LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Conférence

Conférence du mardi 13 juin 2006

Les bienfaits et méfaits des produits de santé naturels

De la panacée à la fosse « sceptique »

par Dr Jean-Louis Brazier, pharmacologue

Texte annonçant la soirée

Le conférencier abordera la prolifération des médecines alternatives, plus particulièrement les différents types de produits de santé naturels et médicament « alternatifs » et tentera de répondre à quelques incontournables questions à ce sujet. Quelle valeur accorder à ces produits au moment où se met en place la réglementation canadienne ? Ces produits de santé naturels sont-ils une panacée ou bien sont-ils des leurres ? Les informations dont nous abreuvent les fabricants sont-elles de l'information ou seulement de la publicité ? Ces produits sont-ils « bons » parce qu 'ils sont « naturels » ou bien existe-t-il des combinaisons potentiellement risquées entre ces produits et les médicaments de prescription ?

L'origine des différents produits naturels, ainsi que leur promoteur (naturopathe, homéopathe, etc.), sera également présentée. Le Dr Brazier fera ensuite un survol des différents produits naturels disponibles sur le marché et essaiera de trouver des critères de choix. Il discutera de leur utilité ainsi que de leurs dangers potentiels en référant aux différentes recherches faites sur ces produits. Les éléments présentés auront pour but d'aider les participants à déterminer les risques potentiels liés aux produits de santé naturels.

Jean-Louis Brazier fait ses études à Lyon, en pharmacie d'abord, puis en chimie analytique, toxicologie et hygiène industrielle, et obtient, en 1973, un doctorat d'état en sciences pharmaceutiques.

Il est l'instigateur et un des créateurs du Laboratoire d'Études Analytiques et Cinétiques du Médicament, dont il sera directeur de 1981 à 1997. Ce laboratoire participe activement à la formation universitaire au niveau de Diplômes d'Études Avancées (DEA) en génie biologique et médical, en analyse physico-chimique ou en pharmacocinétique fondamentale et appliquée. Le professeur Brazier est responsable d'une bonne partie de l'enseignement de ces programmes de l'Université de Lyon.

De 1992 à 1995, Jean-Louis Brazier dirige l'Institut de Pharmacie Industrielle de Lyon. Expert d'analyse et expert de pharmacocinétique au Ministère de la Santé (France) depuis les débuts des années '80, il est aussi expert à la Commission de Chimie pharmaceutique B de la Pharmacopée pour l'Agence Nationale du Médicament, dont il est aussi administrateur entre 1993 et 1996.

Le Docteur Brazier se joint à la Faculté de Pharmacie de l'Université de Montréal en 1997. Il y est professeur titulaire en charge de l'enseignement de pharmacocinétique. Depuis trois ans, devant la place croissante de l'utilisation des produits de santé naturels, il a mis en place un enseignement de phytothérapie basé sur les données probantes pour les étudiants en pharmacie et pour la formation continue des pharmaciens. Il est aussi membre actif de plusieurs sociétés savantes de niveaux national et international et collabore régulièrement à l'émission « Une pilule, une petite granule » de Télé-Québec.

Annonces

L'animateur de la soirée, François Filiatrault, souhaite la bienvenue à tous. Il rappelle à l'auditoire en quoi consiste notre scepticisme : demander des preuves sur les assertions paranormales ou autres, réexaminer les idées reçues et développer son esprit critique. Il annonce ensuite le gagnant du concours de slogan pour notre organisme, Michel Toulouse, pour sa devise « Garder l'esprit ouvert sans se fermer les yeux. »

Filiatrault invite aussi les membres à soumettre des idées pour les célébrations du 20e anniversaire des Sceptiques du Québec qui se tiendront l'an prochain. Il mentionne également que paraîtra dans le prochain Québec sceptique un article critique du récent livre de Danielle Fecteau « Télépathie, l'ultime communication ».

Notre animateur présente ensuite le Docteur Brazier, pharmacologue, qui nous entretiendra des bienfaits et méfaits des produits de santé naturels.

Les bienfaits et méfaits des produits de santé naturels

De la panacée à la fosse « sceptique »

par Dr Jean-Louis Brazier, pharmacologue

Jean-Louis Brazier

Les produits de santé naturels

Jean-Louis Brazier précise d'entrée de jeu qu'il compte nous entretenir non pas des médicaments naturels ou des aliments naturels - de telles choses n'existant plus selon la nouvelle réglementation de Santé Canada -, mais bien de produits de santé naturels (PSN). Ce terme englobe environ 40 000 à 50 000 produits différents, incluant des vitamines et minéraux, des plantes médicinales, des remèdes homéopathiques, des médecines traditionnelles (telle que la médecine traditionnelle chinoise), des probiotiques (que l'on trouve entre autres dans le yogourt), des acides aminés et des acides gras essentiels (par exemple les oméga-3).

La forêt primaire, que notre conférencier qualifie de plus grande pharmacie au monde, constitue une source importante de produits médicinaux. Les plantes ne pouvant pas se déplacer, elles doivent se défendre elles-mêmes contre les maladies et les envahisseurs, et produisent donc certaines substances dans ce but. L'étude de ces substances se nomme la pharmacognosie. La zoopharmacognosie consiste quant à elle à observer la façon dont se soignent les animaux et à analyser les plantes qu'ils utilisent. On cherche ensuite le pharmacophore, c'est-à-dire la partie de la molécule qui est responsable de l'activité pharmacologique, et on essaie de la reproduire en laboratoire. Plus de 35 % des principes actifs de l'industrie pharmaceutique viennent ainsi de la nature. Brazier cite en exemple la morphine, un médicament dérivé de l'opium.

Les produits de santé naturels sont largement utilisés par la population canadienne. Une étude de 2005 touchant 2004 personnes concluait que 71 % des canadiens avaient déjà utilisé un produit de santé naturel et que 38 % des gens le faisait régulièrement, 31 % de façon saisonnière et 11 % de façon hebdomadaire. Les gens consommeraient des produits de santé naturels majoritairement pour se maintenir en santé, et souvent car ils les croyaient sans danger, ou meilleur que les médicaments. Pourtant environ 12 % de ce ceux-ci ont ressenti des effets secondaires en utilisant des produits de santé naturels, effet que seuls 41 % d'entre eux ont toutefois rapporté à leur médecin. Du point de vue économique, Santé Canada rapporte que les canadiens dépensent 4,3 milliards de dollars par année pour des produits de santé naturels, un montant considérable, surtout si on le compare aux 10,9 milliards de dollars annuels dépensés pour des médicaments brevetés. Environ 50 % du marché des produits de santé naturels est constitué de vitamines, et 30 % vient de la vente d'herbes et de produits phytopharmaceutiques.

Réglementation en vigueur

Une réglementation de ces produits de santé naturels était toutefois attendue depuis un bon moment. Santé Canada a finalement fait paraître un règlement les régissant le 18 juin 2003 et celui-ci est entré en application le 1er janvier 2004. De plus, Santé Canada obligera à compter de janvier 2009 tous les fabricants de produits de santé naturels à posséder une licence d'exploitation. Entre temps, fait remarquer Brazier, on est dans une zone grise, certains produits sur les tablettes étant certifiés et d'autres non.

Les produits de santé naturels obéissant à la réglementation de Santé Canada reçoivent tous un Numéro de Produit Naturel (NPN ou DIN-HM) dans le cas des produits homéopathiques. La présence d'un numéro d'identification sur un produit garantit que celui-ci a été fabriqué selon les règles gouvernementales et que ses recommandations d'usage sont valides. Toutefois, cela ne garantit pas une certaine efficacité du produit, car Santé Canada n'exige pas une preuve clinique de l'efficacité du produit avant de lui fournir un numéro. En effet, l'organisme gouvernemental ne requiert qu'une preuve pharmacologique ou une preuve d'utilisation traditionnelle depuis plus de 5 ans (c'est-à-dire que le produit ait été utilisé durant 5 ans sans problèmes apparents). Un raccourci dangereux, contre lequel nous met en garde Brazier, est la prétention que les produits de santé naturels, de par leur état de produits naturels, soient nécessairement moins dangereux que les médicaments.

Étude de cas : le millepertuis

Le millepertuis est l'antidépresseur le plus prescrit en Allemagne pour traiter la dépression légère à modérée. Chaque année, on y prescrit plus de 3 millions d'ordonnances de millepertuis, ce qui constitue près de 50 % de toutes les prescriptions allemandes pour traiter la dépression légère à modérée. Il s'agit donc, souligne Brazier, d'un produit de santé naturel qui fonctionne. Des études pharmacologiques ont d'ailleurs mis en évidence le processus avec lequel l'hyperforine, une substance active contenue dans le millepertuis, inhibe la recapture de la sérotonine, de la dopamine et de la norépinephrine à la manière des autres antidépresseurs. De plus, des études cliniques ont montré que, bien que l'effet placebo soit considérable pour traiter la dépression, le millepertuis a tout de même un effet additionnel semblable à celui d'autres médicaments actuellement utilisés, comme le Prozac ou le Citalopram.

Le millepertuis n'est toutefois pas sans danger. Ainsi, en 2000, un homme venant de subir un greffe de cœur a perdu son nouvel organe, car il consommait du millepertuis sans en avoir averti ses médecins. On lui administrait de la cyclosporine, un immunosuppresseur très dispendieux et indispensable pour les personnes greffées. Toutefois, 24 jours après son opération sa concentration plasmatique de cyclosporine s'est mise à chuter sans raison apparente, sans qu'une augmentation de la dose administrée ne réussisse à améliorer la situation. On a finalement découvert, 75 jours après la transplantation, que cet homme prenait du millepertuis, mais il était déjà trop tard pour sauver son cœur. Depuis, plus de 14 cas ont été répertoriés lors desquels des gens ont perdu un cœur, foie ou rein transplantés à cause de leur consommation de millepertuis.

Cet effet s'explique par le fait que le millepertuis est un inducteur de CYP34A et de Pgp, c'est-à-dire qu'il augmente la production de protéines qui bloquent l'entrée de certains composés au niveau de l'intestin. Le millepertuis réduit ainsi l'absorption de près de 60 % des médicaments, dont les immunosuppresseurs, les antiviraux, les statines, les contraceptifs oraux et le coumadin. C'est pour cette raison qu'on a décidé de vendre le millepertuis seulement sous ordonnance en Allemagne. Par contre, il est interdit en France, mais offert en vente libre au Canada.

Une leçon à tirer de cet exemple, conclut Brazier, est que si un produit a une action réelle, alors il a de fortes chances de causer également des effets secondaires, et d'interagir avec d'autres médicaments.

Pourtant, sur les bouteilles de millepertuis d'Adrien Gagnon, on lit encore : « Contrairement aux antidépresseurs de synthèse, le millepertuis ne présente aucun effet secondaire fâcheux, ni aucune contre-indication. » Dans la même veine, Jean-Pierre Demets, un naturopathe, écrit dans son article Les interactions, un faux débat que « Dans la plupart des cas, le supplément naturel agira de façon » intelligente « et sans effets secondaires, de façon biologique ou probiotique, c'est-à-dire favorisant la vie. [Alors que le médicament] agit le plus souvent de façon agressive, un peu à la façon d'un éléphant entrant dans un magasin de porcelaine, il cause la plupart du temps plus de dégâts qu'il ne règle de problèmes. »

Brazier fait remarquer que si on met en garde les usagers contre les effets secondaires des médicaments beaucoup plus fréquemment que pour les produits de santé naturels, c'est qu'on étudie attentivement les premiers avant leur mise en marché et qu'on doit noter et indiquer tous les effets secondaires possibles, même ceux qui sont très rares, alors que peu d'études de ce genre sont menées sur les produits de santé naturels. Au surplus, il est facile de dire que les produits de santé naturels n'ont pas d'effets négatifs puisqu'on prévient les patients de la possibilité de douleurs, qu'on dit normales et qu'on appelle crises de guérison.

De plus, les produits de santé naturels ne sont pas toujours aussi naturels qu'ils le laissent entendre. Santé Canada a publié le 3 mai 2006 une mise en garde précisant que le Nasutra, un produit dit naturel et vendu pour les problèmes d'érection, contenait en fait du Viagra. Il devrait donc être soumis aux mêmes contrôles que le produit réel, et n'est pas recommandé pour certaines personnes à risque.

Il devient donc rapidement dangereux de combiner médicaments et produits de santé naturels. Le coumadin, par exemple, est incompatible avec plusieurs produits de santé naturels dont le millepertuis (il permet une élimination plus rapide du coumadin), le ginseng (il diminue l'effet du coumadin), le ginkgo (il contient des anti-aggrégants plaquettaires), l'ail (il augment les effets du coumadin), la vitamine E (elle joue un rôle semblable à celui du coumadin), le Dong Quai (il inhibe l'agrégation plaquettaire)... En règle générale, on ne doit pas prendre un produit de santé naturel qui agit de façon similaire à un de nos médicaments sans consulter le médecin à ce sujet.

Du côté des fabricants de produits de santé naturels, certains arguent que si on prévient les gens prenant du coumadin de ne pas consommer en même temps du ginkgo, c'est qu'il a lui aussi de véritables propriétés anticoagulantes. Ainsi, raisonnent-ils, on devrait ne consommer qu'une seule de ces deux substances, c'est-à-dire le ginkgo, car il a moins d'effets secondaires. En somme, au lieu d'affirmer que le ginkgo est contre-indiqué quand on prend du coumadin, on devrait dire le contraire. C'est une logique qui semble implacable, concède notre conférencier, mais un antivitamine K et un inhibiteur de l'agrégation plaquettaire ne sont ni identiques ni interchangeables même si tous deux se conduisent comme des « anticoagulants ».

La vérité sur les produits de santé naturels

Les fabricants de produits de santé naturels prétendent fréquemment que leurs produits peuvent traiter bien plus de problèmes que c'est réellement le cas. Ainsi, on affirme que le millepertuis est un antiviral, et agit donc contre le virus du VIH, en plus d'être efficace pour traiter la peur, l'insomnie, la dépression, l'asthme, les cauchemars... On sait effectivement que le millepertuis (en fait deux de ses sous-produits, soit l'hypericine et l'hyperforine) interfère avec le relargage de particules virales hors de la cellule chez les souris infectée avec le virus du VIH. Toutefois, les études cliniques ont montré que cet effet n'est pas conservé lors de la prise du millepertuis par des personnes ayant le VIH. Au surplus, sur les 30 participants à une telle étude, 16 ont dû arrêter le traitement à cause des effets secondaires. Une personne avec le VIH décidant de prendre du millepertuis risque donc, en plus de n'en tirer aucun avantage, d'empirer sa santé. En effet, les antiviraux sont des substrats de Pgp et du CYP3A4, et donc le millepertuis diminue leur absorption.

Un autre exemple où des effets pharmacologiques et des effets cliniques ne sont pas corrélés est avec l'échinacée. In vitro, on peut l'utiliser pour combattre les infections virales tel l'herpès, mais dans des études cliniques en double aveugle, où on contrôle pour l'effet placebo, on n'a pas pu montrer un réel effet de ce produit. Bref, les humains ne sont ni des cellules, ni des souris !

Le problème, explique Brazier, c'est que dans leurs publicités et liste d'usages, les fabricants mélangent les effets pharmacologiques (in vitro, chez la souris) et les effets cliniques. Et certains fabricants affirment encore des faussetés. On trouve encore sur Internet des affirmations du genre : « Quant à la toxicité du millepertuis, elle est inexistante. Il s'agit donc d'une plante des plus sécuritaires. On ne lui connaît pas non plus d'interaction néfaste avec quelque médicament que ce soit. Le millepertuis peut donc être consommé en toute confiance. » Il faut donc toujours faire attention aux informations qu'on trouve au sujet des produits de santé naturels.

Brazier mentionne quelques critères utiles pour évaluer la validité des informations qui nous sont présentées. D'abord, une bonne étude est habituellement faite en double aveugle, et on y trouve un groupe témoin, un groupe placebo et un groupe verum, chacun choisi de façon aléatoire. Un bon devis expérimental comprend des objectifs avec critères de performance précis et des critères d'inclusion/exclusion (pour que l'étude se fasse sur des personnes homogènes atteintes de la pathologie en question). On doit y donner le nombre de sujets et décrire précisément le produit utilisé (doses, rythme d'utilisation, durée). Ceci est souvent particulièrement difficile avec les produits de santé naturels à cause de la variabilité de leur contenu. Ainsi, un mL d'extrait de millepertuis n'est pas une mesure très précise, car, selon l'âge auquel il est cueilli et le lieu de culture, il n'aura pas exactement les mêmes constituants. Enfin, on doit mesurer des critères de performance précis et faire une étude statistique selon des méthodes et critères préétablis.

Choisir un produit naturel

Comment donc choisir un produit de santé naturel ?

En premier lieu, propose Brazier, on peut regarder la composition du produit. S'il possède un NPN, on n'a pas à s'inquiéter à ce sujet. Sinon, il faut être très vigilant. Une étude de 2003 sur 59 échantillons d'échinacée montrait que 10 % des produits testés ne contenaient aucune quantité mesurable d'échinacée et que seulement 52 % des produits contenaient l'espèce correspondante à celle indiquée sur l'emballage. En plus, sur ces 21 produits qui étaient corrects, seulement 9 satisfaisaient les standards indiqués sur l'emballage. Et en général, les concentrations mesurées n'étaient aucunement corrélées à celles indiquées par le fabricant. Le cas des gélules d'ail est aussi particulièrement intéressant. On indique sur celles-ci qu'elles contiennent par exemple 4000 mcg d'allicine. L'allicine est la molécule porteuse de l'odeur de l'ail. Il n'y a toutefois pas d'allicine dans l'ail que l'on achète. Cette molécule se crée par la réaction de l'alline avec l'allinase, un enzyme présent dans les cellules de l'ail. Cette réaction se produit quand on écrase, ou coupe, l'ail. L'allicine est toutefois très instable et se transforme rapidement en plusieurs autres molécules. Ainsi, il est impossible de mettre l'allicine dans une capsule, car il n'en resterait rien après 15 minutes. En fait, on précise sur l'emballage qu'il contient 4000mcg d'allicine (en puissance) au moment de la fabrication.

On peut également consulter les indications ou usages du médicament, mais, comme le conférencier l'a mentionné plus tôt, on y indique souvent beaucoup trop d'usages possibles sans preuve valide.

La réglementation de Santé Canada ne réglera pas tous ces problèmes. Il faut encore être vigilant, s'informer aux bonnes sources, ne pas croire aux miracles et toujours faire marcher son Gros Bon Sens, ou GBS comme l'appelle Brazier. Il peut toutefois être difficile de discerner la publicité des réelles informations. Dans les publicités, on trouve souvent une grande utilisation de superlatifs (Ex. : supranutritionnel, giganteum, super aliment, de premier ordre...). On fait aussi souvent référence aux indiens, aux sages et aux chamanes, et on met souvent l'accent sur le fait que les produits de santé naturels nettoient le corps, purifient. On fait également souvent appel aux témoignages de gens ayant utilisé le produit et on propose des produits en promotion constante.

Ceux qui désirent plus d'information au sujet des divers produits de santé naturels sur le marché peuvent consulter le site de Santé Canada. Il existe également un seul livre complet à ce sujet, voir www.naturaldatabase.com. Il s'agit d'un ouvrage sérieux avec une bibliographie de 12 000 articles parus dans des revues avec comités de lecture. Quant à savoir si les produits de santé naturels sont une panacée, Brazier conclut qu'il y a de bons produits, certains qui méritent des études plus poussées, et d'autres qui malheureusement recèlent une bonne dose de charlatanisme.

En terminant, Brazier nous invite à rester des PSN (Personnes Sceptiques Naturellement).

Questions et Discussion

Glucosamine

On demande au Dr Brazier ce qu'il pense de la glucosamine, un produit qui aurait réglé les problèmes de marche du chien d'une connaissance d'une des personnes dans la salle. Le conférencier explique que la glucosamine est une petite molécule extraite des carapaces de mollusques. C'est un constituant de notre cartilage, et chacun de nous en crée à tous les jours. Des études ont prouvé qu'elle atténuait la douleur chez les gens qui ont de l'arthrose à condition de suivre une posologie précise durant un assez long temps, les premiers effets se manifestant de 4 à 6 semaines après le début du traitement. Une très grande étude américaine sur l'efficacité de la glucosamine contre la douleur, datant de 2002, testait 3 produits différents : la glucosamine, la chrondroïtine et le celebrex. Les patients avaient toutefois le droit d'utiliser du Tylenol s'ils avaient mal, à condition de noter leur nombre exact, car il ne serait pas éthique de faire souffrir les gens du groupe placebo. Les résultats ont montré que l'effet placebo était suffisant pour réduire de 20 % la douleur sur une échelle analogique pour 60 % des personnes, la glucosamine chez 64 % des patients, et le célébrex chez 69 % de ceux-ci. La glucosamine est donc efficace, sans effet secondaire et n'interagit pas avec les autres médicaments. On a aussi pu montrer que la glucosamine était efficace en mesurant l'épaisseur du cartilage articulaire. Il reste à savoir si la glucosamine sert à fabriquer le cartilage ou limite son érosion.

Oméga-3

On discute ensuite de l'utilité des omega-3. Il semble à notre conférencier que les oméga-3 soient efficaces dans le domaine des pathologies cardio-vasculaires. Il trouve toutefois qu'on se base habituellement beaucoup trop sur les études épidémiologiques; en ce qui concerne les activités neurologiques, par exemple, le fait que les Innus qui mangent du phoque, une source d'oméga-3, sont moins touchés par la dépression. De telles études rétroactives peuvent toutefois omettre de considérer certains autres facteurs. Ainsi, en Suède, où on achète l'alcool directement dans les épiceries, on a fait une étude sur les facteurs confondant avec le vin dans le but de tester l'opinion voulant que le vin (en petites quantités) est bon pour la santé. On a attendu les gens à la sortie des épiceries et récolté 2 500 000 tickets de caisse. On les a divisés entre ceux qui avaient acheté du vin, et ceux qui avaient acheté d'autres types d'alcool ou aucune boisson alcoolisée. On s'est rendu compte que ceux qui consommaient du vin dépensaient plus pour la nourriture et avaient de manière générale une meilleure alimentation.

Antioxydants

Cela nous amène à parler des antioxydants, à cause desquels on suggérait justement aux gens de consommer du vin régulièrement. Les antioxydants sont essentiels au fonctionnement de notre organisme. Nous fabriquons des radicaux libres à longueur de journée; ce sont des espèces chimiques dont les électrons libres réagissent avec les molécules environnantes. Les antioxydants neutralisent ces radicaux libres, mais de là à conclure qu'ils empêchent seuls, le cancer, Brazier n'est pas convaincu. Il font partie des produits dont l'activité est favorable à limiter certains mécanismes mis en jeu dans le cancer. Il ajoute qu'il ne faut surtout pas augmenter la dose d'un seul antioxydant pour neutraliser les radicaux libres, mais en consommer à partir de sources variées.

Tendances

Enfin, on tente de découvrir la prochaine mode après les omégas-3. Notre conférencier admet n'en avoir aucune idée, mais il ajoute que les algues sont toujours très populaires. Il mentionne par exemple les phytoestrogènes, qui ne sont aucunement de vrais estrogènes, mais des molécules comme les isoflavones du soja qui sont capables de se fixer sur les récepteurs des oestrogènes.. Ils semblent utiles pour diminuer de façon modeste les bouffées de chaleur, si consommés de façon continue. Mais, l'effet placebo joue un rôle très important sur les bouffées de chaleur et il faudrait donc des études à plus long terme (au moins 6 mois) pour obtenir des résultats plus valides.

Compte-rendu rédigé par Anne-Sophie Charest.

 

Voir aussi : "naturel" dans le dictionnaire sceptique.