LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Conférence

Conférence du mardi 13 novembre 2007

Le scepticisme face au pouvoir

Sauvegarde de l'intérêt public

Michel Legault, journaliste

Texte annonçant la soirée

Qu'ont en commun les fabricants d'implants mammaires, les compagnies aériennes, l'Opus Dei et le ministère de la Santé et des Services sociaux ? Des secrets parfois surprenants, toujours instructifs.

Le journalisme de terrain applique l'acide de l'esprit critique sur le vernis du discours officiel. La démarche sceptique du journaliste révèle régulièrement des faits cachés, des omissions, des données tronquées ou, carrément, de la désinformation. Rares sont les institutions détenant un pouvoir qui échappent à la tentation d'agir davantage en fonction de leurs intérêts propres qu'en fonction de ceux de la population auprès de laquelle elles sont pourtant imputables.

Des exemples tirés de la pratique du conférencier seront donnés pour illustrer ce postulat. Ceux-ci ont été choisis pour leur valeur d'exemple.

Ces cas nous rappellent l'importance de rester sceptiques face au pouvoir, quel qu'il soit, et de ne pas craindre, non seulement de poser des questions, mais d'aller chercher les réponses.

Michel Legault est un journaliste comptant plus de 20 ans d'expérience. Il a eu le rare privilège d'avoir dirigé tour à tour un magazine médical et un autre dédié aux approches alternatives. Il a également dirigé le service d'enquête de l'Acef-centre, devenu Option-Consommateurs. Après avoir longtemps collaboré à des magazines comme L'Actualité, Protégez-Vous, Le Devoir, il est à présent l'éditeur de Bien grandir, un magazine dédié aux jeunes parents édité par la Fondation Lucie et André Chagnon. Ses enquêtes lui ont valu une vingtaine de prix et de mentions. Il vient de publier un roman : Amour.com.


Annonces

François Filiatrault, animateur de la soirée, précise la mission des Sceptiques du Québec : cet organisme, à but non lucratif, vise à améliorer l’esprit critique de ses membres par l’usage de la raison « souriante ». Les Sceptiques ne sont pas des empêcheurs de penser en rond, mais ils préfèrent savoir plutôt que croire.

Le dernier numéro du Québec sceptique est toujours en vente à l’arrière de la salle. Forfait incomparable, si vous vous en procurez un numéro, vous pourrez obtenir gratuitement un exemplaire parmi les numéros 49 à 54. Abonnez au Québec sceptique vos parents et amis comme cadeau de Noël, nous enjoint l’animateur.

Nous attendons vos suggestions de Prix Sceptique et Fosse Sceptique, rappelle Filiatrault. Il passe alors en revue les candidatures déjà reçues, rappelant que, normalement, on ne donne pas de prix Fosse Sceptique à une personne, mais plutôt à un organisme ayant fait une promotion inacceptable de paranormal ou de pseudoscience. Il incite aussi les membres à participer au concours du slogan en soumettant leurs suggestions d’énoncés percutants pour souligner la mission de notre organisme.

Actualités

Notre animateur commente ensuite un sondage récent par Ipsos sur le niveau de croyances irrationnelles dans la population américaine. Heureusement, plaisante-t-il, que les gens continuent de croire, sinon nous n’aurions pas l’occasion de nous réunir chaque 13 du mois pour en parler ! Résultats du sondage : 34 % des Américains sont persuadés que les fantômes existent (23 % auraient d’ailleurs vu un fantôme ou senti sa présence), 48 % sont convaincus de l’existence des perceptions extrasensorielles (télépathie, clairvoyance…), 34 % croient aux ovnis (et 14 % en ont déjà vu), 19 % disent avoir peur des sorcières, 20 % seraient superstitieux. Sans doute, trouverions-nous des niveaux de croyances semblables au Canada, termine l’animateur.

Filiatrault raconte aussi avoir répondu à une demande d’informations sur la morphopsychologie, qui déclare que notre caractère est défini par l’apparence de notre visage. Elle ressemble, en cela, à la caractériologie de Le Senne au milieu du 20e siècle. Par exemple, si on a le front haut, on serait plus intellectuel. Familièrement, on parle aussi de la « bosse » des mathématiques. Pourtant, aucune étude scientifique corrélationnelle n’a pu établir de relations entre certaines caractéristiques du visage et des traits de personnalité, précise l’animateur. Il rappelle une étude célèbre dans laquelle des sujets devaient tenter de déterminer les penchants criminels d’individus à partir d’une quarantaine de visages de criminels notoires et d’écrivains célèbres. Les sujets n’ont pu séparer les criminels des écrivains parmi ces photos, démontrant ainsi que les traits du visage n’ont aucune corrélation avec les tendances criminelles ou non des individus.

En réponse à un auditeur, Filiatrault enjoint d’éviter toutefois la confusion possible entre la morphopsychologie et les réactions émotionnelles des gens face aux défauts physiques de certaines personnes. Un visage jugé répugnant pourra produire une réaction de dégoût, mais cela n’a aucun rapport avec les traits de caractère de la personne jugée – peut-être plus sur celle qui la juge. Par exemple, bien que ce soit très injuste, des études ont prouvé que les gens possédant un visage ingrat ont moins de succès que celles qui arborent des traits plaisants. De même, on peut confondre la graphologie avec l’étude graphique des fausses signatures. La graphologie tente vainement de déterminer le caractère à partir de la forme de l’écriture. Par contre, l’authentification policière des signatures réussit très bien à séparer la vraie de la fausse. Le même mot pouvant signifier des idées très différentes, il faut bien définir ce dont on parle, conclut Filiatrault.

On a aussi demandé à l’animateur son avis sur un groupe qui s’annonce abondamment depuis 15 ans : La Nouvelle Acropole. Cet organisme offre conférences et ateliers basés sur la philosophie grecque. L’emphase serait surtout mise sur les enseignements spirituels qu’on pourrait en tirer, une orientation que certains pourraient qualifier de sectaire. Un cours de philosophie grecque donné par une université reconnue serait sans doute plus profitable, suggère Filiatrault.

L’animateur souligne aussi la parution d’un article du Québec sceptique dans la revue américaine Skeptical Inquirer de novembre-décembre 2007. Il s’agit de l’article de Denis Hamel intitulé Albert Einstein, astrologue ?, paru dans le numéro 57. Même la caricature de notre page couverture y était représentée, traduite évidemment. La publication de cet article dans la prestigieuse revue sceptique américaine dénote bien la qualité de la recherche de Denis Hamel sur la croyance d’Einstein en l’astrologie, faussement maintenue par de nombreux astrologues. Il retrace l’origine de la citation contestée, sur laquelle se fonde cette croyance, dans Huters, un almanach allemand publié en 1959.

L’animateur termine en rappelant que tous peuvent commenter le contenu de nos conférences et du Québec sceptique sous la rubrique « Opinions » de notre site Web.


Le scepticisme face au pouvoir

Sauvegarde de l'intérêt public

Michel Legault, journaliste

Michel Legault

Michel Legault se définit d’abord comme un découvreur d’informations qu’il tente ensuite de communiquer le mieux possible. Il nous racontera des histoires vraies auxquelles les auditeurs auront l’occasion de réagir.

Comme le sceptique, le journaliste se doit de refuser toute affirmation qui n’aura pas subi un examen critique. Initialement, le doute joue donc un rôle primordial dans sa recherche d’informations fiables, tout comme dans l’approche scientifique dont il s’inspire. Le journaliste peut facilement être dupé, car il traite souvent de sujets qui dépassent ses compétences. Sa démarche consistera donc à vérifier la pertinence de ce doute, avec pour objectif de protéger l’intérêt public.

Défini par les lois et la jurisprudence, l’intérêt public demeure assez flou puisqu’il évolue avec le temps. On pourrait le comparer à une mer assez calme dans les profondeurs, mais plutôt agitée en surface, là où naviguent les journalistes. Le code de déontologie journalistique résume ainsi les considérations d’intérêt public :

« Les journalistes ont le devoir de défendre la liberté de presse et le droit du public à l’information, sachant qu’une presse libre joue le rôle indispensable de chien de garde à l’égard des pouvoirs et des institutions. Ils combattent les restrictions ou les pressions et les menaces qui visent à limiter la cueillette et la diffusion des informations. Les journalistes servent l’intérêt public et non l’intérêt personnel et particulier. Ils ont le devoir de publier ce qui est d’intérêt public. Cette obligation prévaut sur le désir de servir les sources d’informations ou de favoriser la situation financière ou concurrentielle des entreprises de presse. »

Un chien de garde protège, mais il est tenu en laisse par l’entreprise de presse, ironise Legault. Quoique son véritable propriétaire soit l’intérêt public, rectifie-t-il.

Mémoire imaginaire

Ce premier exemple anecdotique met en relief la méfiance que le journaliste doit entretenir même envers les chercheurs, sous peine de tromper lourdement le public. En 1988, au plus fort de la controverse sur la mémoire de l’eau, le conférencier avait pressé de questions le Dr Benveniste sur sa récente découverte. Ce dernier affirmait avoir démontré que l’eau gardait en mémoire les traces d’un produit avec lequel elle avait été mise en contact, même lorsqu’aucune molécule du produit, dilué à l’extrême, ne pouvait plus être présente.

Mais, voilà… Outre les failles méthodologiques, on apprit qu’un fabricant de produits homéopathiques était impliqué dans les recherches du Dr Benveniste.

Agressivité télévisée

Le 5 novembre dernier, paraissait sur les fils de presse la nouvelle suivante : « Regarder la télé à deux ans, rend agressif à cinq ans. » Reprise par tous, la nouvelle fit le tour du monde. Voilà un exemple récent d’une nouvelle diffusée partout sans analyse critique et sans vérification à la source, souligne Legault. Pourtant, l’article scientifique publié dans Pediatrics n’établit pas un lien aussi clair entre télé et agressivité.

Il faut d’abord préciser que la conclusion s’appliquait à de jeunes garçons regardant des émissions contenant des scènes violentes. De plus, la pondération utilisée par le chercheur aurait été non optimale. Ensuite, les filles exposées aux mêmes émissions agressives à deux ans n’étaient pas plus agressives à cinq ans.

Ces considérations indiquent un biais possible. Le chercheur aurait dû nuancer ses conclusions. Pourtant, il a été catégorique en entrevue avec les médias. Il semble avoir quitté le domaine de la recherche pour celui de l’idéologie. Malheureusement, les journalistes n’ont pas su relever ces indices de biais probable.

Difficile hygiène

Un chercheur montréalais avait relié l’âge d’un hôpital au nombre de cas de maladies infectieuses : plus l’hôpital est vieux, plus il y a de cas d’infection. Le Québec, et Montréal en particulier, comptent un grand nombre de vieux hôpitaux où chambres et toilettes sont partagées et la ventilation se révèle inadéquate. De plus, le Québec a l’un des plus bas taux de lavage de mains et de vaccination chez les employés de ces institutions. D’autres études démontrent que les pratiques de nettoyage de chambre d’hôpitaux québécois sont déficientes. Le conférencier a relié ces données avec la haute prévalence de décès impliquant la bactérie C-difficile.

Toutes ces informations ont été publiées dans L’actualité médicale, dont le conférencier était alors rédacteur en chef. Elles furent reprises abondamment par d’autres médias. Après enquête, le ministère de la Santé recommanda les correctifs appropriés. Pourtant, au début de cette crise, le Ministère avait nié que la situation était aussi catastrophique en révisant à la baisse le nombre de décès attribuable à la C-difficile. Les médias l’avaient cru et ont minimisé l’ampleur du problème, jusqu’à ce que, plusieurs mois plus tard, une autre éclosion importante frappe certains hôpitaux. Si les médias avaient bien fait leur travail, ils auraient questionné les nouveaux chiffres et les justifications atténuantes données par le Ministère.

Soins palliatifs négligés

La façon dont on soigne les malades en phase terminale en dit long sur nos choix de société. Doutant de l’attention accordée à ces soins, le conférencier a d’abord interrogé des gestionnaires d’établissements où l’on s’occupe de ces cas. Ces derniers ont tenté de le rassurer en faisant valoir qu’il était normal que les pratiques diffèrent selon les institutions, selon l’importance de cette clientèle et les circonstances locales.

Pourtant, sur le terrain, on avait l’impression que ces soins n’étaient pas considérés prioritaires. Médecins et autres intervenants hospitaliers ont généralement une formation très sommaire en soins palliatifs. Peu après la parution d’un article de L’actualité médicale, révélant ces faits troublants, on ajouta au programme médical universitaire un stage en soins palliatifs.

La formation médicale n’avait pas suivi les changements dans la société québécoise. Il y a cinquante ans, 90 % des gens mourraient à la maison. Aujourd’hui, c’est le contraire, les aînés meurent en institution gériatrique ou à l’hôpital. La société demande au gouvernement de s’occuper des vieux. Elle devrait aussi s’assurer que les gens qui s’occupent maintenant d’eux soient en nombre suffisant et qu’ils aient une formation adéquate et des installations appropriées.

Données médicales cachées

Depuis une douzaine d’années, toutes les interventions médicales en milieu hospitalier sont colligées dans une immense base de données gouvernementale, l’APR-DRG. Cela permet de dresser un tableau de la performance de chaque hôpital par maladie, type d’intervention, département, etc. Ces données sont manifestement d’intérêt public.

En France et aux États-Unis, les médias dressent un palmarès de la performance des hôpitaux. Là où ces données sont publiées, elles influencent les pratiques médicales en soulignant les lacunes ou les saines pratiques. Pourtant, l’accès aux données les plus récentes est problématique au Québec. Pour le bien public, souhaitons que d’autres journalistes poursuivent…

Rhumatismes

Lors de son travail à Option-Consommateurs, le conférencier fut exposé à nombre de pratiques commerciales suspectes. Entre autres, l’alternative Rhumart qui se veut complémentaire aux soins requis pour divers maux, dont l’arthrite, les brûlures, les ulcères et l’hypertension. L’appareil lui-même, créé par un ingénieur biomédical, émet des ondes électromagnétiques à basse fréquence, source des bienfaits allégués.

En 1991, une analyse faite par deux ingénieurs de l’Université de Montréal n’a pas permis d’identifier d’effet thérapeutique connu provenant de l’appareil testé, dont on pouvait se procurer les composants pour environ 100 $. Pourtant, cet appareil était vendu 5000 $, surtout à des personnes âgées en maison de retraite. La publication de l’article, révélant ces faits troublants, mit fin à l’expansion de cette entreprise, qui existe toujours (voir rhumart.com).

Rigidité mammaire

Au début de l’enquête, les prothèses mammaires se vendaient sur le marché libre, avant d’être interdites durant plusieurs années. Les chirurgiens-plasticiens assuraient qu’elles étaient sans danger, une merveille technologique dont se prévalaient des dizaines de milliers de Canadiennes chaque année. Pourtant, de nombreuses porteuses avaient des réticences, et certains scientifiques, notamment en biomatériaux, avaient d’importantes réserves, du moins sur les prothèses qui avaient dû être chirurgicalement retirées.

Par exemple, certaines prothèses étaient recouvertes d’uréthane pour diminuer l’effet de rejet immunitaire (la prothèse implantée déclenche la formation d’une couche protectrice de cartilage rigide autour de ce corps étranger, ce qui devient inesthétique ou douloureux à la longue). Le praticien avait alors un choix pour soulager la porteuse : soit opérer pour extraire le cartilage, soit le casser en appuyant fortement sur le sein.

Jugeant que les dangers des prothèses mammaires n’étaient pas suffisamment connus, le conférencier publia les résultats de son enquête dans Consommation. Quelques jours plus tard, coïncidence : Santé Canada interdisait ces prothèses. Des centaines de lettres de porteuses inquiètes, à la lecture de l’article paru, communiquèrent leurs craintes à la rédaction. Cette dernière réagit en leur envoyant un questionnaire sur leur expérience, qui servira plus tard à un recours collectif contre le manufacturier.

Mentionnons que Santé Canada permet maintenant la pose de ces prothèses puisque certaines études ultérieures sont venues contredire les premières. L’article critique publié a tout de même clarifié l’ampleur des effets secondaires et incité à la prudence dans ce domaine.

Santé volante

Pour les courts vols, un passager souffrant d’un malaise mineur pourra assez rapidement être soigné au prochain atterrissage. Pour les plus longs vols, un passager en détresse, souffrant de maladie cardiovasculaire par exemple, pourra-t-il espérer recevoir des soins efficaces et rapides à bord d’un avion ? Le conférencier a enquêté sur les dispositions prises par les compagnies canadiennes d’aviation pour réagir à de telles éventualités.

C’était déjà connu qu’il y a des trousses de premiers soins à bord des avions et que les agents de bord reçoivent une formation en soins d’urgence. Cependant, en cas de malaise important en vol, on fait couramment appel à un médecin présent (en lui offrant un rabais sur le prix de son prochain voyage). Mesure jugée suffisante, pourvu qu’il y ait un médecin coopératif à bord et qu’il ait les outils nécessaires pour intervenir efficacement. L’enquête détermina que ce n’était pas le cas.

Il manquait, entre autres pour les longs vols, un défibrillateur, outil indispensable en cas d’arrêt cardiaque ; cet appareil aurait permis de sauver des vies. Les avionneurs n’étaient pas favorables à l’installation de ces appareils. Le conférencier publia ces informations. Ils le furent néanmoins ultérieurement. D’abord, parce qu’il fut prouvé que cela sauvait effectivement des vies et ensuite parce qu’un concurrent important en avait déjà installé.

Sur un ton anecdotique, le conférencier nous révèle que, dans un avion, il vaut mieux être assis le plus en avant possible. L’air frais, renouvelé régulièrement, circule de l’avant à l’arrière.

Opus Dei

L’Opus Dei, cette organisation catholique parfois qualifiée de phalange du pape, accomplit l’« œuvre de Dieu » à travers le monde dans une mission apostolique très discrète, n’ayant de compte à rendre à personne, autre que le pape lui-même. Soupçonnée d’influence politique indue, elle a fait l’objet de nombreuses enquêtes, dont l’une à laquelle participa le conférencier. Ce dernier n’a pu lier directement des politiciens canadiens à l’Opus Dei, mais bien certains journalistes influents. Pourtant, dans la soixantaine de pays où elle est installée, elle est réputée recruter des décideurs.

Lors de son enquête pour L’Actualité en 1993, le conférencier a réussi à identifier environ 200 sympathisants de cette institution à Montréal même. Établie dans quelques « propriétés » situées près des universités, elle tente ainsi de recruter parmi les décideurs de demain.

À la suite de la publication de l’article de Michel Legault sur l’Opus Dei, cet organisme a bénéficié ultérieurement d’une page complète pour défendre ses intérêts.

Vaccination contestée

Jusqu’en l’année 2000, le Thimerosal entrait dans la composition des vaccins en tant que préservatif. Il contenait des traces de mercure. En butte aux pressions des opposants de la vaccination, qui y voyaient un danger important, les autorités gouvernementales de santé ont demandé que le Thimerosal soit retiré de la composition des vaccins. Pourtant, aucune étude n’a clairement démontré sa dangerosité.

Dans une cause majeure contre la vaccination des enfants aux États-Unis, les avocats de la poursuite ont apporté comme preuve du caractère nocif des vaccins le fait que le Thimerosal avait été banni par les agences de santé gouvernementales.

Le conférencier tire la leçon suivante de ces événements : les organismes de santé publique ne devraient pas céder aux seules pressions de l’opinion publique pour interdire (ou accepter) certains produits. Ils s’éloignent alors de la méthode scientifique pour des raisons politiques. De tels accommodements ne sont pas de mise en science.

Valeurs critiques

Le conférencier termine en insistant sur l’importance de l’esprit critique pour le bon fonctionnement d’une société démocratique. Il est bon de se le rappeler, ajoute-t-il, dans un monde qui a tendance à vouloir accommoder différents courants de pensée, leur adjugeant ainsi une valeur implicitement égale.


Période de questions

Faux positifs

Un auditeur rappelle qu’un chercheur britannique avait cru pouvoir reproduire l’expérience de Benveniste sur la mémoire de l’eau. Avec l’aide du magicien James Randi, on avait démontré qu’elle s’était trompée ; elle n’avait pas pu faire la différence entre de l’eau pure et de l’eau empreinte de mémoire lors de tests randomisés.

Le conférencier précise que Randi avait failli perdre le million de dollars qu’il offrait pour une expérience réussie sur la mémoire de l’eau. Le type de méthodologie utilisée engendre à l’occasion de faux résultats positifs, heureusement non significatifs.

Répercussions familiales

Un auditeur demande au conférencier s’il a déjà reçu des menaces à la suite de ses enquêtes.

Legault admet que publier des révélations dérangeantes apporte son lot d’inconvénients. Sur le plan personnel, les réactions à la publication créent parfois un climat familial tendu. Les craintes de préjudice à sa famille l’ont d’ailleurs poussé à ne plus participer directement à ce genre d’enquête.

Favoritisme routier

Doit-on s’étonner que nos routes soient pleines de trous, demande un participant, se référant à une enquête non publiée du conférencier ?

Sur tous les grands chantiers qu’il a visités durant son enquête, le conférencier a décelé, à une grande ampleur, des pratiques qui font obstacle à la productivité et empêchent une saine gestion.

Journalisme d’enquête

Excluant le domaine artistique, dans quelle proportion les journalistes poursuivent-ils des enquêtes versus ceux qui ne font que rapporter la nouvelle, s’enquiert un membre de l’auditoire ?

Faire un travail de recherche sur une actualité exige beaucoup plus d’efforts que simplement la rapporter, souligne le conférencier. La plupart des journalistes font leur travail avec une grande conscience professionnelle, mais leurs conditions de travail ne favorisent en général pas la vérification en profondeur des faits qui leur sont rapportés. De telles enquêtes peuvent d’ailleurs durer plusieurs mois. On les entreprend par goût personnel et malgré une culture journalistique qui n’encourage pas autant ce genre de recherche que dans le monde anglo-saxon.

Journalisme de qualité

Que devrait-on changer pour que le journalisme soit de meilleure qualité, demande un auditeur ? On a tendance à croire que le journaliste ne fait souvent rien d’autre que de rapporter les paroles du politicien, surtout si on a le même son de cloche des différents médias.

Il suffit d’exiger cette rigueur critique de la part des journalistes, comme on a commencé à le faire dans le domaine de l’éducation et de la qualité de la langue française, répond le conférencier. Diverses avenues s’offrent au public pour réagir. Par exemple, l’envoi de lettres ouvertes, souvent sérieusement scrutées par la rédaction.

Accommodements complaisants

Un auditeur fait la remarque suivante : les Québécois sont en général plutôt accommodants vis-à-vis les infractions dont ils sont témoins ; ils n’ont pas tendance à les dénoncer. Il existe une certaine habitude de laisser-faire, de ne pas s’en mêler.

Cette culture d’accommodements existe, mais elle serait en train de changer, selon le conférencier. Ce dernier dirige actuellement la revue Bien Grandir, destinée aux parents. Ce travail le met en contact avec de nombreux intervenants sociaux du domaine de la jeunesse. Il semble discerner une nouvelle tendance qui rendrait nos enfants plus moraux que nous ne l’avons été, dans les domaines de la protection de l’environnement et d’une saine alimentation, par exemple. Nos enfants nous font bien souvent la leçon et seront sans doute moins enclins à passer l’éponge ou à fermer les yeux devant des actions aujourd’hui considérées seulement antisociales.

Éthique journalistique

Les médias ont peu tendance à s’autocritiquer et essaient souvent de protéger leurs membres, remarque un auditeur. Existe-t-il une sorte de police indépendante qui surveille les médias et pourrait les rappeler à l’ordre dans des cas d’erreurs flagrantes ou de complaisance excessive ?

Cet esprit de chapelle existe bien chez les journalistes, reconnaît Legault, comme dans bien d’autres professions. Heureusement, il y a le Conseil de presse qui reçoit les plaintes du public et fait un excellent travail pour y répondre. Le conférencier rappelle qu’à la suite de la publication de son article critique sur l’Opus Dei, cet organisme déposa une plainte contre lui sous une centaine de points différents. Il a dû les réfuter un à un ; ce qui lui a demandé beaucoup d’énergie.

D’ailleurs, un journaliste dévoile rarement plus de la moitié de ce qu’il sait. Il se protège contre des poursuites possibles et protège ses sources. Au besoin, il pourra se servir d’informations non divulguées pour se défendre.

Existe-t-il un ordre professionnel des journalistes, poursuit une auditrice ?

Il y a un organisme équivalent, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, précise Legault. Les journalistes ont toujours refusé que leur fédération devienne un ordre professionnel.

Pressions des commanditaires

Avez-vous déjà constaté que certains articles n’ont pas été publiés pour éviter de déplaire à des commanditaires ?

Oui, répond le conférencier, cela arrive à l’occasion. Mais c’est plutôt le contraire qui se produit : des articles complaisants paraissent pour plaire à des commanditaires.

La multiplication des sources

Pensez-vous qu’Internet constitue une force positive pour informer le public ?

Les informations glanées sur Internet augmentent le nombre de sources auxquelles on peut puiser. Quant à la qualité de l’information, une analyse comparative pourra départager le vrai du faux, le plausible de l’improbable. Une information est une information, peu importe la source, souligne le conférencier. D’ailleurs, bientôt, grâce au mariage et à l’hybridation des moyens de transmission de l’information, on ne fera plus la différence entre presse, radio, télévision ou Internet, ajoute-t-il.

Compte-rendu rédigé par Louis Dubé et révisé par le conférencier.