LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Conférence

Conférence du lundi 13 avril 2009 - 19 heures

Les dérives de la Biologie totale

Danielle Perreault, médecin

Lors d'une allocution présentée chez les Sceptiques du Québec le 13 avril 2009, Danielle Perreault, médecin, raconte sa participation à des séances de formation en Biologie totale dans le cadre d’une enquête de la Société Radio-Canada sur cette douteuse pratique. Elle nous livre également ses réflexions sur les effets possibles des conflits psychologiques sur la santé.

Annonce de la conférence

Identifier les facteurs psychologiques qui peuvent intervenir dans le déclenchement des maladies, et particulièrement du cancer, est une piste de recherche très intéressante. Mais la Biologie totale de Claude Sabbah, dérivée de la Nouvelle Médecine germanique de Geerd Hamer, pousse le bouchon beaucoup trop loin lorsqu’elle prétend qu’un conflit psychique spécifique est à l’origine de chaque maladie et que la prise de conscience de ce conflit ainsi que les exercices qu’elle propose sont suffisants pour amorcer la guérison.

S’étant inscrits à des séances de formation pour constater de quoi il retournait, la docteure Danielle Perreault et le journaliste Guy Gendron ont fait, pour Radio-Canada, une enquête sur le terrain, en France et au Québec. Cette démarche leur a permis de connaître plus à fond les bases théoriques du mouvement et de mesurer ses prétentions, telles qu’elles sont présentées à M. et Mme Toulmonde par ses adeptes. La docteure Perreault viendra nous faire part de leurs observations et de leurs conclusions.

Danielle Perreault, qui a tout d’abord obtenu un diplôme en anthropologie à McGill, a ensuite fait des études de médecine où elle s’est spécialisée en médecine familiale. En plus de ses activités de médecin (hôpital Saint-Luc, clinique Santé voyage), elle travaille avec les Cris et les Inuits dans le Nord du Québec. Depuis une vingtaine d’années, elle est chroniqueuse dans de nombreux médias écrits et électroniques comme conseillère sur les questions de santé. Elle est également l’auteure de La santé intime des femmes et de Secret d’hommes.


Les dérives de la Biologie totale

Danielle Perreault, médecin

Danielle Perreault

Dans sa jeunesse, raconte le médecin Danielle Perreault sur un ton anecdotique, plusieurs métiers l’intéressaient vivement, dont ceux de comédienne et d’agent double. Et voilà que la Société Radio-Canada lui propose en décembre 2007, dans le cadre d’une enquête clandestine, de participer à un séminaire sur la Biologie totale de Claude Sabbah sous l’agréable climat de la Côte d’Azur. Elle accepta avec empressement de pouvoir ainsi réaliser un rêve d’enfance, tout en tirant parti de ses connaissances médicales. Et elle devint, pour quelques jours, l’épouse du journaliste Guy Gendron qui dirigeait l’enquête. Ils se sont tous deux inscrits à une session de formation donnée par le gourou du mouvement.

La Biologie totale de Claude Sabbah s’inspire de la Nouvelle médecine germanique de Geerd Hamer, qui soutient que toute maladie provient d’un conflit psychologique. Le cerveau, ne pouvant plus tolérer un conflit important, le transpose sous forme d’une maladie du corps. Ce mécanisme permet la survie temporaire de l’ensemble. Si on peut trouver la source du conflit et si on parvient à le résoudre, la maladie dont on souffre disparaîtra.

Dogmatisme anecdotique

Au début de la première journée de formation, le Dr Sabbah, plutôt nerveux, conseille la prudence. Il prévient les participants que, même si on trouve le conflit qui a déclenché la maladie, il ne faut pas abandonner le traitement prescrit par les autorités médicales. Si on a le cancer du sein, poursuivons la radiothérapie ou la chimiothérapie recommandée. Cette ouverture d’esprit a surpris la conférencière qui s’attendait à une rupture radicale d’avec la médecine traditionnelle.

Toutefois, cette attitude tolérante fut de courte durée. Les jours suivants, Claude Sabbah prodigua un enseignement dogmatique sans possibilité de poser des questions ou de discuter de l’interprétation des preuves avancées. Son approche s’appuyait sur d’interminables récits explicatifs de teneur hautement anecdotique.

Il a, par exemple, passé deux heures à décrire le comportement du loup, chef de meute, qui doit clairement marquer son territoire pour établir sa suprématie et forcément posséder une grosse vessie. Pourquoi ce récit ? Dans le but d’expliquer l’origine de l’infection urinaire chez une femme, précise la conférencière. La patiente aurait développé un ulcère de la vessie pour augmenter son volume de 40 % et ainsi marquer son territoire. Le conflit personnel qu’elle a à résoudre pour guérir sa cystite concernerait l’intégrité de son territoire menacée par un soupirant envahissant – une conclusion loufoque qui s’oppose totalement aux connaissances médicales sur cette maladie.

Ce lien entre conflit et maladie s’étend à toutes sortes d’affections. Il constitue un grand catalogue établissant des liens entre différents types de troubles psychologiques et leurs répercussions sur le corps sous forme de maladies spécifiques. Les avancées de la médecine au cours des dernières décennies sont totalement ignorées. Elles indiquent que la cause d’une maladie est souvent multifactorielle. La sclérose en plaque, illustre la conférencière, dépend de facteurs génétiques qui dans un certain milieu au contact avec une infection vont s’exprimer en maladie. La simplification à outrance de la Biologie totale rejette ainsi en bloc la médecine scientifique en attribuant à la maladie une cause unique de nature psychologique.

La médecine tournée en dérision

À partir de la deuxième journée de formation, Sabbah se livra à une attaque en règle de la médecine moderne et des médecins. Les maladies n’existent pas; elles ne sont que l’expression d’un conflit qui révèle une solution psychologique. Un ulcère gastrique ne devrait pas se soigner avec des médicaments prescrits par un médecin. C’est le conflit qu’il faut régler pour faire disparaître cette affection. Le médecin perpétuerait inutilement le problème en négligeant la cause première. Un tel dérapage constitue un danger public, relève Perreault, car il rejette un traitement médical dont l’efficacité a été prouvée.

Sabbah déconseille la visite chez le médecin pour diagnostiquer ou soigner la maladie. Il passe en revue une longue liste d’erreurs médicales en se moquant des limites de la médecine et de ses praticiens, laissant entendre que l’approche de la Biologie totale prévient toutes ces complications.

L’exemple qu’il cite le plus souvent est celui de la sclérose en plaques. Cette maladie prend plusieurs formes, poursuit Perreault, de bénignes et passagères à lourdement débilitantes, et elle connaît de nombreuses périodes de rémission spontanée. Sabbah fait preuve de malhonnêteté intellectuelle en choisissant un exemple complexe dont la science médicale ne comprend encore pas tous les aspects. Il le réduit à un conflit « vertical » : les soldats sautant en parachute au Vietnam en seraient plus affectés – ce qui est faux. Un conflit vertical peut aussi se produire avec son supérieur hiérarchique... Et, qui n’a pas eu un conflit avec son patron à un moment donné ?

La conférencière, pourtant très ouverte à ce que les gens prennent en charge leur santé, trouva de plus en plus difficile d’entendre le discours réducteur de Sabbah, parsemé d’incohérences manifestes et de consignes médicalement dangereuses. Il dénature ainsi des pistes de recherche intéressantes, entre autres, pour des psychiatres qui examinent la somatisation ou l’apparition de maladies reliées au stress.

Les participants au séminaire, environ une quarantaine, s’intéressaient d’abord à leurs conflits personnels et semblaient avoir très peu de notions sur la science médicale. Après 17 jours d’enseignement, on leur assurait qu’ils pourraient exercer immédiatement leur pratique en Biologie totale. La conférencière eut assez de quelques jours pour être convaincu des insuffisances sévères et des erreurs flagrantes de cette pratique.

Biologie totale : une menace fatale

Résumé de courts extraits de l’enquête de la Société Radio-Canada

Pratiquée par des thérapeutes en général sans formation médicale (plombier, maquilleuse, secrétaire, paysagiste...), la Biologie totale affirme pouvoir guérir toutes les maladies, cancer et SIDA inclus. Elle soutient que toutes les maladies proviennent d’un choc émotionnel passé qu’il suffit de reconnaître pour guérir. Exemple : si vous avec le cancer du sein, le thérapeute pourra proposer comme cause un conflit avec « votre enfant, votre petit chien ou votre petit chat », et vous donner des conseils pour le régler.

Le fondateur de la Biologie totale, Claude Sabbah, médecin radié de la profession en France, dit avoir formé en 15 ans plus de 7000 thérapeutes dans cette pratique en France, en Belgique et au Québec. Il prétend, par exemple, que les traitements médicaux couramment prescrits pour soigner le cancer sont une erreur et qu’il suffit de « déprogrammer » le cancer pour le guérir « en agissant sur le programme ». Même un cancéreux en phase terminale et dans le coma se réveillera en voie de guérison en deux minutes si on lui chuchote à l’oreille l’explication du conflit qui est la cause de sa maladie. Il ajoute qu’on « n’attrape aucune maladie, ça n’existe pas ». Il soutient que « 80 à 90 % des maladies et 100 % de leurs aggravations sont dues exclusivement au message médical ».

Le journaliste Guy Gendron a consulté plusieurs thérapeutes en Biologie totale pour tenter d’obtenir leur prescription pour guérir son cancer allégué de la prostate. Il a reçu plusieurs avis sur l’origine de son cancer : stress d’avoir assister à la naissance de son enfant, problème sexuel, conflit entre ses parents au moment de sa conception il y a 50 ans, conjointe avec un taux de pH trop élevé... On lui conseille de reporter sa biopsie durant ses traitements thérapeutiques en Biologie totale. Un autre praticien suggère simplement une prière, composée par Claude Sabbah : « Merci mes organes malades, car je sais que vous avez fait cela pour sauver notre tout. » À réciter à haute voix 15 fois au coucher, 15 fois au lever... N’est-ce pas bien mieux que de la chimio ?

Témoignage de Pierre Légaré, humoriste

Sommaire tiré de l’émission Une pilule, une petite granule, de Télé-Québec

Il y a quelques années, l’humoriste Pierre Légaré a été atteint par un cancer de la vessie. À l’annonce de sa maladie, de nombreux amis lui ont alors suggéré plusieurs remèdes traditionnels en vogue : canneberges, onguent, crème Budwig... et même l’intervention chirurgicale d’un gourou philippin qui retirerait la tumeur à mains nues ! Aucun ne lui a semblé tenir la route. Une question continuait à le tenailler : comment se fait-il qu’un jour on n’ait pas le cancer et le jour suivant on l’ait ?

Son cancer progresse. Nouvelle sténose, récidive cancéreuse... Traitements de radiothérapie – sans succès. En décembre 2007, on lui annonce qu’il ne pourra probablement pas guérir. Son cas passe du mode curatif au mode palliatif.

Durant sa maladie, Légaré a lu plusieurs livres sur le cancer pour mieux comprendre ce qui lui arrivait et trouver une solution. Il est tombé sur le livre de Geerd Hamer, médecin allemand, qui proposait une approche psychologique. Ce dernier avait d’ailleurs souffert d’un cancer aux testicules à la suite du décès de son fils et avait conclu que le cancer représente la solution que le cerveau humain trouve pour résoudre temporairement un conflit intérieur persistant.

En lisant certains passages du livre de Hamer entre Noël et le jour de l’An, une situation conflictuelle passée s’est imposée à son esprit. L’interprétation qu’Hamer en faisait collait parfaitement à son expérience. Ç’a été presque instantané, il a immédiatement senti un immense soulagement. Le lendemain, il avait faim. Dans les semaines suivantes, il reprit du poids (une livre et demie par jour), les symptômes du cancer avaient disparu, il ne souffrait plus. Son médecin, satisfait, lui demanda alors de revenir le voir dans trois semaines.

Légaré ne prétend pas qu’il a bénéficié d’une guérison spontanée. Après tout, le cancer pourrait le terrasser à nouveau. Il estime sa guérison complète, mais peut-être seulement provisoire. Il ne s’aventure pas à spéculer sur le processus de sa guérison, mais il peut dire qu’il ressemble à ce qu’il a lu dans le livre de Hamer. Nous sommes un système complexe de milliards de cellules, ajoute-t-il, tout est possible.

Conclusions

Même si le reportage de la SRC semble défendre les intérêts de la médecine moderne, il s’en prend surtout aux lacunes dangereuses associées à la pratique de la Biologie totale. Le journaliste Guy Gendron a reçu de nombreux courriels défavorables au reportage pour cette raison, ajoute Danielle Perreault. Malgré le contenu inadmissible des enseignements de Sabbah, un certain public l’appuie. Comment faire pour persuader ces gens des dangers réels de cette pratique ?

L’évidence des faiblesses de cette approche ne semble pas les toucher. Prétendre qu’un cancer du sein est dû à un conflit avec son époux ou avec ses enfants selon qu’on est droitière ou gauchère, atteinte du sein droit ou du sein gauche, n’a aucun sens. Exiger l’abandon des traitements médicaux pour suivre une thérapie psychologique non validée frise l’inconscience.

Les médias ne devraient pas accorder un temps égal au médecin et au praticien de la Biologie totale pour expliquer leurs points de vue. Dans un souci d’impartialité, ils laissent croire que les deux approches peuvent être aussi valables. Pourtant, la médecine est appuyée par des dizaines d’années de recherche scientifique, alors que la Biologie totale n’est soutenue par aucune étude scientifique.

Certains médecins considèrent Hamer comme un précurseur de génie dans le sens qu’il tient résolument compte de l’effet des conflits psychologiques sur la santé. Cette approche pourrait théoriquement se révéler très prometteuse. Malheureusement, en pratique, elle dérive souvent vers des hypothèses et des prescriptions qui ne tiennent pas la route. Des disciples, comme Sabbah, poussent avec enthousiasme les intuitions du précurseur dans des directions manifestement absurdes et dangereuses. Des gens sans formation médicale exploitent alors abusivement la crédulité de malades qui veulent désespérément guérir. Il ne faudrait pas que ces dérapages ferment des avenues de recherche potentiellement fructueuses, conclut Danielle Perreault.


Période de questions

Conflits et somatisation

Question : Selon la Biologie totale, la résolution d’un conflit psychologique semble relativement aisée, alors que, souvent, elle suit un processus tortueux au cours d’une longue thérapie. Un conflit, tellement important qu’il cause un cancer peut-il vraiment se résoudre « instantanément » par quelques paroles magiques qui en reconnaissent la réalité ou en y pensant tout à coup sereinement, comme le prétendent Hamer et ses disciples ?

Réponse : Il faut distinguer conflits psychiques et stress psychosociaux, nuance la conférencière. Dans sa pratique médicale, elle rencontre beaucoup de patients qui somatisent leurs frustrations personnelles ou professionnelles en douleurs physiques réelles sous une panoplie d’affections, tels maux de ventre, de tête ou de dos. C’est clair que la façon dont ils réagissent à des situations stressantes les rend malades. C’est un élément important qui fait partie de la médecine familiale. D’autre part, lier des conflits psychiques précis à des maladies spécifiques, comme le fait la Biologie totale, manque totalement de données probantes. C’est une avenue prometteuse à explorer, mais il faut le faire de façon scientifique.

Briser les ponts

Question : Ceux qui souffrent d’une maladie grave ne peuvent-ils pas accuser la personne avec laquelle ils ont eu un conflit important de les avoir rendus malades et briser les ponts avec elle ?

Réponse : Selon le reportage de la SRC, corrobore Perreault, une Française atteinte d’un cancer du sein a rencontré Hamer en Espagne pour tenter d’identifier son conflit. Il lui a dit qu’elle avait un conflit avec son conjoint, avec qui elle vivait depuis 21 ans. Sur les conseils de Hamer, elle a quitté son conjoint et elle a cessé ses traitements médicaux [en 2001]. Elle est malheureusement morte quelques années plus tard à 40 ans dans la douleur et ravagée par le cancer. Un drame qui aurait pu être évité.

Statistiques escamotées

Question : Certaines personnes préfèrent les réponses claires données par la Biologie totale (qui associe une maladie précise à un conflit spécifique) à celles plus nuancées et moins assurées de la médecine moderne. Des études statistiques sur le taux de succès de chacune de ces approches ne pourraient-elles pas renverser ces attitudes ?

Réponse : Les praticiens de ce genre de thérapie n’ont aucun intérêt à compiler et publier des statistiques rigoureuses sur leur taux de succès. Les clients affluent chez eux. Ils remplissent leurs salles. Pourquoi s’astreindre à des règles scientifiques et courir le risque d’une déconfiture ? Ils agissent aussi dans un climat qui leur est favorable, tel le manque de médecins ou le manque de place dans les hôpitaux. D’autre part, on peut espérer que les nombreuses chroniques médicales dans les médias et les renseignements médicaux disponibles sur Internet sauront augmenter l’esprit critique du public qui comprendra mieux comment le corps humain fonctionne. Évidemment, ces médias sont aussi utilisés par les autres approches qui proposent une panoplie de traitements alternatifs facilement accessibles. Malheureusement, dans certains cas graves, cette recherche d’alternatives pourrait retarder un diagnostic médical précis et un traitement conventionnel efficace.

Rémission impressionnante

Question : Comment expliquer que l’humoriste Pierre Légaré semble avoir été guéri de son cancer à la lecture du livre de Hamer et après avoir compris quel conflit l’avait causé ?

Réponse : C’est un cas impressionnant, admet Perreault. Très rare, sans doute, puisque Légaré en était au stade palliatif; la médecine avait alors conclu qu’elle ne pouvait plus rien faire pour lui. La virulence des cancers varie. Le cancer du pancréas, par exemple, est très agressif et tue généralement le patient en moins de six mois. D’autres types de cancers, comme celui du cerveau, évoluent plus tranquillement et sont ponctués de périodes stables. Pourtant, le cancer de la vessie, dont souffrait Légaré, a rarement des périodes de rémission. Mais, il n’avait quand même pas cessé ses traitements...

Chimiothérapie efficace

Question : La chimiothérapie tue des cellules normales en même temps que des cellules cancéreuses. Demeure-t-elle un traitement toujours valable ?

Réponse : Sur son site, Hamer parle d’un taux de succès de la chimiothérapie de seulement 2 %. Un chiffre beaucoup trop bas. Aujourd’hui, des enfants d’une dizaine d’années atteints de leucémie sont guéris par la chimiothérapie, alors qu’ils mouraient presque toujours de cette maladie il y a quarante ans. Le taux de succès varie selon le stade auquel le cancer est traité, selon la propagation des métastases, etc. La chimiothérapie sauve aujourd’hui beaucoup de vies.

Lien thérapeutique fort

Question : La progression de la Biologie totale ne dépend-elle pas du succès financier de ses promoteurs et praticiens ?

Réponse : En effet, commente la conférencière, une session de formation d’une semaine peut coûter 1 400 $, plus un catalogue des conflits reliés aux maladies vendu 300 $. En général, une quarantaine de personnes à la fois reçoivent cette formation. Faites le calcul. C’est très lucratif. Les patients sont aussi prêts à payer une soixantaine de dollars ou plus pour une consultation. Il s’établit aussi un lien thérapeutique fort entre un patient en quête d’écoute et un praticien cordial et attentionné. Le souvenir de ces rencontres demeure très émotif, au point où le patient protégera son praticien même si la guérison tarde.

Mécanisme flou

Question : Je n’ai pas saisi le mécanisme qu’invoque Sabbah pour guérir une maladie. Il s’apparente à la pensée magique : on pense à la guérison et, miraculeusement, elle arrive. Pouvez-vous élaborer ?

Réponse : Ce n’est pas aussi simple, nuance Perreault. Selon Sabbah, le cerveau transpose un conflit psychique en maladie du corps pour se donner du temps pour le résoudre. Ainsi libéré, il pourra consacrer plus d’efforts à trouver la solution. Cerner l’origine du conflit suffit souvent à le dénouer... pourvu que la maladie soit toujours sous le contrôle du cerveau.

Question : Le mécanisme évoqué par Sabbah implique un contrôle absolu de l’esprit sur la matière. Étend-il ce principe à tous les êtres vivants ou seulement à l’humain ?

Réponse : Sabbah inclut les animaux dans son système curatif qu’il étend à toute vie. D’ailleurs, le nom complet de son approche se lit sur son site Web : La Biologie Totale des Êtres Vivants. Il donnait fréquemment les animaux en exemple – de façon souvent abusive, note la conférencière. Ses rapprochements avec le monde animal étaient forcés et farfelus.

Connaissances et pratiques médicales

Question : Puisqu’une partie importante de la population a l’impression que le Collège des médecins protège plutôt les intérêts de ses membres que ceux du public, comment peut-il dénoncer efficacement les abus de certaines pratiques alternatives ?

Réponse : Cette mauvaise perception du public envers le Collège des médecins n’aide sûrement pas. Il faut toutefois distinguer les connaissances médicales de ceux qui les mettent en pratique, estime Danielle Perreault. Elle ne défend pas ceux qui ont oublié les raisons humanitaires fondamentales liées à la pratique médicale. Mais, elle connaît les difficultés que rencontre le Collège des médecins à poursuivre les charlatans à l’intérieur comme à l’extérieur de la pratique médicale. Souvent, comme on l’a mentionné, ils sont protégés par leurs patients avec qui ils ont, en général, une excellente relation. Donc, les plaintes sont rares. Les poursuites sont aussi très onéreuses et se terminent souvent par des amendes dérisoires comparées aux revenus générés par la pratique des contrevenants. Dans ses nombreuses interventions médiatiques, la conférencière prend la peine de souligner les bons coups des médecins et de la médecine. Elle met l’accent sur les avancées réelles des connaissances médicales dont peut aujourd’hui profiter le public.

Compte-rendu rédigé par Louis Dubé.