LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Conférence

Conférence du mardi 13 février 2007

Mécanique quantique
Animations et interprétations philosophiques

Version intégrale à cette adresse : Charest_Fortier.pdf.

La version abrégée suit :  

Texte annonçant la soirée

La mécanique quantique est la science la plus mystérieuse. Elle traite du niveau le plus fondamental de la réalité, celui des particules (électrons, atomes, photons, …) La mécanique quantique a fait entrer dans la physique des concepts radicalement nouveaux : dualité onde-corpuscule, superposition d’états, effet de l’observateur, probabilités, etc.

Par ailleurs, la mécanique quantique est un sujet favori pour ceux qui tiennent des discours irrationnels sur la réalité, qu’ils soient philosophes, gourous du Nouvel-Âge ou même physiciens. Ainsi, la mécanique quantique nous révèlerait une réalité indéfinie, indéterministe, contradictoire et subjective ; il existerait un lien profond entre la conscience et le niveau le plus ultime de la réalité, retour de l’humain au centre de l’univers.

Lors de la première partie (13 février 2007) de cette série de deux conférences, la théorie sera présentée de manière bien vulgarisée à l’aide d’animations créées par le conférencier. La seconde partie (13 septembre 2007) sera une discussion des différentes interprétations philosophiques de la mécanique quantique, les sensées et les extravagantes.

Daniel Fortier enseigne la physique au cégep Lionel-Groulx, où il a notamment créé son propre cours d'astrophysique. Il détient une maîtrise en astronomie de l'Université de Toronto et un baccalauréat en physique de l'Université de Montréal. En 2002, il a conçu et mis en ligne un site web sur la démarche scientifique : « Entre l’humain et la réalité. Comment distinguer le vrai du faux ? ».

Annonces

François Filiatrault, animateur de la soirée, rappelle la mission des Sceptiques du Québec : améliorer son esprit critique dans tous les domaines, et plus particulièrement par l’analyse des phénomènes dits paranormaux. Nous ne voulons pas croire, mais savoir, ajoute-t-il ! La Foire aux questions (FAQ) du site Web résume clairement les objectifs de notre organisme et ses différentes prises de position sur les croyances. Consultez cette rubrique pour en savoir plus.

Les Sceptiques auront 20 ans cette année, n’hésitez pas à nous faire parvenir vos idées de célébrations qui auront lieu le 13 juin 2007. L’assemblée générale de l’association se tiendra le 18 février prochain ; tous les membres sont invités à y participer pour, entre autres, élire un nouveau conseil d’administration.

Actualités

La prochaine émission de « Il va y avoir du sport » de Télé-Québec propose un débat intitulé : « Peut-on croire à l’astrologie ? » Selon Filiatrault, la question est drôlement posée, car on ne peut répondre que dans l’affirmative. Il eût mieux valu s’interroger sur la validité de l’astrologie… De plus, le panel de discussion n’inclut ni un astronome, ni un sceptique. Il est encore possible d’assister à l’émission en direct.

Filiatrault mentionne également qu’on pouvait trouver récemment, dans un publisac de Ville de Laval, l’annonce d’un vrai talisman qui pourrait nous aider à gagner à la loterie et retrouver des amours perdues. De nombreux témoignages en vantent les vertus. Ce serait gratuit, mais il faut répondre dans les cinq jours. Il est tout de même curieux qu’on ait accepté d’annoncer aux consommateurs cette arnaque évidente.

Mécanique quantique
Animations et interprétations philosophiques
Par Daniel Fortier

Daniel Fortier

Voici la première partie d’une série de deux conférences données par Daniel Fortier sur le sujet de la physique quantique. Dans cette première partie, Fortier décrira la différence entre la physique classique et la physique quantique. Il présentera le formalisme mathématique de cette dernière à l’aide d’animations informatiques qu’il a créées. Ces animations offrent une vision simplifiée de la réalité, car elles ne se déroulent qu’en une ou deux dimensions, alors que la théorie quantique décrit des phénomènes en trois dimensions. Le but de ces animations est de rendre visuelles et accessibles les idées fondamentales de la physique quantique. Ces animations sont incorporées dans le présent compte-rendu sous forme de bandes dessinées. Le conférencier fera également la distinction entre science et philosophie et présentera deux interprétations philosophiques possibles du formalisme mathématique de la physique quantique, dont l’interprétation de Copenhague, qui est la mieux connue. D’autres interprétations philosophiques seront discutées lors de sa prochaine allocution en septembre 2007.

Structure de la conférence

1) Un peu d’histoire
2) Ondes et paquets d’ondes
3) Science et philosophie
4) La relation de Heisenberg
5) L’expérience des fentes de Young
6) Le postulat de réduction du paquet d’ondes
7) Les systèmes quantiques et l’effet EPR
8) La décohérence
9) Le hasard en physique quantique
À venir
Période de questions

Ce résumé du compte-rendu de la première partie de la conférence de Daniel Fortier ne comprend que les parties 1,3 et 9, ainsi que la période de questions.

Le compte-rendu en entier se trouve en version PDF à cette adresse : Charest_Fortier.pdf.

1) Un peu d’histoire

A) La physique classique

Le principe du tiers exclu expérimental

La physique classique présente une vision dichotomique de la réalité, selon laquelle deux sortes d’entités existent : les corps matériels et les champs. La physique classique discute de deux types de champs : les champs gravitationnels et électromagnétiques. Les champs sont responsables des forces (gravitationnelles, électriques et magnétiques) entre les corps matériels.

Ces deux sortes d’entités, corps matériels et champs, se distinguent de manière radicale par trois caractéristiques. Les corps matériels sont (1) discontinus (ils ont une frontière séparant le dedans du dehors), (2) localisés (on peut leur attribuer une position, celle du point situé en leur centre) et (3) dénombrables. À l’opposé, les champs sont (1) continus (ils remplissent tout l’espace ; ils s’étalent jusqu’à l’infini), (2) délocalisés (parce qu’ils ont une extension infinie, on ne peut pas leur assigner une position dans l’espace) et (3) ne peuvent pas être dénombrés (ils se superposent les uns aux autres et se comportent alors comme un seul et unique champ total). Le principe du tiers exclu expérimental de la physique classique stipule que cette vision de la réalité est exhaustive : il n’existe pas de troisième sorte d’entité physique.

Ajoutons qu’un champ peut se propager sous forme d’onde : les ondes gravitationnelles et les ondes électromagnétiques. La lumière visible est un type particulier d’onde électromagnétique.

Les théories de la physique classique

En physique classique, le mouvement des corps matériels est étudié par deux théories, la mécanique classique de Newton et la relativité restreinte d’Einstein. La mécanique classique est fondée sur quatre grands principes : les trois lois de Newton (la loi de l’inertie, la 2e loi de Newton selon laquelle la force totale exercée sur corps est égale au produit de la masse et de l’accélération de ce corps, la loi d’action réaction) et le principe de conservation de l’énergie. Les lois de la mécanique classique s’appliquent lorsque les vitesses des objets sont de beaucoup inférieures à la vitesse de la lumière. Sinon, on doit recourir à la théorie de la relativité restreinte d’Einstein, souvent considérée comme faisant partie de la physique classique, ici à titre de généralisation de la mécanique classique.

D’autre part, on peut nommer « théorie classique des champs » l’ensemble des théories de la physique classique qui étudient les champs gravitationnels et électromagnétiques. Les champs gravitationnels d’intensité faible à modérée sont représentés par la loi de la gravitation universelle de Newton. La théorie de la relativité générale d’Einstein est une théorie générale de la gravitation qui prend en charge toutes les intensités possibles des champs gravitationnels. Quant aux champs électromagnétiques, ils sont étudiés par l’électromagnétisme classique, l’optique classique ainsi que la relativité restreinte. L’optique appartient effectivement à l’étude des champs électromagnétiques parce que la lumière visible, comme nous l’avons déjà mentionné, est elle-même une onde électromagnétique, à l’instar des ondes radio, des micro-ondes, des infrarouges, des ultraviolets, des rayons X et des rayons gamma.

Particules et corpuscules

Le conférencier a voulu établir une distinction claire entre deux termes souvent utilisés comme synonymes. Il emploiera le terme « particule » pour désigner les plus petits objets de la réalité physique, comme les électrons. Le terme « corpuscule » sera employé comme synonyme de « petite bille dure » et se rapportera à la nature des particules. La physique classique conçoit les particules comme des corpuscules : cette conception sera remise en question par la physique quantique.

B) De la physique classique à la physique quantique

Au début du 20e siècle, alors qu’il devient possible de faire des expériences à l’échelle microscopique, on découvre certaines situations où la physique classique ne s’applique pas. Par exemple, pour expliquer le rayonnement particulier des corps noirs, Planck doit rejeter, en 1900, l’idée que la lumière est un phénomène continu et émettre l’hypothèse qu’elle est émise en quanta, ou paquets, d’énergie. Cette même discrétisation de l’énergie est nécessaire, comme le découvre Einstein en 1905, pour expliquer l’effet photoélectrique. Tout cela mène Einstein à postuler, en 1912, la dualité onde-corpuscule : la lumière serait une onde, mais composée de corpuscules, que l’on nomme photons.

Bohr présente par la suite, en 1913, un nouveau modèle de l’atome dans lequel il y a une discontinuité entre les niveaux d’énergie possibles pour les électrons. Ainsi, les électrons dans un atome ne peuvent circuler que sur certaines orbites bien précises autour du noyau. Ils ne peuvent jamais se trouver entre deux orbites permises. Les électrons passent d’une orbite à l’autre par ce que l’on nomme un saut quantique.

En 1924, Louis de Broglie va plus loin que l’idée de Planck et d’Einstein selon laquelle les ondes lumineuses sont composées de corpuscules. Il propose que la matière elle-même possède une dualité onde-corpuscule (c’est-à-dire une dualité onde-petite bille dure) : il associe des ondes aux corpuscules de matière. Cette idée sera confirmée en 1927 par une expérience de diffraction d’électrons, la diffraction étant un phénomène ondulatoire qui fut ici observé chez des particules de matière, et sur lequel le conférencier reviendra plus tard.

Alors qu’en physique classique, la position et la vitesse d’un corps matériel fournissent une description complète de son état (si la masse et la charge électrique sont connues), les découvertes à l’échelle microscopique de la réalité demandent que l’on fasse appel à un nouveau type d’état, le spin. Le spin est une grandeur physique abstraite qui n’a aucun équivalent en physique classique. La seule manière dont on peut le visualiser est en recourant à une analogie erronée, selon laquelle le spin représenterait la rotation d’une particule sur elle-même.

C) La physique quantique depuis 1925

La physique quantique est un domaine qui regroupe cinq théories et quatre formalismes mathématiques équivalents.

Une première théorie quantique véritable est présentée en 1925 par Heisenberg : la mécanique des matrices (une matrice étant un objet mathématique). L’année suivante, Schrödinger propose une seconde théorie, la mécanique ondulatoire, fondée sur le concept de paquet d’ondes ainsi que sur le calcul différentiel et intégral. Schrödinger montre ensuite l’équivalence entre sa théorie et celle de Heisenberg. En 1927, c’est au tour de Dirac d’entrer en scène avec son formalisme mathématique des vecteurs d’états. Il démontre que son formalisme des vecteurs d’états est non seulement équivalent au formalisme des matrices de Heisenberg et à celui des fonctions d’onde de Schrödinger, mais qu’il est plus général.

Ces trois premières théories, que l’on peut désigner collectivement par l’expression « mécanique quantique non relativiste » (car elles ne sont valides que pour des particules se déplaçant à des vitesses très inférieures à celle de la lumière), ou encore « mécanique quantique » tout court, sont différentes, mais équivalentes.

Dans un désir de développer une physique unifiée, on cherche une mécanique quantique qui soit compatible avec les deux théories de la relativité, restreinte et générale. En 1928, Dirac réussit à unifier sa mécanique des vecteurs d’états avec la relativité restreinte. La mécanique quantique relativiste de Dirac a une application très limitée. Elle a cependant un grand mérite : alors que le spin est une grandeur physique qui doit être incorporée aux trois premières théories par un postulat supplémentaire, il devient une conséquence naturelle de la mécanique quantique relativiste de Dirac. De plus, Dirac prédit en 1930, à partir de sa mécanique quantique relativiste, l’existence de l’antimatière. Les antiparticules seraient des « trous » dans les états d’énergie négative des particules ordinaires, c’est-à-dire des états inoccupés. Dirac dira même que l’antiélectron, devant avoir une charge positive, et le proton constituent une seule et même particule. En 1931, Dirac modifie sa prédiction : les antiparticules seraient des particules totalement nouvelles. Les antiélectrons seraient des électrons de charge positive, mais non des protons. Cette seconde conception de l’antimatière est celle qui est aujourd’hui en vigueur. La prédiction corrigée de Dirac sera confirmée expérimentalement par Carl Anderson en 1932-1933 : Anderson découvre, dans le rayonnement cosmique, des traces laissées par des électrons positifs, qu’il nomme positrons.

La recherche d’une théorie satisfaisante qui unifie mécanique quantique et relativité se poursuit. En 1948, une nouvelle théorie voit le jour : la théorie quantique des champs. Elle unifie mécanique quantique et relativité restreinte et ne souffre pas des limites de la mécanique quantique relativiste de Dirac. Elle s’énonce dans un nouveau formalisme mathématique, celui des intégrales de chemin de Feynman. La théorie quantique des champs continue de se développer depuis 1948 et discute aujourd’hui des quatre forces fondamentales qui régissent tous les phénomènes physiques connus, soit la force gravitationnelle, la force électromagnétique et les forces nucléaires faible et forte. Notons que ces deux dernières forces ne se manifestent qu’à l’échelle des noyaux atomiques ; mis à part les phénomènes de la physique nucléaire, tous les phénomènes physiques connus sont régis par les forces gravitationnelle et électromagnétique. Chacune de ces quatre forces est engendrée par son propre champ. Notons qu’à ce jour, seulement trois des quatre champs sont quantifiés par cette théorie, c’est-à-dire décrits, dans un formalisme mathématique cohérent et concordant avec les faits, comme étant composés de particules. Le seul qui fait exception est le champ gravitationnel : la théorie quantique des champs n’a pas encore réussi à en produire une description quantifiée cohérente et concordante. La théorie quantique des champs, que l’on désigne aussi par l’expression physique des particules, est la théorie physique la plus générale aujourd’hui. Elle est toujours l’objet de recherches.

Les physiciens sont notamment à la recherche de la « théorie du tout », qui permettrait de véritablement incorporer la gravitation à la théorie quantique des champs. Or, la théorie de la gravitation la plus générale dont disposent les physiciens aujourd’hui est la relativité générale. La « quête du Saint-Graal » de la physique d’aujourd’hui est ainsi de tenter d’unifier la théorie quantique des champs et la relativité générale en une seule et unique « théorie du tout ». Des solutions potentielles comprennent la théorie des cordes, la théorie des membranes et la théorie de la gravitation quantique.

3) Science et philosophie

Tout ce qui vient d’être présenté ici relève de la science, c’est-à-dire du formalisme mathématique de la physique quantique, plus spécifiquement du formalisme de Schrödinger (1926). Tout ce qui vient d’être présenté ici a donc été confronté à et confirmé par des expériences reproductibles. Mais le formalisme mathématique de la physique quantique, bien qu’il nous permette de calculer correctement ce que seront les résultats d’expériences, ne nous dit pas comment interpréter les objets mathématiques employés pour effecteur ces calculs (dans le cas du formalisme de Schrödinger, les paquets d’ondes), quelle signification leur donner. Bref : le formalisme mathématique ne nous dit pas à quoi ressemble la réalité à l’échelle microscopique.

La curiosité humaine étant sans limites, le pas allant du domaine de la science à celui de la philosophie fut rapidement franchi. Différentes interprétations philosophiques du formalisme mathématique de la physique quantique existent et tentent de comprendre la signification de celui-ci, donc la nature de la réalité à l’échelle quantique. Une mise en garde doit être donnée avant d’aborder les interprétations philosophiques : puisqu’elles ne font pas partie du domaine de la science, elles ne sont pas confrontées à la réalité par des expériences dans le but d’être confirmées ou infirmées. Elles peuvent être passionnantes, mais ne sont que des discours théoriques.

Dans la première partie de sa conférence, Fortier n’en présentera que deux : l’interprétation de Copenhague et une interprétation littérale, « naïve ». Il discutera des principales autres interprétations philosophiques de la physique quantique lors de la deuxième partie de sa conférence, tout en revenant sur les interprétations de Copenhague et naïve.

A) L’interprétation de Copenhague

L’interprétation de Copenhague est la première interprétation philosophique de la physique quantique à avoir été formulée, entre 1927 et 1932. Elle est principalement due à quatre physiciens, tous des fondateurs de la physique quantique : Niels Bohr, Werner Heisenberg, Max Born et John von Neumann. Selon ce point de vue, le paquet d’ondes, qui représente une particule, ne correspond pas à la réalité physique, mais à la connaissance que nous en avons. Selon l’interprétation de Copenhague, une particule n’est ni une onde ni un corpuscule (une petite bille dure), mais quelque chose que nous sommes incapables de décrire, sinon en nous référant à ces deux modèles mutuellement exclusifs, mais conjointement nécessaires afin de rendre compte de toutes les situations expérimentales. C’est le principe de complémentarité : l’onde et le corpuscule sont des descriptions dites complémentaires. Le paquet d’ondes n’est donc pas une représentation littérale de la réalité ; il n’est rien de plus qu’un outil de calcul. L’interprétation de Copenhague peut être qualifiée « d’interprétation épistémologique » de la physique quantique. Le terme « épistémologie » signifie, étymologiquement, « discours sur la connaissance ». L’épistémologie désigne « ce que les humains peuvent connaître de la réalité », plus précisément : (1) comment les humains font pour découvrir de nouvelles idées sur la réalité, (2) comment les humains font pour distinguer le vrai du faux, et enfin (3) quelles sont les limites à ce que les humains peuvent connaître de la réalité.

Pourquoi alors représenter une particule par un paquet d’ondes ? L’interprétation de Copenhague répond en affirmant que la réalité quantique, lorsque non observée, est floue, brouillée, indéfinie. Le paquet d’ondes, étant à la fois une superposition de positions (tous les points d’espace situés à l’intérieur du paquet d’ondes) et une superposition de vitesses (représentée par les ondes de de Broglie qui, en se superposant, construisent le paquet d’ondes), représente notre connaissance d’une réalité intrinsèquement indéfinie. L’interprétation de Copenhague voit les superpositions d’états comme des ensembles de possibilités. Elle voit les largeurs des superpositions d’états, Delta x et Delta v, comme des incertitudes intrinsèques (appartenant aux particules elles-mêmes, et non aux instruments de mesure) sur les grandeurs physiques position et vitesse.

Selon l’interprétation de Copenhague, une particule non observée n’a pas de position précise, mais un ensemble de possibilités représenté par le paquet d’ondes (par la superposition d’états de position). Le paquet d’ondes représente la position uniquement du point situé au centre de la particule, et non la particule dans son ensemble. Le centre de la particule se situe simultanément partout dans le paquet d’ondes : la particule est dite délocalisée. De même, selon l’interprétation de Copenhague, une particule n’a pas de vitesse précise, mais un ensemble de possibilités représenté par le spectre de vitesses (le spectre des ondes de de Broglie, ou encore la superposition d’états de vitesse). Le fait que le paquet d’ondes gonfle en se propageant librement signifie qu’avec le temps, la position de la particule devient de plus en plus floue, ce qui se comprend étant donné que la vitesse à laquelle la particule se déplace est elle-même floue. Et ce, contrairement aux corps matériels macroscopiques de la physique classique, dont le point situé au centre possède en tout temps une position et une vitesse bien définies.

L’interprétation de Copenhague demeure, en ce début de 21e siècle, l’interprétation la plus populaire de la physique quantique, chez les philosophes, les vulgarisateurs scientifiques et les physiciens ex-mêmes. Malheureusement, toutes ces personnes ont la fâcheuse tendance à confondre l’interprétation de Copenhague, qui relève de la philosophie, avec la physique quantique elle-même, qui relève de la science. Ainsi, on peut entendre que « selon la physique quantique, la réalité microscopique est intrinsèquement floue ». Ce n’est pas la physique quantique qui dit cela, mais l’interprétation de Copenhague. Tout ce que la physique quantique dit, c’est que les grandeurs physiques, comme la position et la vitesse, se font attribuer des superpositions d’états plutôt que des valeurs numériques uniques. Là s’arrête la science. Là commence la philosophie. Rappelons que seule la science est confirmée par l’expérience, la philosophie relevant uniquement du discours théorique.

B) Une interprétation naïve

D’ailleurs, il existe plus d’une manière d’interpréter le formalisme mathématique de la physique quantique. Fortier préfère à l’interprétation de Copenhague une interprétation littérale de la physique quantique : il prend le formalisme mathématique au pied de la lettre. Si le formalisme mathématique représente les particules par des paquets d’ondes, cela signifie directement que, dans la réalité, les particules sont effectivement des paquets d’ondes – jamais des corpuscules (petites billes dures). Le paquet d’ondes est donc une représentation littérale de la réalité ; par conséquent, il est aussi automatiquement un outil de calcul. D’un point de vue philosophique, interpréter littéralement le formalisme mathématique de la physique quantique peut être vu comme de la naïveté. Pour le conférencier, une interprétation « naïve » de la physique quantique est la seule qui soit sensée !

L’interprétation naïve peut être qualifiée « d’interprétation ontologique » de la physique quantique. Le terme « ontologie » signifie, étymologiquement, « discours sur l’être ». En philosophie, « l’être » signifie « ce qui est », c’est-à-dire « ce qui existe ». On aurait pu dire que le terme ontologie signifie « discours sur l’existant ». L’ontologie représente ainsi toutes les idées que les humains ont sur « ce que la réalité est et fait », notamment les théories scientifiques. Ontologie est donc synonyme de « conception de la réalité ».

Quelle signification une interprétation naïve de la physique quantique donnera-t-elle aux superpositions d’états ? La superposition de positions, c’est-à-dire le paquet d’ondes lui-même, représentera la particule dans son ensemble, donc sa taille et sa forme, et non uniquement la position du point situé en son centre. Si une particule est effectivement un paquet d’ondes, cela signifie que ses frontières sont floues et que sa forme et son volume sont variables, contrairement au cas d’un corpuscule (petite bille dure). Cependant, selon ce point de vue, la position de la particule ne sera pas floue, mais sera au contraire clairement définie comme étant la position du point situé au centre du paquet d’ondes (de manière plus rigoureuse : comme étant la valeur moyenne de la superposition d’états de la position – comme étant la position moyenne). Selon l’interprétation naïve, les particules sont donc localisées, tout comme les corps matériels de la physique classique, et ce, contrairement à ce que dit l’interprétation de Copenhague.

Selon l’interprétation naïve, la superposition d’états de la vitesse signifiera que la particule (dont la taille et la forme, variables, sont représentées par le paquet d’ondes) gonfle, grossit, littéralement, lorsqu’elle se propage librement, lorsqu’il y a absence d’interaction avec son environnement. Cela n’implique aucunement que la position de la particule devienne floue avec le temps, puisque la position demeure en tout temps définie comme étant la position du point au centre du paquet d’ondes. De plus, l’interprétation naïve permet d’attribuer une vitesse unique et bien définie à la particule : cette vitesse sera clairement définie en tant que valeur moyenne de la superposition d’états de la vitesse – en tant que vitesse moyenne. Autrement dit, selon l’interprétation naïve, la superposition d’états de vitesse signifie que la particule grossit en se propageant, et la vitesse moyenne est la vitesse à laquelle le point situé au centre de la particule se déplace.

Et c’est tout : selon l’interprétation naïve, il n’y a rien de plus profond à déduire du concept de superposition d’états.

Critique de l’interprétation de Copenhague

Fortier affirme que l’interprétation de Copenhague de la physique quantique, malgré ses origines « nobles » et sa popularité, est erronée, et ce, parce qu’elle tente de donner une signification au formalisme mathématique de la physique quantique en maintenant implicitement deux concepts classiques, celui de corpuscule (petite bille dure ; principe de complémentarité : dualité onde-corpuscule) et celui d’état unique (en physique classique, la position et la vitesse d’un corps matériel ont des valeurs numériques uniques en tout temps). Or, selon la physique quantique, les grandeurs physiques, comme la position et la vitesse, se font assigner des superpositions d’états (plusieurs valeurs numériques simultanément).

C’est en tentant implicitement de concilier, d’une part, les concepts classiques de corpuscule et d’état unique, et, d’autre part, le concept quantique de superposition d’états, que l’interprétation de Copenhague conclut que la position et la vitesse (du point situé au centre) d’une particule non observée ont chacune une valeur numérique unique, mais intrinsèquement floue, indéfinie. Les superpositions d’états sont interprétées comme des ensembles de possibilités et leurs largeurs, Delta x et Delta v, comme des incertitudes intrinsèques.

Or, les concepts de corpuscule, d’état unique, d’état unique flou, d’ensemble de possibilités et d’incertitude intrinsèque n’existent tout simplement pas dans le formalisme mathématique de la physique quantique : ce dernier ne parle que de superposition d’états. Ces concepts n’existent que dans l’interprétation de Copenhague.

Parce que l’interprétation de Copenhague se fonde implicitement sur les concepts classiques de corpuscule et d’état unique, Fortier la qualifie de semi-classique, ou, de manière équivalente, de semi-quantique.

L’interprétation naïve : véritablement et entièrement quantique

L’interprétation naïve proposée par Fortier se veut une interprétation philosophique véritablement et entièrement quantique. L’interprétation naïve rejette dès le départ les concepts classiques de corpuscule et d’état unique pour l’échelle microscopique de la réalité (mais non pour l’échelle macroscopique, soit celle de la physique classique). Elle refuse ainsi de se fonder, implicitement ou explicitement, sur des concepts qui n’existent pas dans le formalisme mathématique de la physique quantique, mais qui n’existent que dans la tête de la personne qui tente d’interpréter ce formalisme, et ce, parce que l’esprit de cette personne est habitué à penser la réalité physique selon la manière dont celle-ci se manifeste à l’échelle humaine, macroscopique.

L’interprétation naïve prend le concept de superposition d’états au pied de la lettre. Selon l’interprétation naïve, les grandeurs physiques, comme la position et la vitesse, n’ont pas des valeurs numériques uniques, mais intrinsèquement indéfinies : elles possèdent littéralement plusieurs valeurs numériques simultanément, qui toutes sont bien définies. Selon l’interprétation naïve, la réalité à l’échelle microscopique n’est pas floue : elle est définie de manière aussi précise que la réalité à l’échelle macroscopique. Les particules ne sont pas des entités ayant une position et une vitesse intrinsèquement floues, se comportant tantôt comme des ondes et tantôt comme des corpuscules, mais sont, littéralement, des paquets d’ondes, dont le point situé au centre possède une position et une vitesse bien définies en tout temps, à l’instar des corps matériels macroscopiques de la physique classique. Cependant, puisque les particules sont, littéralement, des paquets d’ondes, leur comportement n’est pas identique à celui des corps matériels macroscopiques. Le comportement des particules microscopiques est un hybride entre le comportement des corps matériels macroscopiques et celui des ondes macroscopiques. Et même mieux : il existe dans le formalisme mathématique de la physique quantique un théorème, le théorème d’Ehrenfest, démontré en 1927, selon lequel le point situé au centre d’un paquet d’ondes obéit à la 2e loi de Newton de la physique classique (force totale = masse x accélération), loi qui s’applique d’abord aux corps matériels macroscopiques. Ainsi, dans les situations particulières où un paquet d’ondes (qui est, littéralement, la particule) évolue dans un environnement dont les dimensions sont beaucoup plus grandes que sa propre taille, il est tout à fait légitime de le traiter comme un corpuscule classique.

9) Le hasard en physique quantique

Rappelons d’abord que la conception répandue du hasard, selon laquelle il signifierait que n’importe quoi peut survenir, est erronée : le hasard est en soi une forme de déterminisme, de nature statistique. Le hasard signifie que, bien que le résultat d’une mesure est imprévisible et incontrôlable, l’ensemble des résultats possibles ainsi que les probabilités d’obtenir chacun sont rigoureusement déterminés par des lois mathématiques. Et ce, de manière analogue au résultat que l’on obtient en lançant un dé. En physique quantique, l’ensemble des résultats possibles et les probabilités d’obtenir chacun sont rigoureusement déterminés par le paquet d’ondes, son spectre d’ondes de de Broglie et la règle de Born.

Souvenons-nous ensuite qu’il est courant de dire que « la physique quantique est aléatoire », ou encore « indéterministe ». Nous sommes maintenant en mesure d’apprécier en quoi cet énoncé est erroné. Nous pouvons formuler notre critique en deux arguments.

Argument no 1 : le hasard ne joue pas un rôle central en physique quantique

D’une part, ce n’est que dans le phénomène de réduction non unitaire (décohérence) que le hasard se manifeste. Selon le formalisme mathématique de la physique quantique, une particule ou un système de particules enchevêtrées, lorsque non observé, suit une évolution unitaire, donc évolue d’une manière entièrement déterministe. Dans une expérience de physique quantique donnée, l’évolution avant la mesure d’une particule ou d’un système se déroule toujours de la même manière, comme nos animations nous l’ont montré.

D’autre part, tout n’est pas aléatoire dans le phénomène de réduction non unitaire. Lorsqu’une particule ou un système de particules enchevêtrées est observé, le fait qu’il y ait réduction est en soi déterministe, selon la théorie de la décohérence. Le hasard ne se manifeste qu’au niveau du choix de l’état final unique qui subsiste après la réduction.

Ainsi, globalement, la physique quantique est déterministe au même titre que la physique classique. Il n’y a qu’une seule exception au déterminisme en physique quantique : le choix de l’état unique qui subsiste après une réduction.

Argument no 2 : la nature du hasard en physique quantique n’est pas élucidée

La question de la nature du hasard, qui se manifeste lors d’une réduction, n’a toujours pas été tranchée. Ce hasard est-il bel et bien réel ? Y a-t-il quelque chose de fondamentalement aléatoire dans la réalité ? Ou y aurait-il un mécanisme entièrement déterministe à l’œuvre dans le phénomène de réduction, qui expliquerait de manière déterministe le choix de l’état final ? Dans ce dernier cas, le hasard auquel la théorie quantique fait appel ne serait pas réel, mais représenterait ou bien notre ignorance partielle de ce mécanisme déterministe (la théorie de la décohérence étant toujours un objet de recherche), ou bien notre incapacité à effectuer de manière exacte tous les calculs complexes qu’un tel mécanisme impliquerait, et ce, à l’instar du lancer d’un dé.

Analysons le lancer d’un dé. La face sur laquelle un dé tombe est le résultat d’un mécanisme entièrement déterministe : aucun hasard réel n’est à l’œuvre ici ! Le hasard auquel on fait appel lorsqu’on lance un dé ne fait que représenter notre incapacité à effectuer de manière exacte tous les calculs complexes que le lancer d’un dé implique. Il faudrait en effet tenir compte de l’angle exact selon lequel le dé est lancé, de sa hauteur initiale exacte, de la force exacte avec laquelle il est lancé, de la température et de la densité de l’air, du taux d’humidité, de toutes les turbulences atmosphériques engendrées par les objets et personnes sur place, de la présence de particules en suspension dans l’air, etc.

Le lancer d’un dé relève de la théorie du chaos. Cette théorie, malgré ce qu’on peut souvent entendre à son sujet, n’est pas une théorie de l’indéterminisme, mais une théorie du déterminisme lorsqu’il y a sensibilité aux conditions initiales. Dans le cas du lancer d’un dé, cela signifie que le mécanisme physique qui est à l’œuvre, d’une part dans le passage de la virevolte du dé à son arrêt, et d’autre part dans le choix de la face finale qu’il présente, est entièrement déterministe, mais que de toutes petites modifications aux conditions initiales (angle, hauteur, force, turbulences, …) changent l’issu du processus. La métaphore de l’effet papillon illustre ce phénomène de sensibilité aux conditions initiales : le battement d’ailes d’un papillon à l’autre bout du monde peut finir par engendrer ici, de fil en aiguille, des turbulences atmosphériques qui influencent le résultat du lancer du dé.

Il est impossible d’effectuer de manière exacte tous les calculs complexes que le lancer d’un dé implique pour deux raisons. (1) Tout instrument de mesure étant imparfait, il est impossible de mesurer avec une précision parfaite les conditions initiales (angle, hauteur, force, turbulences…). Or, tout écart, aussi petit soit-il, entre les données employées dans les calculs et la réalité aura pour conséquence que les prédictions obtenues par calculs seront différentes des résultats effectivement obtenus dans la réalité. Et ce, précisément en raison de la sensibilité aux conditions initiales : de petites modifications aux conditions initiales changent l’issue du processus. (2) Le nombre de variables dont il faudrait tenir compte est si grand qu’il est impossible d’effectuer des calculs de manière exhaustive. On ne peut qu’effectuer des calculs approximatifs. Et, encore une fois en raison de la sensibilité aux conditions initiales, le fait de ne pas tenir compte, dans les calculs, de toutes les variables impliquées de manière exhaustive aura pour conséquence que les prédictions obtenues par calculs seront différentes des résultats effectivement obtenus dans la réalité.

La météo est un autre exemple de système chaotique. Un mécanisme complexe et déterministe est à l’œuvre, avec sensibilité aux conditions initiales. Il est impossible d’effectuer de manière exacte tous les calculs complexes que ce mécanisme implique, pour les deux mêmes raisons que dans le lancer d’un dé. C’est pourquoi les prévisions météo, à l’instar des prédictions concernant le lancer d’un dé, sont formulées en termes de probabilités. Dans les deux cas, aucun hasard réel n’est à l’œuvre. Dans les deux cas, le hasard n’est pas ontologique (il ne relève pas de la réalité, celle-ci étant entièrement déterministe), mais épistémologique (il relève de la connaissance que nous pouvons avoir de la réalité : il traduit le caractère partiel et imparfait de cette connaissance).

Résumé de l’argument no 2

Bref, la physique quantique ne se prononce pas, pour le moment, sur la nature du hasard auquel elle fait appel. Trois hypothèses sont possibles. (1) Le hasard en physique quantique est-il réel ? Est-il ontologique ? (2) Le hasard en physique quantique est-il épistémologique, traduisant notre ignorance partielle d’un mécanisme entièrement déterministe, dont la théorie de la décohérence ne nous fournirait qu’une connaissance pour le moment partielle ? Dans ce cas, le hasard qui se manifeste lors du phénomène de réduction ne serait pas réel. Lorsque ce mécanisme déterministe sera complètement élucidé, le hasard sera évacué de la physique quantique. (3) Le hasard en physique quantique est-il épistémologique, mais traduisant plutôt la sensibilité aux conditions initiales d’un mécanisme déterministe complexe, dont la théorie de la décohérence nous donnerait peut-être alors une connaissance déjà complète ? Dans ce dernier cas, le hasard qui se manifeste lors du phénomène de réduction ne serait pas réel, mais relèverait de la théorie du chaos, à l’instar du hasard qui se manifeste dans le lancer d’un dé et dans les prévisions météo. Le hasard ne serait alors jamais évacué de la physique quantique, pour les mêmes raisons qu’il ne sera jamais évacué du jeu de dés ou de la météo.

À venir

Lors de la deuxième partie de sa conférence, Daniel Fortier résumera les points abordés ce soir sur le formalisme mathématique de la physique quantique. Il reviendra sur l’interprétation de Copenhague et sur l’interprétation naïve, et présentera quatre autres interprétations philosophiques de la physique quantique : l’interprétation statistique (ou d’ensemble ; Einstein), l’interprétation des univers parallèles (Everett ; DeWitt), l’interprétation par la conscience (Wigner ; Penrose) et la position instrumentaliste (Dirac ; Feynman).

Notons que le conférencier prépare un livre sur le sujet de la physique quantique, basé sur les deux parties de sa conférence, lequel sera accompagné d’un CD-ROM portant les animations présentées ce soir.

Période de questions

Une personne de l’assistance présente une analogie entre l’effet de l’observateur en physique quantique, envisagé du point de vue de l’interprétation de Copenhague, et l’effet de l’observateur en sciences humaines. Il compare la mesure effectuée sur une particule à la question qu’un sondeur nous pose sur ce que sera notre vote à la prochaine élection. Avant que le sondeur ne nous questionne, il se peut que notre opinion ne soit pas clairement définie, qu’elle soit floue, qu’elle soit un ensemble de possibilités au sens où on appuie simultanément plusieurs candidats. Le fait que le sondeur nous pose la question nous force alors à répondre : cela nous force à « réduire notre ensemble de possibilités » à un choix unique, et ainsi à définir notre opinion. On prend une décision au moment où la question nous est posée.

Daniel Fortier croit que c’est là une excellente métaphore pour illustrer l’interprétation de Copenhague. Toutefois, si l’on adopte l’interprétation naïve, on perd cette idée que l’état d’une particule non observée est indéfini et que celui d’une particule observée est défini. Selon l’interprétation naïve, un « électeur quantique » peut effectivement avoir « une superposition d’opinions », chacune étant clairement définie. Par exemple, cet électeur quantique peut appuyer tel candidat pour telle raison, et tel autre pour telle autre raison, etc.

La question que pose le sondeur ne force pas alors cet électeur quantique à faire un choix et à définir son opinion. C’est plutôt le fait que le sondeur demande une réponse unique (à l’instar d’un instrument de mesure qui, étant macroscopique et relevant de la physique classique, ne peut se trouver que dans des états uniques) qui perturbe de manière fondamentale l’opinion de l’électeur quantique et provoque la « réduction » de la superposition d’opinions initiale à une opinion finale unique.

Plusieurs échanges ont été faits sur l’effet EPR, notamment sur la possibilité d’agir à distance. Le contenu de ces discussions a été incorporé au résumé de la conférence afin d’assurer une continuité dans la lecture du présent document.

Enfin, on s’interroge sur la nécessité d’utiliser la physique quantique pour décrire tous les comportements possibles des particules microscopiques. Par exemple, les instruments utilisés pour mesurer les masses d’atomes et de molécules, notamment pour la datation radioactive, fonctionnent selon les lois de la physique classique : on ne recoure pas aux lois de la physique quantique lorsqu’on les utilise.

Comment sait-on si le recours à la physique quantique est indispensable pour décrire le comportement d’une particule, ou si la physique classique peut être employée ? Lorsque les quantités avec lesquelles on travaille, comme les distances parcourues par les particules à l’intérieur de l’instrument, sont beaucoup plus grandes que la constante de Planck, qui intervient dans la relation de Heisenberg et qui a une valeur de l’ordre de 10-34 m2 * kg / s, on peut traiter les particules comme des corpuscules (petites billes dures) ayant un comportement classique.

Dans de telles situations, l’incertitude de l’instrument qui mesure la position est plus grande que la largeur du paquet d’ondes, et l’incertitude de l’instrument qui mesure la vitesse est plus grande que la largeur du spectre de vitesses (spectre des ondes de de Broglie). Dans de telles situations, les effets spécifiquement quantiques, comme ceux qui découlent de la relation de Heisenberg lors d’une mesure, sont négligeables car inférieurs à la précision des instruments de mesure. Dans de telles situations, la physique classique procure une description valide du comportement des particules.

À suivre…

Compte-rendu préparé par Anne-Sophie Charest, revu et développé par Daniel Fortier.