de zoo, sans interférer avec notre évolution, comme l’évoquent certains. Il serait pourtant surprenant que les nombreuses civilisations extraterrestres alléguées observent toutes la consigne de ne pas nous déranger...
Question : N’existe-t-il pas un protocole à suivre advenant la détection d’un signal jugé intelligent ?
Réponse : Il y a effectivement une procédure que les astronomes se sont entendus pour suivre dans ce cas, corrobore Lamontagne. En 1967, avant qu’on ne connaissance l’existence de pulsars, des signaux d’une grande régularité ont été brièvement considérés, à tort, comme provenant d’une intelligence extraterrestre. On ne connaissant alors aucun phénomène naturel qui aurait pu les produire. La nature surprenante de tels signaux doit se répéter sur une assez longue période et être validée auprès de plusieurs observatoires comme étant sans explications naturelles avant de conclure à un extraordinaire contact extraterrestre.
Question : Il ne semble pas qu’on soit vraiment plus avancé qu’il y a cinquante ans sur le nombre de civilisations technologiques dans notre galaxie. Avons-nous progressé ou savons-nous mieux ce qu’il faudrait pour pouvoir progresser ?
Réponse : On a assurément progressé sur l’évaluation des facteurs astronomiques de l’équation de Drake, classique ou plus complexe. Le nombre d’étoiles dans notre galaxie est plus sûr : autour de 300 milliards d’étoiles. Avec la découverte de 350 exoplanètes, la fraction des étoiles qui possèdent un système planétaire s’est précisé : environ 10 %. Le projet d’étude du système planétaire de 100 000 étoiles nous donnera bientôt une meilleure évaluation de la proportion des planètes de type terrestre.
Au sujet des facteurs biologiques, les progrès ne sont pas aussi manifestes. La fraction des planètes où la vie s’est développée et a finalement évolué vers une vie intelligente demeure encore spéculative. L’exobiologie, l’étude de la vie hors Terre, s’est redéfinie en astrobiologie, la vie planétaire, et inclut maintenant la vie sur Terre. Une meilleure compréhension de notre type de vie nous aidera à préciser les caractéristiques de la vie en général. Ce sera toutefois la découverte d’un autre type de vie ailleurs dans l’univers qui nous permettra de faire un bond de géant dans ce domaine complexe.
Question : Une plus grande collaboration entre astronomes et biologistes ne serait-elle pas souhaitable pour progresser plus rapidement en astrobiologie ?
Réponse : Sans nul doute, acquiesce le conférencier. D’ailleurs, cette collaboration s’accélère. Il y a au moins une sinon plusieurs conférences en astrobiologie annuellement. Elles réunissent des scientifiques de plusieurs disciplines, non seulement des astronomes et des biologistes intéressés par cette question, mais aussi des paléontologues, des géologues, des biochimistes...
Les conférenciers, qui s’adressent à un auditoire scientifique aussi varié, ne peuvent utiliser un jargon pointu qui ne serait pas bien compris par les spécialistes d’autres disciplines. Leurs allocutions sont des bijoux de vulgarisation, qui peuvent apparaître simplistes pour ceux qui travaillent dans le même domaine, mais elles favorisent des échanges fructueux entre scientifiques.
Il existe, seulement aux États-Unis, une douzaine d’instituts d’astrobiologie. Il y en a un en Ontario et on espère en former un bientôt au Québec. On ne pense pas, pour le moment, qu’on doive former des scientifiques spécifiquement en astrobiologie ; le sujet est trop complexe. Il semble plutôt souhaitable de former des astronomes, des biologistes ou des géologues, spécialistes de leur domaine, qui partagent leurs connaissances dans le contexte d’une recherche de vie extraterrestre. De la même façon, il semble préférable de former des physiciens qui se spécialisent en astronomie que des astronomes qui n’auraient pas de solides connaissances en physique, termine le conférencier.