Autocensure et gouvernance
L’ère du management totalitaire
Alain Deneault, Université de Montréal
La censure sévit de moins en moins sous l’autorité de « Bureaux » autorisés la faisant valoir explicitement, mais elle tend à s’imposer sur des modes implicites. Des modalités particulières de connaissance par exemple, auxquelles est associé l’avancement de carrière, se voient promues afin d’amener les sujets d’une époque à concevoir le réel historique sur un mode dont la structure elle-même procède de l’autocensure. Le cas du vocable gouvernance en est une.
Appliquée sur un mode gestionnaire ou commercial par des groupes sociaux représentant des intérêts divers, la gouvernance prétend à un art de la gestion pour elle-même. Entrée dans les mœurs, évoquée aujourd’hui à toute occasion et de tous bords de l’échiquier politique, sa plasticité opportune tend à remplacer les vieux vocables de la politique. Cette « révolution anesthésiante » doit être bien comprise : elle participe discrètement à l’instauration de l’ère du management totalitaire.

| Alain Deneault est notamment l’auteur de Gouvernance, le management totalitaire (Lux, 2013) et de Faire l’économie de la haine (Écosociété, 2011), deux ouvrages qui s’intéressent à l’autocensure comme fait social. Il enseigne également la pensée critique en science politique à l’Université de Montréal. |